2. Prérequis fondamentaux

2.1 Nécessaires précisions terminologiques

C’est à la lumière de l’enseignement du Magistère que je présenterai dans un premier temps quelques éléments fondamentaux de la doctrine catholique, ainsi qu’un ensemble de termes généralement admis en théologie et en exégèse, dont il est primordial de bien identifier le sens général, le contexte d’emploi et la portée qui leur est conférée. 

Ces précisions ont pour vocation de donner le plus de clarté possible à l’étude menée, afin d’éviter toute confusion, équivoque, ou encore erreur d’interprétation qui pourrait advenir, sachant qu’une même dénomination issue de la tradition biblique peut renvoyer à une réalité différente dans le champ d’analyse théologique.

En ce sens, nous nous attacherons dans ce qui suit, à identifier certaines ambiguïtés terminologiques, souvent très subtiles, afin de les lever.

2.1.1 Le « Magistère » de l’Eglise Catholique

2.1.1.1 Fondement biblique

Mt 16,18-19 :

[Notre Seigneur Jésus s’adressant à l’apôtre Pierre :]  « 18 Moi, je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Église, et que les portes du séjour des morts ne prévaudront point contre elle. 19 Je te donnerai les clefs du royaume des cieux: ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux ».

C’est à partir de ce texte biblique qu’est établie la primauté de l’apôtre Saint Pierre et de l’ensemble des souverains pontifes qui se succéderont au cours des siècles, recevant du Christ le « pouvoir des clef », dont le Catéchisme de l’Eglise Catholique donne une définition précise :

§ 553 : « Jésus a confié à Pierre une autorité spécifique: "Je te donnerai les clefs du Royaume des Cieux: quoi que tu lies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour lié, et quoi que tu délies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour délié" (Mt 16,19). Le "pouvoir des clefs" désigne l'autorité pour gouverner la maison de Dieu, qui est l'Eglise. Jésus, "le Bon Pasteur" (Jn 10,11) a confirmé cette charge après sa Résurrection : "Pais mes brebis" (Jn 21,15-17). Le pouvoir de "lier et délier" signifie l'autorité pour absoudre les péchés, prononcer des jugements doctrinaux et prendre des décisions disciplinaires dans l'Eglise. Jésus a confié cette autorité à l'Eglise par le ministère des apôtres (Cf. Mt 18,18) et particulièrement de Pierre, le seul à qui il a confié explicitement les clefs du Royaume ».

§ 981 : « Le Christ après sa résurrection a envoyé ses apôtres "annoncer à toutes les nations le repentir en son Nom en vue de la rémission des péchés" (Lc 24,47). Ce "ministère de la réconciliation" (2 Co 5,18), les apôtres et leurs successeurs ne l'accomplissent pas seulement en annonçant aux hommes le pardon de Dieu mérité pour nous par le Christ et en les appelant à la conversion et à la foi, mais aussi en leur communicant la rémission des péchés par le Baptême et en les réconciliant avec Dieu et avec l'Eglise grâce au pouvoir des clefs reçu du Christ:

L'Eglise a reçu les clés du Royaume des cieux, afin que se fasse en elle la rémission des péchés par le sang du Christ et l'action du Saint-Esprit. C'est dans cette Eglise que l'âme revit, elle qui était morte par les péchés, afin de vivre avec le Christ, dont la grâce nous a sauvés (Saint Augustin, serm. 214,11) ».

Lc 10,16 :

« 16 Qui vous écoute m'écoute, qui vous rejette me rejette, et qui me rejette rejette Celui qui m'a envoyé ».

S’adressant à l’ensemble de ses premiers apôtres, constitué des 12 puis des 72 premiers disciples, Jésus indique clairement la nature de l’autorité conférée au premier collège apostolique. Cette autorité s’exerce identiquement par nos évêques actuels, comme le souligne le Catéchisme de l’Eglise Catholique :

§ 862 : « De même que la charge confiée personnellement par le Seigneur à Pierre, le premier des apôtres, et destinée à être transmise à ses successeurs, constitue une charge permanente, permanente est également la charge confiée aux Apôtres d'être les pasteurs de l'Eglise, charge dont l'ordre sacré des évêques doit assurer la pérennité". C'est pourquoi l'Eglise enseigne que "les évêques, en vertu de l'institution divine, succèdent aux Apôtres, comme pasteurs de l'Eglise, en sorte que, qui les écoute, écoute le Christ, qui les rejette, rejette le Christ et celui qui a envoyé le Christ" (LG 20) ».

Pour autant, il convient de préciser que toute injonction qui serait formulée en dehors de la discipline évangélique et du cadre strict des commandements divins, est par nature illicite, et en aucun cas les fidèles se doivent d’y répondre.

Lc 22,31-34 :

« 31 Le Seigneur dit : Simon, Simon, Satan vous a réclamés, pour vous cribler comme le froment. 32 Mais j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point ; et toi, quand tu seras converti, affermis tes frères.33 Seigneur, lui dit Pierre, je suis prêt à aller avec toi et en prison et à la mort. 34 Et Jésus dit : Pierre, je te le dis, le coq ne chantera pas aujourd'hui que tu n'aies nié trois fois de me connaître ».

De ce texte découle la primauté de l’Apôtre Pierre dans l’ordre de la foi, et donc de l’ensemble des souverains pontifes qui se succéderont après lui, dont une des principales charges de leur ministère, sera d’affermir et de confirmer leur frère dans la foi, en particulier les évêques, mais également l’ensemble du Peuple de Dieu.

Jn 21,14-17 :

« 14 C'était déjà la troisième fois que Jésus se montrait à ses disciples depuis qu'il était ressuscité des morts. 15 Après qu'ils eurent mangé, Jésus dit à Simon Pierre : Simon, fils de Jonas, m'aimes-tu plus que ne m'aiment ceux-ci ? Il lui répondit : Oui, Seigneur, tu sais que je t'aime. Jésus lui dit : Pais mes agneaux. 16 Il lui dit une seconde fois : Simon, fils de Jonas, m'aimes-tu? Pierre lui répondit : Oui, Seigneur, tu sais que je t'aime. Jésus lui dit : Pais mes brebis. 17 Il lui dit pour la troisième fois : Simon, fils de Jonas, m'aimes-tu ? Pierre fut attristé de ce qu'il lui avait dit pour la troisième fois : M'aimes-tu ? Et il lui répondit : Seigneur, tu sais toutes choses, tu sais que je t'aime. Jésus lui dit : Pais mes brebis ».

C’est au bord du lac de Tibériade que Notre Seigneur confie à l’apôtre Pierre le soin de faire paître ses brebis, et confirme ainsi sa vocation de Pasteur suprême l’Eglise Catholique c’est à dire Universelle. 

2.1.1.2 La succession apostolique

Par l’imposition des mains reçue le jour de leur ordination épiscopale, nos évêques actuels sont les successeurs des apôtres du Christ dont ils ont reçu en particulier la charge d’enseignement, et sont, à ce titre, les garants de la transmission de l’Evangile. C’est ce que l’on appelle la « succession apostolique », comme le souligne le Catéchisme de l’Eglise Catholique :

§ 77 : « Pour que l'Evangile fût toujours gardé intact et vivant dans l'Eglise, les apôtres laissèrent comme successeurs les évêques, auxquels ils "transmirent leur propre charge d'enseignement ". En effet, "la prédication apostolique, qui se trouve spécialement exprimée dans les livres inspirés, devait être conservée par une succession ininterrompue jusqu'à la consommation des temps ».

Lors de l’audience générale du 10 mai 2006, le Saint Père Benoît XVI développait précisément sa catéchèse sur le thème de la « succession apostolique ». C’est un texte qui présente l’avantage de situer remarquablement sa dimension historique et spirituelle, ainsi que le développement et la continuité du ministère apostolique à travers la communion avec l’Eglise de Rome. Je le reproduis ici dans sa version intégrale : 

« Au cours des deux dernières audiences, nous avons médité sur ce qu'est la Tradition de l'Eglise, et nous avons vu que celle-ci est la présence permanente de la parole et de la vie de Jésus parmi son peuple. Mais la parole, pour être présente, a besoin d'une personne, d'un témoin. C'est ainsi que naît cette réciprocité : d'une part, la parole a besoin de la personne mais, de l'autre, la personne, le témoin, est lié à la parole qui lui est confiée et non pas inventée par lui. Cette réciprocité entre contenu - parole de Dieu, vie du Seigneur - et personne qui l'accomplit est caractéristique de la structure de l'Eglise, et nous voulons aujourd'hui méditer sur cet aspect personnel de l'Eglise.

Le Seigneur l'avait commencé en convoquant, comme nous l'avons vu, les Douze, à travers lesquels était représenté le futur Peuple de Dieu. Dans la fidélité au mandat reçu par le Seigneur, les Douze complètent tout d'abord, après son Ascension, leur nombre avec l'élection de Matthieu à la place de Judas (Cf. Ac 1,15-26), puis ils associent d'autres personnes aux fonctions qui leur sont confiées, afin qu'elles poursuivent leur ministère. Le Ressuscité lui-même appelle Paul (Cf. Ga 1,1) mais Paul, bien qu'appelé par le Seigneur comme Apôtre, confronte son Evangile avec l'Evangile des Douze (Cf. Ibid. 1,18), il se soucie de transmettre ce qu'il a reçu (Cf. 1 Co 11,23 ; 15,3-4) et, dans la distribution des tâches missionnaires, il est associé aux Apôtres, ainsi que d'autres, par exemple Barnabé (Cf. Ga 2,9). De même qu'au début de la condition d'apôtre, il y a un appel et un envoi du Ressuscité, l'appel et l'envoi d'autres personnes se réalisera avec la force de l'Esprit par l'œuvre de ceux qui sont déjà constitués dans le ministère apostolique. Telle est la voie par laquelle se poursuivra ce ministère qui, ensuite, en commençant par la deuxième génération, s'appellera ministère épiscopal, "episcopé".

Sans doute est-il utile d'expliquer brièvement ce que signifie le mot évêque. Il s'agit de la forme française du mot grec "episcopos". Ce mot indique quelqu'un qui possède une vision d'en haut, quelqu'un qui regarde avec le cœur. Ainsi, Saint Pierre lui-même, dans sa première Lettre, appelle le Seigneur Jésus "pasteur et évêque, gardien de vos âmes". Et selon ce modèle du Seigneur, qui est le premier évêque, gardien et pasteur des âmes, les successeurs des apôtres se sont ensuite appelés évêques, "episcopoi". C'est à eux qu'est confiée la fonction de l'"episcopé". Cette fonction précise de l'évêque évoluera progressivement, par rapport aux commencements, jusqu'à prendre la forme - déjà clairement attestée chez Ignace d'Antioche au début du 2 ième siècle (Cf. Ad Magnesios, 6,1 : PG 5,668) - de la triple charge de l'évêque, prêtre et diacre. C'est un développement guidé par l'Esprit de Dieu, qui assiste l'Eglise dans le discernement des formes authentiques de la succession apostolique, toujours mieux définie face à une pluralité d'expériences et de formes charismatiques et ministérielles, présentes dans les communautés des origines.

Ainsi, la succession de la fonction épiscopale se présente comme la continuité du ministère apostolique, garantie de la persévérance dans la Tradition apostolique. Le lien entre le Collège des Evêques et la communauté originelle des Apôtres est tout d'abord compris dans l'optique de la continuité historique. Comme nous l'avons vu, aux Douze est tout d'abord associé Matthieu, puis Paul, puis Barnabé, puis d'autres, jusqu'à la formation, dans la seconde et troisième génération, du ministère de l'Evêque. La continuité s'exprime donc dans cette chaîne historique. Et dans cette continuité de la succession se trouve la garantie de la persévérance, dans la communauté ecclésiale, du Collège apostolique rassemblé autour de lui par le Christ. Mais cette continuité, que nous voyons tout d'abord dans la continuité historique des ministres, est entendue également au sens spirituel, car la succession apostolique dans le ministère est considérée comme le lieu privilégié de l'action et de la transmission de l'Esprit Saint. Un clair écho de ces convictions se trouve, par exemple, dans le texte suivant d'Irénée de Lyon (deuxième moitié du 2 ième siècle) : "La tradition des Apôtres, manifeste dans le monde entier, se montre dans chaque Eglise à tous ceux qui veulent voir la vérité et nous pouvons énumérer les Evêques établis par les Apôtres dans les Eglises et leurs successeurs jusqu'à nous... (Les Apôtres) voulurent, en effet, que soient absolument parfaits et irrépréhensibles en toute chose ceux qu'ils laissaient comme leurs successeurs, en leur transmettant leur mission d'enseignement. Si ceux-ci avaient correctement compris, ils en aurait tiré un grand profit ; si, en revanche, ils avaient échoué, ils en aurait tiré un très grand dommage" (Adversus haereses, 3,3,1 : PG 7, 848).

Par la suite, Irénée, indiquant ici ce réseau de la succession apostolique comme garantie de la persévérance dans la parole du Seigneur, se concentre sur cette Eglise "souveraine, très ancienne et connue de tous" qui a été "fondée et constituée à Rome par les très glorieux Apôtres Pierre et Paul", en donnant de l'importance à la Tradition de la foi, qui en celle-ci parvient jusqu'à nous depuis les Apôtres, à travers les successions des Evêques. De cette façon, pour Irénée et pour l'Eglise universelle, la succession épiscopale de l'Eglise de Rome devient le signe, le critère et la garantie de la transmission ininterrompue de la foi apostolique : "A cette Eglise, en raison de sa principale particularité (propter potiorem principalitatem), il est nécessaire que s'unisse chaque Eglise, c'est-à-dire les fidèles partout où ils sont, car en elle, la tradition des Apôtres a toujours été conservée..." (Adversus haereses, 3,3,2 : PG 7, 848). La succession apostolique - qui a lieu sur la base de la communion avec celle de l'Eglise de Rome - est donc le critère de la permanence de chaque Eglise particulière dans la Tradition de la foi apostolique commune, qui, à travers ce canal, a pu parvenir jusqu'à nous depuis les origines : "Selon cet ordre et cette succession est parvenue jusqu'à nous la tradition qui est dans l'Eglise depuis les Apôtres et la prédication de la vérité. Il s'agit là de la preuve la plus complète que la foi vivifiante des Apôtres est une seule et la même, ayant été conservée et transmise dans la vérité" (ibid., 3,3,3 : PG 7, 851).

Selon ces témoignages de l'Eglise antique, l'apostolicité de la communion ecclésiale consiste dans la fidélité à l'enseignement et à la pratique des Apôtres, à travers lesquels est assuré le lien historique et spirituel de l'Eglise avec le Christ. La succession apostolique du ministère épiscopal est la voie qui garantit la transmission fidèle du témoignage apostolique. Ce que représentent les Apôtres dans la relation entre le Seigneur Jésus et l'Eglise des origines, est représenté de manière analogue par la succession ministérielle dans la relation entre l'Eglise des origines et l'Eglise actuelle. Il ne s'agit pas d'un simple enchaînement matériel ; c'est plutôt l'instrument historique dont se sert l'Esprit pour rendre présent le Seigneur Jésus, Chef de son peuple, à travers ceux qui sont ordonnés pour le ministère par l'imposition des mains et la prière des évêques. A travers la succession apostolique, c'est alors le Christ qui nous rejoint: dans la parole des Apôtres et de leurs successeurs, c'est Lui qui nous parle; par leurs mains, c'est Lui qui agit dans les sacrements; dans leur regard, c'est son regard qui nous enveloppe et nous fait sentir aimés, accueillis dans le Coeur de Dieu. Et aujourd'hui aussi, comme au commencement, le Christ lui-même est le véritable pasteur et gardien de nos âmes, que nous suivons avec une grande confiance, gratitude et joie ».

2.1.1.3 L’autorité du Magistère

La constitution dogmatique « Dei Verbum » (sur la Révélation Divine), promulguée le 18 novembre 1965 lors du Concile Vatican II, précise au chapitre 2, § 10 que : « la charge d’interpréter authentiquement la Parole de Dieu écrite ou transmise a été confiée au seul Magistère vivant de l’Eglise, dont l’autorité s’exerce au nom de Jésus-Christ. Pourtant, ce Magistère n'est pas au-dessus de la parole de Dieu, mais il la sert, n'enseignant que ce qui fut transmis, puisque par mandat de Dieu, avec l'assistance de l'Esprit-Saint, il écoute cette Parole avec amour, la garde saintement et l'expose aussi avec fidélité, et puise en cet unique dépôt de la foi tout ce qu'il propose à croire comme étant révélé par Dieu ».

Ainsi, afin d’éviter toute erreur doctrinale et fournir une interprétation correcte des textes bibliques, il est fondamental de s’appuyer sur l’enseignement de la Sainte Eglise, qui seul fait autorité en la matière.

Cet enseignement est donné par le Magistère, représenté par tous les évêques qui sont en communion avec le successeur de Pierre, c'est-à-dire le Pape, évêque de Rome (Cf. § 65 du Catéchisme de l’Eglise Catholique).

A ce sujet, reportons-nous directement à la section intitulée « Le collège épiscopal et son chef, le Pape » du Catéchisme de l’Eglise Catholique :

§ 880 : « Le Christ, en instituant les Douze, " leur donna la forme d’un collège, c’est-à-dire d’un groupe stable, et mit à leur tête Pierre, choisi parmi eux " (LG 19). " 
De même que Saint Pierre et les autres apôtres constituent, de par l’institution du Seigneur, un seul collège apostolique, semblablement le Pontife romain, successeur de Pierre et les évêques, successeurs des apôtres, forment entre eux un tout " (LG 22 ; Cf. CIC, can. 330) ».

§ 881 : « Le Seigneur a fait du seul Simon, auquel Il donna le nom de Pierre, la pierre de son Église. Il lui en a remis les clefs (Cf. Mt 16,18-19) ; Il l’a institué pasteur de tout le troupeau (Cf. Jn 21,15-17). " Mais cette charge de lier et de délier qui a été donnée à Pierre a été aussi donnée, sans aucun doute, au collège des apôtres unis à leur chef " (LG 22). Cette charge pastorale de Pierre et des autres apôtres appartient aux fondements de l’Église. Elle est continuée par les évêques sous la primauté du Pape ».

§ 882 : « Le Pape, évêque de Rome et successeur de Saint Pierre, " est principe perpétuel et visible et fondement de l’unité qui lie entre eux soit les évêques, soit la multitude des fidèles " (LG 23). " En effet, le Pontife romain a sur l’Église, en vertu de sa charge de Vicaire du Christ et de Pasteur de toute l’Église, un pouvoir plénier, suprême et universel qu’il peut toujours librement exercer " (LG 22 ; Cf. CD 2 ; 9) ».

§ 883 : « Le collège ou corps épiscopal n’a d’autorité que si on l’entend comme uni au Pontife romain, comme à son chef ". Comme tel, ce collège est " lui aussi le sujet d’un pouvoir suprême et plénier sur toute l’Église, pouvoir cependant qui ne peut s’exercer qu’avec le consentement du Pontife romain " (LG 22 ; Cf. CIC, can. 336) ».

§ 884 : «  Le Collège des Évêques exerce le pouvoir sur l’Église tout entière de manière solennelle dans le Concile Œcuménique " (CIC, can. 337, §1). " Il n’y a pas de Concile Œcuménique s’il n’est comme tel confirmé ou tout au moins accepté par le successeur de Pierre " (LG 22) ».

§ 885 : « Par sa composition multiple, ce collège exprime la variété et l’universalité du Peuple de Dieu ; il exprime, par son rassemblement sous un seul chef, l’unité du troupeau du Christ " (LG 22) ».

§ 886 : « Les évêques sont, chacun pour sa part, principe et fondement de l’unité dans leurs Églises particulières " (LG 23). Comme tels ils " exercent leur autorité pastorale sur la portion du Peuple de Dieu qui leur a été confiée " (LG 23), assistés des prêtres et des diacres. Mais, comme membres du collège épiscopal chacun d’entre eux a part à la sollicitude pour toutes les Églises (Cf. CD 3), qu’ils exercent d’abord " en gouvernant bien leur propre Église comme une portion de l’Église universelle ", contribuant ainsi " au bien de tout le Corps mystique qui est aussi le Corps des Églises " (LG 23). Cette sollicitude s’étendra particulièrement aux pauvres (Cf. Ga 2,10), aux persécutés pour la foi, ainsi qu’aux missionnaires qui œuvrent sur toute la terre ».

§ 887 : « Les Églises particulières voisines et de culture homogène forment des provinces ecclésiastiques ou des ensembles plus vastes appelés patriarcats ou régions (Cf. Canon des Apôtres 34). Les évêques de ces ensembles peuvent se réunir en synodes ou en conciles provinciaux. " De même, les Conférences épiscopales peuvent, aujourd’hui, contribuer de façon multiple et féconde à ce que l’esprit collégial se réalise concrètement " (LG 23) ».

2.1.1.4 Les degrés du Magistère et l’infaillibilité pontificale

Une des principales charges du Magistère est d’enseigner et de transmettre la doctrine officielle de l'Eglise à l’ensemble du peuple de Dieu, à laquelle les fidèles catholiques sont invités à adhérer.

Il convient cependant de considérer ce que l’on appelle les « degrés du Magistère », en fonction de la nature et du caractère propre de l’enseignement. A titre d’exemple, il est fondamental de noter que le niveau d’autorité d’une constitution dogmatique diffère singulièrement de celui d’une homélie ou d’un discours prononcée par un responsable ecclésiastique, et ce, quelle que soit sa fonction dans la hiérarchie de l’Eglise.

Ainsi, on distingue généralement l'enseignement du « Magistère extraordinaire (solennel) » et l'enseignement du « Magistère ordinaire et universel », de celui qui est simplement qualifié d’« authentique ».

Le « Magistère extraordinaire » et le « Magistère ordinaire et universel » sont liés à la notion d'infaillibilité, tandis que le Magistère « authentique », ne relève généralement pas de l'infaillibilité pontificale, mais requière cependant l'adhésion des fidèles.

- On appelle « Magistère extraordinaire » l'ensemble des actes pontificaux et conciliaires dont l'objet est la définition solennelle et définitive d'une doctrine sur la foi ou les mœurs. C’est également le cas lorsque le Souverain Pontife fait une déclaration dite « ex cathedra » (littéralement « de la Cathèdre »), c’est à dire « lorsque, remplissant sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens, il définit, en vertu de l'autorité de sa suprême autorité apostolique, qu'une doctrine, en matière de foi ou de morale, doit être admise par toute l'Eglise » comme le précisait la définition de l’infaillibilité pontificale adoptée le 18 juillet 1870 lors de la 4 ième session du Concile Vatican I, par la constitution dogmatique « Pastor Aeternus »,sous le pontificat du Pape Pie IX.

NB : L'infaillibilité pontificale peut être évoquée par un souverain pontife, en particulier lorsqu'il s’agit de la proclamation solennelle d’un dogme. Cela ne s'est produit qu'une seule fois depuis 1870, pour le dogme de l'Assomption de la Vierge Marie, proclamé par le Pape Pie XII en 1950, après consultation des évêques du monde entier.

L’infaillibilité concerne également le Collège des évêques, notamment lorsque celui-ci est rassemblé en Concile Œcuménique. Par contre « les évêques considérés isolément ne jouissent pas de la prérogative de l’infaillibilité ; cependant, même dispersés à travers le monde et en conservant le lien de la communion entre eux et avec le successeur de Pierre, lorsque dans leur enseignement authentique concernant des questions de foi et de morale ils déclarent d’un commun accord qu’il faut soutenir sans hésiter tel ou tel point de doctrine, ils annoncent alors infailliblement l’enseignement de l’Eglise » comme le développe le § 25 (fonction d’enseignement des évêques) de la constitution dogmatique « Lumen Gentium » sur l’Eglise, le Catéchisme de l'Église Catholique au § 891 et les § 1 et 2 du Canon 749 du Code de Droit Canonique :

 § 1 : « Le Pontife Suprême, en vertu de sa charge, jouit de l'infaillibilité dans le magistère lorsque, comme Pasteur et Docteur suprême de tous les fidèles auquel il appartient de confirmer ses frères dans la foi, il proclame par un acte décisif une doctrine à tenir sur la foi ou les mœurs ».

§ 2 : « Le Collège des Évêques jouit lui aussi de l'infaillibilité dans le magistère lorsque les Évêques assemblés en Concile Œcuménique exercent le magistère comme docteurs et juges de la foi et des mœurs, et déclarent pour l'Église tout entière qu'il faut tenir de manière définitive une doctrine qui concerne la foi ou les mœurs; ou bien encore lorsque les Évêques, dispersés à travers le monde, gardant le lien de la communion entre eux et avec le successeur de Pierre, enseignant authentiquement en union avec ce même Pontife Romain ce qui concerne la foi ou les mœurs, s'accordent sur un point de doctrine à tenir de manière définitive ».

Cet enseignement demande « l’obéissance de la foi » de la part des fidèles : ne peut donc se réclamer catholique celui qui refuse d’adhérer à une doctrine formulée dans le cadre du Magistère extraordinaire.

Voici le degré de réponse que les fidèles sont tenus de donner au « Magistère extraordinaire » et au « Magistère ordinaire et universel » :

Canon 750 : « On doit croire de foi divine et catholique tout ce qui est contenu dans la parole de Dieu écrite ou transmise par la tradition, c’est-à-dire dans l’unique dépôt de la foi confié à l’Église, et qui est en même temps proposé comme divinement révélé par le magistère solennel de l’Église ou par son magistère ordinaire et universel, à savoir ce qui est manifesté par la commune adhésion des fidèles sous la conduite du magistère sacré ; tous sont donc tenus d’éviter toute doctrine contraire ».

- le « Magistère ordinaire et universel des évêques » est comme son nom l’indique, un enseignement de portée universelle, dont la doctrine est sûre lorsqu’elle est donnée en communion avec le Souverain Pontife. Cet enseignement suppose donc également « l’obéissance de la foi » de la part des fidèles.

- le « Magistère authentique » est l'enseignement habituel du Pape et des Evêques qui nous est transmis par leurs exhortations, catéchèses, lettres encycliques ou apostoliques, ou plus généralement lors de leurs homélies et discours.
Voici le degré de réponse que les fidèles sont tenus de donner au « Magistère authentique » :

Canon 752 : « Ce n’est pas vraiment un assentiment de foi, mais une soumission religieuse de l’intelligence et de la volonté qu’il faut accorder à une doctrine que le Pontife Suprême ou le Collège des Évêques énonce en matière de foi et de mœurs, lorsqu’ils exercent le magistère authentique même s’ils n’ont pas l’intention de la proclamer par un acte définitif ; les fidèles veilleront donc à éviter ce qui ne concorde pas avec cette doctrine ».

Dans ce dernier cas uniquement le degré d'autorité du Magistère peut varier selon que le Pape ou l’évêque expose des éléments doctrinaux à travers un enseignement à caractère universel, ou bien lorsqu’il s’agit simplement d’une intervention dont la portée est limitée à un auditoire particulier, à un groupe de personne plus restreint, à un évènement ou une circonstance relevant davantage de la sphère personnelle. Il convient donc de bien distinguer, dans cette même catégorie, ce qui relève simplement de l’expression d’une vision ou d’une réflexion personnelle de la part d’un responsable ecclésiastique, dont la portée est en soi limitée, de ce qui concerne et engage plus particulièrement l’ensemble de l’Eglise.

Les fidèles sont invités dans le cadre de ce Magistère à « une soumission religieuse de l’intelligence et de la volonté ».

Par conséquent, c’est à partir de la nature même de l’enseignement et du contexte dans lequel il est donné, que l’on déduit le degré d’autorité du Magistère qui lui correspond. Chaque intervention fait généralement l’objet d’un document dont l’intitulé permet aisément d’identifier son appartenance à l’une des trois principales catégories que nous venons de présenter, à savoir, le « Magistère extraordinaire », le « Magistère ordinaire et universel » et le Magistère « authentique ».  

Pour de plus amples précisions à ce sujet, de nombreuses observations sont à considérer, dont la teneur d’ensemble est donnée par l’article de Mgr Tarcisio Bertone (alors secrétaire de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi), paru dans « l’Osservatore Romano » du 20 décembre 1996, intitulé « A propos de la réception des Documents du Magistère et du désaccord public ». Ce document figure en intégralité dans la partie 11 de présente étude, intitulée « Documents annexes ».