5.2.3 La prophétie d’Orval de Philippe Olivarius (1544)

Comme le Seigneur nous surprend toujours, en ce sens, que les meilleures sources se trouvent quelquefois là où l’on s’y attend le moins, c’est dans la partie « Appendice » de la « Vie de Mgr le Duc de Normandie » écrite par  J.V Claravali del Curso, pages 545 à 569 de l’édition de 1850, que nous est donné la véritable origine de la prophétie dite « d’Orval », avec une multitudes de précisions historiques très pertinentes quant à son authenticité, les démêlés relative à l’historicité de sa rédaction, non à la fin du 18 ième siècle, période à laquelle elle fut retrouvée au début de la révolution française, mais bien deux siècles avant, exactement en 1544. Elle aurait été retrouvée par l’abbé d’Orval, qui lorsqu’il dut quitter son monastère avec ses moines, et à ce moment, lors de l’inventaire général, on lui fit part de ce qui suit :

5.2.3.1 Courte notice historique

« Nous croyons faire à nos lecteurs en ajoutant ici la célèbre prophétie dite d’Orval, précédée d’une courte notice historique pour en établir l’authenticité, et à laquelle nous joindrons un petit commentaire tiré soit de la prophétie elle-même, dans sa partie accomplie, soit d’autres révélations moins connues mais également certaines […].

L’abbaye d’Orval, de l’ordre de Cîteaux, est située dans le diocèse de Trèves, frontière du Luxembourg. Lorsque les Français révolutionnaires, dit le noble auteur de qui nous empruntons ces lignes, vinrent faire le blocus du Luxembourg, où commandait le maréchal de Bender, et où s’étaient réfugiés un grand nombre d’émigrés lorrains, l’abbé d’Orval et ses moines arrivèrent dans la place avec leurs vases sacrés, leurs ornements les plus précieux et une partie de leur archives, qu’ils apportèrent dans leur refuge (On appelait ainsi les maisons que les monastères des environs possédaient à Luxembourg en cas de siège).

Au bout de quelques jours, l’abbé, en mettant en ordre les papiers qu’il avait sauvés, trouva les « Prévisions d’un Solitaire », imprimées en 1544, et attribuées à un moine appelé Philippe Olivarius. Il les apporta au maréchal de Bender, qui, dit-on, en rit beaucoup. Mais les Français de distinction qui se trouvaient dans son salon, en prirent des copies qui se répandirent dans toute la ville et au-delà. La mort de Louis XVI, si bien annoncée dans ces « Prévisions », leur donna une vogue extraordinaire. Mme la comtesse Adèle de Ficquelmont, chanoinesse de Porchais, en émigration avec son père, en entendit lire des copies chez le comte de Latour, son oncle, depuis ministre de la guerre à Vienne.
Elle épousa à son retour en France le comte de Monthureux Ficquelmont. Plusieurs autres personnes, plus distinguées encore par leur piété sincère que par leur haute extraction, entre autres la comtesse Alexandrine de Raigecourt, chanoinesse de Saint Louis, affirment l’avoir entendu lire en 1792. Enfin, une ancienne religieuse qui vivait encore à Trouard près de Nancy en 1838, possédait une copie de cette prophétie qui datait de 1792. En dernier lieu, voici l’extrait d’une lettre adressée le 4 novembre 1831 à un noble personnage de Nancy, chevalier de Saint Louis, par M. l’abbé de Mansuy, grand-vicaire de l’évêché de Verdun.
« La prévision d’Orval me fut communiquée par un prête bien respectable, qui l’avait vue à Orval  au moment de la révolution de 1789, et étant encore laïque. Il est a observer que cette prédiction, écrite en 1544, annonçait les évènements depuis cette époque ; mais, lorsqu’elle fut retrouvée au commencement de la révolution, la plupart des copistes eurent la malencontreuse négligence d’omettre la partie déjà accomplie alors, se contentant de transcrire seulement la partie qui restait à accomplir. C’est ce que prouve cette phrase citée plus haut : « La mort de Louis XVI, si bien annoncée dans ces prévisions, etc. »
Or, il n’en est question dans aucune des copies parvenues jusqu’à nous, et toutes commencent au « jeune homme venu d’outre-mer ». Comme l’authenticité de cette prophétie a été contestée et même détruite par la lettre de Mgr l’évêque de Verdun, sous la date du 6 février 1849, reproduite textuellement par l’ « Univers », numéro du 17 mars suivant, nous avons voulu approfondir cette question de fait, et voir si les savantes recherches faites par l’illustre prélat se rapportaient véritablement à la prophétie dite d’Orval, citée par nombre d’auteurs, entre autres, par celui de l’ouvrage intitulé : « Prédictions modernes, Avignon, chez Seguin, 1840 » lequel fait précéder la citation des preuves qui établissent son authencité d’une manière victorieuse.

Pour nous édifier, nous avons comparé les assertions renfermées dans la lettre de Mgr l’évêque de Verdun avec celles rapportées dans le livre ci-dessus indiqué, avec les preuves données par l’ « Invariable », citées par le « Propagateur » (tome 5, page 154, note 14), avec les documents que renferme le journal la « Lecture », 15 août 1846, page 75 et suivantes. Or, le résultat de cette comparaison ou confrontation nous a convaincu qu’il n’y a aucune identité entre les lambeaux de prophéties que Mgr l’évêque de Verdun a justement flétris en dévoilant au public leur origine frauduleuse qui ne remonte pas au-delà de 1823, et la véritable prophétie d’Orval, dont l’authenticité reste toujours incontestable, comme tout le monde peut s’en assurer en recourant aux mêmes moyens que nous avons employés. D’abord, aucun des auteurs cités qui donnent les preuves de l’existence antique et de l’authenticité réelle des « Prévisions d’un solitaire » de l’abbaye d’Orval ne parle de ce frère « Aubertin » dépositaire de la prophétie originale.
En second lieu, tous citent plusieurs témoins qui l’ont lue et copiée en 1792. La plupart de ces copies existent encore aujourd’hui, dit le « Propagateur », en France et à l’étranger.
Nous avons comparé entre elles un grand nombre de copies pour mieux nous assurer de l’intégrité du texte, et nous n’y avons remarqué d’autres différences que l’altération de quelques mots sans aucune importance et ne changeant en rien le sens, simples erreurs de copistes inhabiles ou distraits.
D’ailleurs, nous pouvons encore ajouter avec l’auteur de la brochure sur le fils de Louis XVI : « On ne raisonne pas contre les faits ; or, il est incontestable que cette prophétie d’Orval était connue avant notre première révolution. Il n’est pas, je crois, un seul département où plusieurs familles ne possèdent des manuscrits datant de cette époque et de plus loin ». Nous pouvons affirmer nous-mêmes que nous connaissons, en Dauphiné et dans le département du Rhône, des personnes honorables qui conservent avec soin des manuscrits des « Prévisions d’un solitaire d’Orval » portant les dates de 1793, 1800, 1810, 1820, etc.
Il reste donc bien établi que la lettre de Mgr l’évêque de Verdun n’affaiblit en rien l’authenticité de la prophétie dite d’Orval, laquelle n’a aucun rapport avec celles qu’elle flétrit justement comme apocryphes et mensongères ».

5.2.3.2 Prophétie dite d’Orval

Le texte de la prophétie suivante nous est rapporté par « un noble Milanais » qui possédait une antique copie manuscrite. Il semble que cela soit la version la plus complète dont nous disposons encore aujourd’hui, puisque l’ensemble des copistes n’avaient pas retranscris l’ancienne partie qui avait trouvée :

« En ce temps là, un jeune homme venu d’outre-mer dans le pays du celte gaulois, se manifestera par conseils de force ; mais les grands qu’il ombragera l’enverront guerroyer dans la terre de la captivité (L’Egypte). La victoire le ramènera au pays premier. Les fils de Brutus moult stupides seront à son approche, car il les dominera et prendra nom empereur. Moult hauts et puissants rois seront en crainte vraie et son aigle enlèvera moult sceptres et moult couronnes ; piétons et cavaliers portant aigle et sang, autant que moucherons dans les airs, courront avec lui dans toute l’Europe, qui sera moult ébahie et moult sanglante. Il sera tant fort, que Dieu sera cru guerroyer d’avec lui. L’Eglise de Dieu moult désolée se consolera tant peu, en croyant ouvrir encore les temples à des brebis tout plein égarées ; et Dieu sera béni. Mais c’est fait : les lunes seront passées, le vieillard (Le souverain pontife) de Sion maltraité criera à Dieu, et voilà que le puissant sera aveuglé pour péchés et crimes. Il quittera la grande ville avec une armée si belle, que aucune ne fut jamais si pareille ; mais oncques guerroyer ne tiendra bon devant la face du temps : la tierce part et encore la tierce part de son armée périra par le froid du Seigneur puissant.
Alors deux lustres seront passés depuis le siècle de la désolation ; les veuves et les orphelins crieront à Dieu, et voilà que les hauts abaissés reprendront force ; ils s’uniront pour abattre l’homme tant redouté. Voici venir, avec maints guerroyers, le vieux sans des siècles (Les Bourbons), qui reprendra place et lieu en la grande ville.
Alors l’homme tant redouté s’en ira tout abaissé dans le pays d’outre-mer d’où il était advenu. Dieu seul est grand ! La lune onzième n’aura pas encore relui, et le fouet sanguinolent du Seigneur reviendra en la grande ville, le vieux sang quittera la grande ville. Dieu seul est grand ! Il aime son peuple et a le sang en haine. La cinquième lune reluira sur maints et maints guerroyers d’Orient, la Gaule est couverte d’hommes et de machines de guerre ; c’est fait de l’homme de mer ; voici encore venir le vieux sang de l’homme de Cap (Racine du mot Capet). Dieu veut la paix et que son nom soit béni. Or, paix grande sera dans le pays du celte gaulois ; la fleur blanche sera en honneur moult grand, les maisons de Dieu ouïront moult saints cantiques. Mais les fils de Brutus, haïssant la fleur blanche, obtiennent règlements puissants dont Dieu est moult encore fâché à cause des siens ; le grand jour est encore moult profané [Le dimanche, jour du Seigneur]. Ce pourtant Dieu veut éprouver le retour par dix huit fois dix lunes.

Dieu seul est grand ! Il purge son peuple par maintes tribulations ; mais toujours les mauvais auront fin. En ce temps là, une grande conspiration contre la fleur blanche cheminera dans l’ombre par mains de compagnies maudites, et le pauvre vieux sang quittera la grande ville, et moult gaudiront les fils de Brutus. Les serviteurs de Dieu crieront tout plein à Dieu ; mais Dieu, pour ce jour-là, sera sourd, parce qu’il retrempera ses flèches pour bientôt les mettre au sein des mauvais. Malheur au celte gaulois ! Le coq effacera la fleur blanche et un grand s’appellera « roi du peuple » ; une grande commotion se fera sentir chez les gens, parce que la couronne sera placée par mains d’ouvriers qui auront guerroyé dans la grande ville. Dieu seul est grand ! Le règne des méchants sera vu croître ; mais qu’ils se hâtent ! Voilà que les pensées du celte gaulois se choquent, et que grande division est dans leur entendement. Le roi du peuple, assis, sera vue en abord moult faible, et portant contre ira bien des méchants ; mais il n’était pas bien assis, et voilà que Dieu le jette bas.

Hurlez, fils de Brutus, appelez par vos cris les bêtes qui vont manger. Dieu grand ! Quel bruit d’armes ! Il n’y a pas encore un nombre plein de lunes, et voici venir maints guerroyers. C’est fait ; la montagne de Dieu désolée (L’Eglise) a crié à Dieu, les fils de Judas (Famille royale) ont crié à Dieu de la terre étrangère, et voilà que Dieu n’est plus sourd. Quel feu va avec ses flèches ? Dix fois six lunes et pas encore dix fois six lunes ont nourri sa colère. Malheur à toi, grande ville ! Voici dix rois armés par le Seigneur ; mais déjà le feu t’a égalée à la terre[Plusieurs autres prophéties, comme celle donnée à La Salette en 1846, désignent Paris brulée par le feu. Cf. § 5.3.1.2]. Pourtant les justes ne périront pas : Dieu les a écoutés. La place du crime est purgée par le feu [Sans doute la Bastille], le grand ruisseau a conduit ses eaux toutes rouges de sang ; la Gaule, vue comme délabrée, va se rejoindre. Dieu aime la paix : Venez, jeune prince ! Quittez l’île de la captivité, joignez le lion à la fleur blanche. Ce qui est prévu, Dieu le veut. Le vieux sang des siècles terminera encore longues divisions. Lors un seul pasteur sera vu dans la celte Gaule ; l’homme puissant, par Dieu, s’assiéra bien, moult sages règlements appelleront la paix, Dieu sera cru guerroyer d’avec lui, tant et sage sera le rejeton de la Cap. Grâce au père de la miséricorde ! La sainte Sion rechante dans les temples un seul Dieu grand : moult brebis égarées s’en viendront boire au vrai ruisseau vif. Trois princes et rois mettront bas le manteau de l’erreur et verront clair en la foi de Dieu ; un grand peuple de la mer reprendra vraie croyance en deux tierces parts. Dieu est encore béni pendant quatorze fois six lunes et six fois treize lunes. Dieu seul est grand, les biens sont faits, les saints vont souffrir. L’homme de mal arrive de deux sangs[Cf. § 3.4.2 Apparition de l’Antichrist, né de l’union d’une religieuse hébraïque et d’un évêque], il prend croissance, la fleur blanche s’obscurcit pendant dix fois six lunes et six fois vingt lunes, et disparait pour ne plus paraître. Moult de mal peu, de bien seront en ce temps-là, moult grandes villes périront. Israël viendra à Dieu Christ de tout de bon[Cf. La conversion d’Israël au § 3.4.11]. Sectes maudites et fidèles seront en deux partis bien marquées. C’est fait, Dieu seul sera cru, et la tierce part de la Gaule, et encore la tierce part et demie n’aura plus de croyance, comme aussi les autres gens. Et voilà déjà six fois trois lunes et quatre fois cinq lunes qui sont passées, et le siècle de fin a commencé après le nombre non fait de lunes. Dieu combat par ses deux justes, et l’homme du mal a le dessus [Cf. Les deux témoins au § 3.10]. Mais c’est fait, le haut Dieu met un mur de feu qui obscurcit mon entendement, et je n’y vois plus. Qu’il soit béni à jamais. Amen. Ainsi-soit-il ».