3.1.4 La vision traditionnelle de l’Eglise

Depuis le conflit relatif à la question du millénarisme (Cf. § 2.1.8), la plupart des exégètes et des théologiens catholiques n’envisagent que deux venues du Christ :

- une première venue, lors de l’Incarnation du Verbe de Dieu, en la personne de Notre Seigneur et Maître Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai Homme, le jour de l’Annonciation à Marie, qui inaugure la « plénitude des temps » (Ga 4,4), selon le § 484 du Catéchisme de l’Eglise Catholique.

- une dernière venue, à la « fin du monde », selon le § 1001 du Catéchisme de l’Eglise Catholique.  

Néanmoins, aucun enseignement à caractère dogmatique n’a été donné quant à une possible venue intermédiaire, qui, comme nous l’avons démontré au § 2.1.8 de cette étude, n’est en aucun cas une nouvelle forme de millénarisme.

La question n’a en effet jamais été tranchée de manière définitive, comme le confiait le Cardinal Joseph Ratzinger lui-même dans une interview qu’il acccorda à la revue italienne « Gesù » (référence exacte à venir).

De là provient toute l’ambiguité sur la question de la caractéristion et de la nature de la seconde venue du Seigneur.

Je dirai que c’est une difficulté par carence théologique, ou incomplétude de l’analyse théologique, alors que le donné biblique, bien qu’obscur en certains points, est lumineux lorsque l’on effectue une étude exégétique rigoureuse, sans à priori.

A ceci s’ajoute la confusion quasi-systématique entre « fin des temps » et « fin du monde », dans la plupart des textes théologiques, des dictionnaires de théologie, et même dans certains textes du  Magistère lorsque l’on fait référence à la venue du Seigneur, comme nous l’avons déjà analysé au § 2.1.4, toujours pour la seule raison qu’une venue intermédiaire entre la première et la dernière n’est traditionnellement plus envisagée en raison du symbolisme donné au règne des mille ans d’Ap 20,1-6, alors qu’il n’en fut pas ainsi dans les premiers siècles de l’Eglise, comme nous pouvons le lire page 76 de l’ouvrage « La Venue intermédiaire de Jésus dans les écrits du Nouveau Testament » :

« Le Pseudo-Barnabé, Papias, Saint Justin, Saint Irénée (qui fait appel aux traditions des anciens), Tertullien, Saint Hippolyte, Saint Méthode, Saint Victorin, Lactance, Saint Ambroise, etc., expliquaient qu’après une première résurrection, celle des martyrs, le Christ reviendra sur la terre pour régner pendant mille ans auprès de ses fidèles (Antonio Romeo, Biblia Marietti, 1963, page 844, 2 ième colonne) ». 

En réalité, comme le montre l’ensemble de notre étude, la seconde venue du Seigneur est attendue cette « fin des temps » pour le jugement des nations (Cf. § 3.16.5), et non à la « fin du monde » pour le Jugement dernier (Cf. §  2.1.3 et § 2.1.5).

Pour surmonter cette difficulté, repportons-nous dans un premier temps au texte de la Sainte Liturgie de l’Eglise Catholique Romaine.

« Ephata » est le Missel de la semaine et du dimanche, qui découpe en trois volumes l’année liturgique. Il comprend également tous les textes de la célébration de la messe qui comme nous le savons comprend plusieurs parties, notamment la liturgie de la parole et la liturgie eucharistique.  

A la page 1015 nous est présentée la courte section « Mémorial du mystère pascal et offrande du corps et du sang du Christ » de la « Prière Eucharistique III », précisant que nous attendons le dernier avènement du Christ, comme souvent nous l’entendons au cours de la célébration de la Sainte Messe :

« En faisant mémoire de ton Fils, de sa passion qui nous sauve, de sa glorieuse résurrection et de son ascension dans le ciel, alors que nous attendons son dernier avènement, nous présentons cette offrande vivante et sainte pour te rendre grâce ».

Du missel « Ephata » :

- extrait de la préface de l’Avent I intitulée « Les deux avènements du Christ » (titre donné par le missel seul), page 1037 :

« Vraiment il est juste et bon de te rendre gloire, de t’offrir notre action de grâce, toujours et en tout lieu, à toi, Père très saint, Dieu éternel et tout-puissant, par le Christ, notre Seigneur.

Car il est déjà venu, en prenant la condition des hommes, pour accomplir l’éternel dessein de ton amour et nous ouvrir le chemin du salut ;

Il viendra de nouveau, revêtu de sa gloire, afin que nous possédions dans la pleine lumière les biens que tu nous as promis et que nous attendons en veillant dans la foi […] ».

- extrait de la préface de l’Avent II intitulée « L’attente des deux avènements du Christ » nous lisons, page 1038 :

« Vraiment il est juste et bon de te rendre gloire, de t’offrir notre action de grâce, toujours et en tout lieu, à toi, Père très saint, Dieu éternel et tout-puissant, par le Christ, notre Seigneur.

Il est celui que tous les prophètes avaient chanté, celui que la Vierge attendait avec amour, celui dont Jean Baptiste a proclamé la venue et révélé la présence au milieu des hommes.

C’est lui qui nous donne la joie d’entrer déjà dans le mystère de Noël, pour qu’il nous trouve, quand il viendra, vigilants dans la prière et remplis d’allégresse […] ».

Notons tout de suite que dans le corps du texte de la « Prière Eucharistique III », il est question du dernier avènement de Notre-Seigneur, et qu’aucune mention de Sa seconde venue n’apparaît. 

Ainsi, rien ne fait obstacle à la justesse de notre approche.

Il est certain néanmoins, que nous attendons également l'ultime retour du Seigneur comme professé dans le Credo pour le jugement des vivants et des morts de la fin du monde.

En ce qui concerne le nombre de venues du Seigneur nous avons déjà implicitement répondu à la question, notamment par l’intermédiaire du développement effectué au § 2.1.4 et 2.1.5 de notre étude, mais également par les précisions données ci-avant au § 2612 du Catéchisme de l’Eglise Catholique. Faisons donc apparaître l’ensemble des arguments par une petite synthèse sur le sujet :

La première venue est claire pour tous : c’est celle de l’incarnation, l’humble venue du Fils de l’Homme dans la chair il y a environ deux millénaires. La seconde venue du Seigneur est annoncé pour la « fin des temps » et non pour « la fin du monde » que nous attendons est glorieuse.

Ainsi, deux venues sont donc clairement annoncées, sachant que second avènement du Seigneur est annoncé pour la « fin des temps ».

Pour y voir plus clair, il suffit de tenir fermement l’affirmation à caractère péremptoire suivante, développée par la Cathéchisme de l’Eglise Catholique au § 1001, qui précise explicitement comme nous l’avons déjà mentionné, que la venue définitive et donc ultime du Seigneur adviendra à la « fin du monde » pour « la résurrection des morts ».

C’est la raison pour laquelle, nos textes liturgiques évoquent clairement  la seconde venue comme l’ultime, liée à la fin du monde comme le § 1001 du Cathéchisme de l’Eglise Catholique le présente explicitement. Tout ceci est bien entendu tout à fait exact, si l’on ne tient pas compte de la venue de la fin des temps, qui est en réalité la seconde venue.

 Il semble donc y avoir une contradiction, qui n’est en réalité qu’apparente lorsque l’on fait état de trois avènement distinct de notre Seigneur dans le temps.

Entre ces deux venues clairement identifiables, pour ceux à qui il est donné par grâce de reconnaître le Christ et qui ne se sont pas laissé eux-mêmes aveuglés, le Seigneur vient également chaque jour dans nos vies par son Esprit qui habite en nous, il est présent de façon cachée dans nos cœurs et dans nos âmes (Cf. § 3.3).