6.10 Sainte Anne et la France

 

 

Cantique “Sainte Anne, Ô bonne Mère“

 

SAINTE ANNE, Ô BONNE MÈRE,
VERS TOI MONTENT NOS CHANTS,
ENTENDS NOTRE PRIÈRE ET
BÉNIS TES ENFANTS.

Ce lieu où ta présence tourne nos cœurs vers Dieu,
nous comble d'espérance en nous montrant les cieux.
Choisie par Dieu le Père, pour nous donner Marie,
que ton exemple éclaire les cœurs qui te supplient.
Fidèle à sa promesse, ton Dieu, ton créateur,
dans toute sa sagesse a regardé ton cœur.
Ta foi, ô bonne Mère, illuminait ta vie
et préparait la terre à l'accueil du Messie.
Tu vins dans ce village au temps choisi par Dieu,
tu donnes témoignage de tout l'amour des cieux.
Du ciel vient ton message au champ du Bocenno,
afin que tous les âges te chantent en ce hameau.
Auprès de la fontaine, au milieu de la nuit,
tu vins comme une reine à la source de vie.
Fidèle à ta prière, reconnaissant ta voix un fils
de cette terre montra toute sa foi.
Le cœur plein d'espérance en voyant le flambeau,
il vécut la présence de l'amour du Très-Haut.
« Suivez donc cette flamme, c'est moi qui vous en prie,
Je suis Madame Sainte Anne, la mère de Marie. »
« Dieu veut qu'en ce village, on vienne pour prier
et dire témoignage du Christ ressuscité. »
Sainte Anne, ô notre Mère, entends nos voix, nos chants,
conduis-les jusqu'au Père, exauce tes enfants.
Avec toute confiance, nous nous tournons vers toi
Soutiens notre espérance, conforte notre foi.
Avec délicatesse, veille sur nos foyers
Que toujours y progressent l'amour et l'unité
Fais vivre nos familles dans la fidélité,
Ta tendresse infinie saura bien les guider
De toute erreur protège le coeur des baptisés
Ecarte d'eux les pièges qui les font prisonniers
Conduis dans l'assurance celui que Dieu choisit,
Maintiens dans l'espérance les hommes au cœur meurtri
Accorde ta tendresse aux pauvres et aux pécheurs,
Qu'à travers eux paraisse l'amour du rédempteur
Des sœurs et frères doutent ou marchent dans le noir
Pour eux, ouvre une route de lumière et d'espoir
Conduis dans ta lumière et dans la vérité,
Celui, comme Pierre, nous guide avec clarté
Maintiens solide et forte la foi des baptisés,
Fais que toujours ils portent amour et vérité.


(d'après le site officiel du Sanctuaire Sainte-Anne d'Auray : www.sainteanne-sanctuaire.com)

 

Téléchargement de la "Vie Divine de la Très Sainte Vierge Marie" de Maria d'Agreda

 

 

La vie de Sainte Anne selon les révélations faites à Maria d'Agreda
Résumé de la cité mystique de Dieu - Bonaventure Amedeo de Cesare traduite de l'italien par L'Abbé Joseph Antoine

 

Dieu envoya au monde deux flambeaux très éclatants, qui annonçaient la prochaine aurore du soleil de justice Jésus, notre Sauveur. Ces deux flambeaux furent saint Joachim et sainte Anne, que la volonté divine avait préparés et créés afin qu'il fussent les parents de la vierge mère de Dieu. Joachim avait sa maison avec ses parents et amis à Nazareth, petite ville de Galilée. C'était un homme juste et saint, éclairé d'une lumière spéciale qui lui faisait connaître les mystères des saintes écritures et le sens des prophéties. Sainte Anne avait sa maison à Bethléem; elle était chaste, humble et belle; elle avait aussi de grandes illustrations sur les sens profonds des divines prophéties. L'archange Gabriel fut envoyé en forme corporelle à sainte Anne, pour lui ordonner de prendre Joachim pour époux. Il alla peu après vers Joachim et l'avertit en songe de prendre sainte Anne pour épouse. Le saint mariage s'accomplit sans que l'un découvrit à l'autre son secret. Les deux saints époux habitèrent à Nazareth, et suivirent les voies du Seigneur, donnant la plénitude des vertus à toutes leurs oeuvres. Ils faisaient tous les ans trois portions de leur revenu; ils offraient la première au temple , ils distribuaient la seconde aux pauvres , et destinaient l'autre pour l'honnête entretien de la famille. Les saints époux passèrent vingt ans sans avoir aucun enfant, ce qui était réputé comme une honte; c'est pourquoi ils essuyèrent de leurs voisins plusieurs opprobres, parce qu'on croyait que ceux qui n'avaient pas d'enfants n'auraient aucune part au futur Messie. Ils étaient même injuriés par les prêtres comme des êtres inutiles et Joachim étant allé au temple pour prier, un prêtre appelé Issachar, le renvoya parce qu'il offrait étant stérile, et dès lors indigne d'offrir des sacrifices. Le saint homme se retira tout affligé; il s'en alla à une maison de campagne, priant le Seigneur avec larmes de lui donner un enfant, et il fit voeu de le lui consacrer dans son temple. L'ange du Seigneur apparut à sainte Anne, et lui déclara, qu'il serait agréable à la divine Majesté qu'elle demandât une postérité. La sainte fit ce qui, lui était dit et promit à Dieu de lui consacrer le fruit qu'il daignerait lui accorder. Les demandes de saint Joachim et de sainte Anne arrivèrent en présence du trône de la divine Majesté. L'archange Gabriel fut envoyé à saint Joachim: le Très-Haut, lui dit-il, a exaucé tes prières , et Anne ton épouse concevra et enfantera une fille qui sera bénie entre toutes les femmes, et que les nations reconnaîtront pour bienheureuse; le Seigneur veut que dès son enfance, elle lui soit consacrée dans le temple. En même temps sainte Anne était élevée dans une contemplation très-sublime, et toute absorbée dans le mystère de l'incarnation, elle priait avec ferveur le Seigneur de la rendre digne de voir et de servir' cette femme si heureuse et si favorisée qui devait être la mère du Messie attendu. Ce fut alors que le saint archange Gabriel se présenta à elle, lui annonçant que Dieu la choisissait pour être la mère de la très sainte mère de son divin fils. Toute remplie d'une surprise et d'une joie inexprimable, elle alla au temple remercier le Seigneur et lui rendre de dignes actions de grâces. Elle rencontra saint Joachim et lui manifesta les promesses de l'archange, sur quoi ils allèrent tous deux au temple renouveler leurs voeux et rendre de vives actions de grâces à l'auteur de ces merveilles. Ils s'en retournèrent à la maison, s'entretenant entre eux des faveurs signalées qu'ils avaient reçues du Très-Haut, et ils se communiquèrent à cette occasion la première Visite de l'ange ainsi que l'ordre qu'ils avaient reçu de se marier ensemble et dont ils n'avaient jamais parlé. La prudente sainte Anne ne découvrit point à son époux que l'enfant promise dût être la mère du Messie, car l'archange le lui avait défendu.

La plénitude des temps étant arrivée, les trois personnes divines, suivant notre faible manière de concevoir, dirent entre-elles: « Il est temps que nous commencions l'ouvrage de notre bon plaisir, et que nous créions cette pure créature qui nous est chère sur toutes les autres : il faut qu'elle soit exempte de la loi ordinaire de la génération de tous les mortels, afin que la semence du serpent infernal n'ait aucune part en elle. Il est juste que la divinité choisisse pour s'en revêtir une matière très-pure et qui n'ait jamais été souillée parle péché; notre équité et notre providence demandent ce qui est le plus décent, le plus parfait, et le plus saint; et cela s'exécutera parce qu'il n'est rien qui puisse résister à notre volonté. Le verbe qui doit se faire homme et servir de maître aux hommes, leur enseignera avec plus d'efficacité à honorer leurs parents, en donnant le premier l'exemple, d'honorer celle qu'il n choisie pour sa mère; entre les honneurs qu'il lui rendra, le premier sera la grâce de ne jamais être assujettie à ses ennemis. Puisqu'il doit être le rédempteur du genre humain, il est convenable qu'il exerce d'abord cet office à l'égard de sa propre mère: elle doit avoir une rédemption particulière et pour cela être préservée par avance du péché; ainsi elle sera toute pure et immaculée, et le fils de Dieu se réjouira en voyant entre sa mère terrestre et son père céleste la ressemblance la plus parfaite qui soit possible entre Dieu et la créature.» Tel fut le décret que les personnes divines manifestèrent aux anges bienheureux. Avec une profonde humilité prosternés devant le trône divin, ils louèrent Dieu et lui rendirent de très-vives actions de grâces, d'avoir enfin exaucé la prière qu'ils faisaient depuis la grande bataille avec Lucifer pour l'accomplissement du mystère de l'incarnation qui leur avait été révélé. Chacun d'eux désirait avec une sainte émulation d'être employé pour former la cour du fils de Dieu et de sa très-pure et sainte mère.

Vingt ans s'étaient déjà écoulés depuis le mariage de saint Joachim avec sainte Anne: Joachim avait donc soixante ans et sainte Anne en avait quarante-quatre. Suivant la promesse divine, ils engendrèrent cet enfant qui devait être la mère de Dieu d'une manière vraiment merveilleuse. Tout s'y passa selon l'ordre commun des autres conceptions, néanmoins la vertu du Très-Haut ôta à celle-ci ce qu'il y avait d'imparfait et de désordonné, ne lui laissant que le pur nécessaire, selon les lois de la nature, afin que le corps le plus excellent qui fut et qui sera jamais entre les pures créatures fut formé sans la moindre imperfection. La vertu divine se découvre surtout dans l'opération miraculeuse qui enleva à sainte Anne sa stérilité naturelle. Mais cette opération fut surtout merveilleuse en ce que la grâce éloigna entièrement des saints Parents toute sorte de sensualité et que l'aiguillon du péché originel n'y eut aucun part: ainsi donc, ce qui servit à cette très pure conception n'étant accompagné d'aucune imperfection, le péché ne s'y trouva point et n'y eut aucun pouvoir. La sagesse et le pouvoir du Très-Haut prirent un soin tout particulier de la formation du corps très-pur de Marie, il fut composé selon le poids et la plus parfaite mesure, tant en la quantité qu'en la qualité des humeurs naturelles afin que par la juste proportion de ce mélange incomparable, il aidât sans empêchement les opérations d'une âme aussi sainte que celle qui devait l'animer. Ce petit corps reçut un tempérament si accompli et des facultés si riches que la nature n' aurait jamais formé, à elle seule, rien de semblable. Suivant notre manière de concevoir, Dieu mit plus de soin à le composer et à le former qu'il n'en mit à former tous les cieux et tout ce que renferme l'univers.

La conception du corps très-pur de Marie se fit en un jour d dimanche, correspondant à celui de la création des anges dont elle devait être la reine et la souveraine. Et bien que selon l'ordre commun, les autres corps aient besoin de plusieurs jours pour être entièrement organisés, afin que l'âme raisonnable y soit infuse, néanmoins dans cette occasion le temps nécessaire fut considérablement abrégé, et ce qui se devait opérer naturellement en quatre-vingts jours, se fit avec plus de perfection en sept. Le samedi suivant, le plus proche de cette conception, le Très-Haut créa l'âme auguste qu'il Unit à son corps. C'est ainsi qu'entra dans le monde la créature la plus pure, la plus parfaite, la plus sainte et la plus belle que Dieu ait jamais créée et qu'il doit créer jusqu'à la fin des temps. C'est à cause de ce mystère que le saint esprit a ordonné que l'église consacrerait le samedi à la très-sainte Vierge, comme le jour auquel elle avait reçu le plus grand bienfait, lorsque son âme très-sainte fut créée et unie à son corps, sans que le péché originel ni le moindre de ses effets s'y trouvassent. Le jour de sa conception que l'église célèbre aujourd'hui, n'est pas celui de la conception du corps, mais celui de l'infusion de l'âme sans aucune trace du péché originel. A l'instant de l'infusion de l'âme la très sainte trinité répéta ces paroles proférées à la création de l'homme, faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram: par la vertu de ces divines paroles, l'âme très-heureuse de Marie fut remplie de grâces, de dons, de privilèges et de faveurs pardessus les premiers des Séraphins, avec l'usage le plus parfait de la raison qui devait être proportionnée aux dons de la grâce qu'elle recevait. Alors le Seigneur répéta les paroles prononcées par lui lors de la création, témoignant ainsi la rare complaisance qu'il prenait dans cet ouvrage si glorieux. Au temps de l'infusion de l'âme dans le corps, le Très-Haut voulut que sainte Anne ressentit et reconnut d'une façon très relevée la présence de la Divinité. Elle fut remplie du saint Esprit et ravie en une extase très sublime, où elle reçut de très hautes connaissances des mystères les plus cachés. Cette allégresse et cette joie toute spirituelle ne furent pas passagères, mais durèrent tout le reste de sa vie quoiqu'elles fussent plus fréquentes pendant qu'elle gardait dans son sein le trésor du ciel.

Quoique alors la très sainte âme de Marie fut douée de toutes les perfections et de l'habitude infuse de toutes les Vertus, plus qu'aucun saint et même que tous les saints ensemble, il ne fut pas néanmoins nécessaire qu'elle les pratiquât toutes aussitôt, mais seulement celles qui convenaient à l'état où elle était. Elle pratiqua donc en premier lieu les vertus théologales, la foi, l'espérance et la charité, et particulièrement la vertu de charité, contemplant Dieu comme le bien souverain avec tant d'attention et d'amour qu'il n'est pas au pouvoir de tous les séraphins d'arriver à un degré si éminent. Elle pratiqua aussi les autres vertus qui ornent et qui perfectionnent la partie raisonnable. Elle eut la science infuse, les vertus morales, les dons et fruits de l'Esprit Saint en un degré éminent et correspondant aux vertus théologales; de sorte qu'elle fut dès le premier instant de sa conception plus sage, plus prudente, plus éclairée sur Dieu e sur toutes ses oeuvres que toutes les créatures ensemble Cette grande perfection de Marie ne consistait pas seulement dans les habitudes qui lui furent infuses, mais dans les acte qu'elle put exercer dès cet instant par le pouvoir divin qui la secondait. Pour en toucher seulement quelque chose, elle connut Dieu tel qu'il est en lui-même comme créateur et glorificateur; elle l'honora, le loua, le remercia; par de actes héroïques elle l'aima, le craignit et l'adora, et lui fit des sacrifices de louanges et de gloire pour son être immuable. Elle connut les dons qu'elle avait reçus pour lesquels elle rendit de très humbles actions de grâces accompagnées de profondes inclinations corporelles qu'elle fit dès le sein de sa mère avec son petit corps, et elle mérita plus en cet état par ces actes que tous les saints dans le plus haut degré rie leur perfection et de leur sainteté. Elle eut outre les actes de la foi infuse, une haute connaissance de la divinité et de la très-sainte trinité, et quoiqu'elle ne la vit pas dans cet instant intuitivement, elle la vit néanmoins abstractivement, et cette manière de la connaître fut la plus parfaite par laquelle Dieu puisse se manifester à l'entendement humain dans ce monde. Elle connut en cet instant la création, la chute des anges, celle d'Adam et les effets de sa faute, le purgatoire, les limbes, l'enfer et toutes les choses renfermées en ces lieux; tous les hommes , tous les anges, leurs ordres, leur dignité et leurs opérations et encore toutes les autres créatures avec, leurs instincts et leurs qualités. Elle connut aussi toute sa généalogie et tout le reste du peuple saint et choisi de Dieu, les patriarches et les prophètes, et combien sa Majesté divine avait été admirable dans les dons, grâces et faveurs qu'il leur avait accordés. Mais c'est une chose digne d'admiration que, ce corps étant si petit dans le premier instant de sa conception, néanmoins par la puissance divine la connaissance et la douleur qu'elle avait de la chute d'Adam lui faisait verser des larmes, et elle commençait dès lors dans le sein maternel à exercer l'office de corédemptrice du genre humain. Elle offrit ces larmes unies aux désirs des patriarches; et cette offrande fut agréable à Dieu et plus efficace pour obtenir la rédemption que toutes les prières des hommes et des saints anges. Elle pria spécialement pour ses parents qu'elle connut en Dieu avant de les voir corporellement, et elle exerça en même temps envers eux la vertu de l'amour, du respect et de la gratitude de fille. Les visions de cette sainte enfant furent continuelles et sans interruption durant les neuf mois qu'elle demeura renfermée dans le sein de sa mère, et trois fois elle fut élevée à une très haute contemplation quoique abstractive de la très-sainte Trinité. La première eut lieu le premier instant qu'elle fut animée, la seconde au milieu des neuf mois, et la troisième le jour qui précéda sa naissance. Elle s'occupa dans ces neuf mois à des actes héroïques d'adoration et d'amour de Dieu, à des demandes continuelles en faveur du genre humain, à une sainte communication avec les anges. Elle ne ressentit point la clôture de la prison du sein maternel, ni les incommodités de cet état naturel, et l'interdiction de l'usage des sens extérieurs ne lui causa aucune peine. Elle fit à Dieu avec une entière ferveur la demande de mourir, avant de venir à la lumière du monde, si elle devait manquer en un seul point à son amour et à son service. Ce fut dans la dernière vision abstractive de la très-sainte Trinité qu'elle eut le jour qui précéda sa naissance. Cette prière ayant été faite, le Très-Haut lui donna sa bénédiction, et lui commanda de sortir du sein maternel à la lumière matérielle de ce soleil visible.

Dieu, pour augmenter davantage la gloire et la vertu de sainte Anne, voulut que dans le temps de sa grossesse elle eut à souffrir diverses afflictions. Lucifer, découvrant une si grande sainteté clans cette femme, eut le soupçon que l'enfant qu'elle avait dans son sein pouvait être cette illustre femme qui devait le fouler aux pieds et lui briser la tête. Dans sa rage il mit en oeuvre divers moyens pour la faire périr. Il osa la tenter de plusieurs fausses persuasions et de défiances sur sa grossesse, pour la faire chanceler dans sa foi; mais ce fut en vain. Il tâcha d'abattre la maison qu'habitait la Sainte afin que l'ébranlement et la terreur qui en résulterait fissent périr l'enfant dans son sein. Mais il ne put réussir, parce que les anges qui gardaient la très-sainte enfant lui résistèrent. Il pervertit et irrita certaines femmelettes qui s'acharnant avec rage contre notre sainte, lui firent de sensibles affronts et de grandes railleries sur sa grossesse; ces artifices furent encore inutiles, bien que les pauvres femmes eussent consenti aux mauvaises suggestions de Lucifer.

Les neuf mois étant accomplis, sainte Anne fut éclairée d'une lumière intérieure, par laquelle le Seigneur lui fit connaître que le temps de ses heureuses couches était venu. Prosternée en présence de la majesté divine, elle demanda humblement au Seigneur de l'assister de ses grâces, et tout-à-coup elle sentit dans son sein un doux mouvement, qui lui fit comprendre que sa très-chère enfant voulait venir à la lumière. Dans cet état de la sainte mère, la très-sainte enfant vint au monde le huit septembre, à minuit; et afin qu'elle ne vit ni ne sentit sa naissance, elle fut ravie en une extase très-sublime en paradis. La sainte mère voulut elle-même l'envelopper de ses langes, la recevoir dans ses bras, sans permettre que d'autres mains la touchassent et elle put remplir elle même cet office parce qu’elle ne ressentit pas les douleurs de l'enfantement. Sainte Anne ayant reçu cette chère enfant dans ses bras adresse à Dieu cette prière: « Seigneur, dont la sagesse est infinie, créateur de tout ce qui a l'être, je vous offre humblement le fruit de mes entrailles que j'ai reçu de votre infinie bonté et je vous remercie du fond du coeur. Faites de la fille et de la mère selon votre très-sainte volonté, et regardez de votre trône notre petitesse. Je félicite les saints pères des limbes et tout le genre humain, à cause du gage assuré que vous leur donnez de leur prochaine rédemption. Mais comment me comporterai-je envers celle que vous me donnez pour fille, ne méritant pas d'être sa servante? Comment oserai-je toucher la véritable arche du testament? Donnez-moi Seigneur la lumière qui m'est nécessaire pour connaître votre sainte volonté, pour l'exécuter suivant votre bon plaisir et dans les services que je dois rendre à ma fille.» Le Seigneur lui fit entendre de traiter cette sainte enfant en ce qui concernait l'extérieur, comme une mère traite sa fille; mais de lui conserver dans son intérieur le respect qu'elle lui devait.

Les anges vénérèrent leur reine entre les bras de sa mère et ceux qui étaient préposés à sa garde se découvrirent à, ses yeux; ce fut la première fois qu'elle les vit sous une forme corporelle. Ils étaient mille, désignés par Dieu pour sa défense dès le premier instant de sa conception. Quant ils l'eurent adorée, Dieu envoya le saint archange Gabriel, afin qu'il annonçât cette bonne nouvelle aux saints pères des limbes; et dans le même instant il envoya une multitude innombrable d'anges pour prendre et transporter dans le ciel en corps et en âme celle qui devait être la mère du verbe éternel. La petite Marie entra dans le ciel par le ministère des anges, et prosternée avec amour devant le trône royal du Très-Haut, elle fut reçue de Dieu lui-même dans son trône. Elle fut mise à son côté en possession du titre de sa propre mère et de reine de toutes les créatures, bien qu'elle ignorât alors la fin de ces profonds mystères, le Seigneur les lui cachant pour sa plus grande gloire. Il fut déterminé dans le conseil divin de donner un nom à cette enfant bien aimée, et aussitôt on entendit une voix sortant du trône de Dieu, qui disait: n notre élue doit s'appeler Marie. Ce nom doit être merveilleux et magnifique : ceux qui l'invoqueront avec une affection dévote, recevront des grâces très-abondantes; il sera terrible contre l'enfer et écrasera la tête du serpent » Le Seigneur commanda aux esprits angéliques d'annoncer cet heureux nom à sainte Arme, afin que ce qui avait été arrêté dans le ciel fut manifesté sur la terre. Les saints anges exécutèrent les ordres de Dieu. Ayant chacun un bouclier lumineux où le nom de Marie était gravé, ils annoncèrent à sainte Anne que c'était le nom qu'elle devait lui imposer. Marie fut donc remise entre les bras de sa mère, qui ne s'aperçut point de cette absence, parce que pendant assez longtemps, sainte Anne eut une extase d'une très-haute contemplation, et parce qu'un ange occupa la place de la très sainte enfant, ayant un corps aérien semblable au sien.

 

6.10.1 De la datation de la naissance et mort de Sainte Anne

Ce n’est pas un donné majeur pour notre foi de donner une date approximative pour la naissance et la mort de Sainte Anne. J’ai opté de faire apparaître cette section car elle présente l’avantage de donner, dans le même temps, des indications temporelles précises concernant les grands mystères de notre foi, telle l’Incarnation du Verbe et la naissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ. Il n’est en effet jamais fortuit que la Divine Sagesse ait bien voulu nous les faire connaître.

 


 

De tous les auteurs consultés, Maria d’Agreda (1602-1665) se révèle être la mystique la plus précise quant aux affirmations temporelles qu’elle transmet de ses révélations célestes, au sujet de Sainte Anne et Saint Joachim. Certains aspects, comme la datation de l’homme sur la terre, est commune à l’ensemble de la mystique chrétienne, qui s’accorde à situer la création d’Adam, 4000 ans avant la naissance de Notre Seigneur Jésus Christ.

De l’œuvre sur la « Vie Divine de La Très Sainte Vierge Marie » :

- intégralité du chapitre 5 « bienheureuse mort de ses saints parents. Persécutions qu’elle souffre », pages 26 à 29 : 

« Six mois après qu’elle fut entrée dans le Temple [La Très Sainte Vierge Marie], son bienheureux père Joachim tomba malade. Dieu l’ayant révélé à la très sainte enfant, elle pria le Seigneur pour lui et lui envoya douze Anges pour l’assister et le consoler.

Ayant appris le jour et l’heure à laquelle il devait mourir, elle lui envoya tous les anges de sa garde. Le saint non-seulement les vit, mais les reconnut pour les anges qui gardaient sa très chère fille Marie.

Les Anges s’entretinrent avec lui de plusieurs mystères, et par le commandement de Dieu, lui révélèrent avant sa mort, que Marie avait été choisie par le Tout-Puissant pour être la mère du Messie, ce qu’il ignorait encore.

Il fut chargé de porter cette heureuse nouvelle aux saints pères des Limbes. Lorsque les saints anges tenaient ce discours à Joachim, son épouse Sainte Anne était présente l’assistant au chevet de son lit, et elle entendit tout par la permission divine. Quand ils eurent fini, saint Joachim perdit la parole, et commença à agoniser, partagé entre la joie d’une nouvelle si agréable et la douleur de la mort.

Il mourut paisiblement à l’âge de soixante-neuf ans et demi; à quarante-six ans il avait épousé Sainte Anne et vingt ans après leur mariage, ils eurent la très pure Marie, qui avait trois ans et demi lors de la mort de son père.

Le saint patriarche étant mort, les saints anges s’en retournèrent vers leur reine et lui apprirent tout ce qui était arrivé. La très sage fille cacha ce qu’elle en savait lorsque sa mère lui en envoya la nouvelle par une lettre écrite à sa maîtresse Anne la prophétesse. Ce fut la première affliction que ressentit la jeune Marie dans cet âge si tendre.

Peu auparavant le Seigneur lui avait dit dans une de ses visions : Vous êtes ma bien aimée, et je vous aime d’un amour infini, c’est pourquoi je ne veux pas vous priver des plus grands trésors que je réserve à ceux que j’aime, savoir la croix et les afflictions. Elle répondit avec plus de fermeté de coeur que tous les saints et les martyrs, que s’il lui permettait de faire choix de quelque chose elle ne voulait que souffrir pour son amour jusqu’à la mort.

Dieu agréa cette demande et après la peine extérieure de la mort de son père, il commença à l’exercer par des afflictions intérieures. Il la priva de la communication sensible des saints anges et des visions continuelles dont le Seigneur lui faisait part. Ses tourments furent plus grands que ceux de tous les saints ensembles; parce que son cœur aimait Dieu d’un amour incomparable et plus que tous les Séraphins.

Craignant d’avoir perdu ses faveurs et les témoignages de son amour par sa négligence ou son ingratitude, elle s’affligeait au-delà de ce qu’il est possible d’exprimer. Elle aurait perdu mille fois la vie si Dieu ne la lui eût conservée par un miracle de sa puissance.

Ses afflictions s’accrurent de celles que lui suscita l’enfer Lucifer voyant une si grande Vertu dans cette jeune enfant commença à craindre que ce ne fut celle qui devait un jour lui écraser la tête. Il fit part à ses démons de ses soupçons et leur commanda de l’attaquer par les plus fortes tentations. Il mit tous ses moyens en œuvre et redoubla toutes ses infernales suggestions.

Marie le repoussa avec le bouclier invincible de l’oraison, et les armes si puissantes de la Sainte Écriture s’apercevant que tous ses artifices et ses assauts intérieurs ne pouvaient rien contre son cœur embrasé d’un pur amour, Lucifer usa d’un autre moyen; ce fut d’irriter contre elle ses compagnes.

Il leur suggéra la pensée qu’elles seraient comptée pour rien auprès de Marie et qu’elle seule serait estimée et aimée de la maîtresse et des prêtres. Ces mauvaises suggestions firent une telle impression dans le cœur de ces jeunes filles qu’elles commencèrent à la haïr, à la détester, à la mépriser et à la traiter d’hypocrite. Elles tinrent entre elles une conférence où elles résolurent de lui enlever les bonnes grâces des supérieurs, et de la faire chasser du temple.

Elles lui dirent mille imprécations et lui firent mille outrages. La très prudente Vierge répondit avec une profonde humilité qu’elle ferait tous ses efforts pour s’amender, mais ses douces réponses n’amollirent point le cœur de ses compagnes, parce le Démon les irritait toujours davantage.

Elles cherchaient toutes les occasions de la maltraiter et elles mirent en œuvre mille moyens. Un jour, elles l’emmenèrent dans une chambre retirée, l’accablèrent d’outrages et même de coups.

Elles haussèrent tellement la voix qu’elles furent entendues des prêtres du temple qui accoururent au bruit. Ils en demandèrent la cause, et elles répondirent toutes avec beaucoup d’indignation, qu’il n’était pas possible de vivre en paix avec Marie, que son caractère était terrible, qu’elle était hautaine et pleine d’hypocrisie.

Les prêtres et la maîtresse la menèrent à une autre chambre et la reprirent avec sévérité, la menaçant de la congédier du temple. La très humble enfant avec une grande modestie, les remercia de leur réprimande et les pria de lui pardonner, promettant de se mieux conduire en toutes choses dans la suite.

Elle s’en alla incontinent joindre ses compagnes, se prosterna à leurs pieds, et leur demanda pardon. Elles la reçurent dans leur compagnie, parce qu’elles crurent que cet acte était une punition imposée parles prêtres. Mais le dragon infernal augmenta la fureur de ces filles, et elles continuèrent à la discréditer avec une effronterie plus grande, inventant de nouveaux mensonges pour la perdre !

Le Très-Haut ne permit jamais qu’on inventât des choses considérables ni indécentes, mais seulement des choses puériles ; tout cela donna occasion à Marie d’exercer les vertus, et surtout sa très grande humilité en ne se défendant jamais de ces fausses imputations. Dieu mit enfin un terme aux épreuves de son épouse immaculée.

Il apparut en songe à Siméon et à Anne, leur faisant connaître que Marie était très agréable à ses yeux, et qu’elle était très innocente de tout ce dont on l’accusait. Après cet avis du Seigneur, ils appelèrent la très sainte enfant, et lui demandèrent pardon d’avoir trop facilement ajouté foi aux fausses accusations de ses compagnes.

Elle leur répondit avec une humilité toujours plus profonde. Les prêtres ainsi désabusés, la persécution cessa, et le Seigneur adoucit le mauvais vouloir des filles qui la faisaient souffrir. Mais ses afflictions intérieures causées par l’absence de son bien-aimé Seigneur ne cessèrent pas. Elles durèrent dix ans pendant lesquels elle souffrit au-delà de tout ce qu’il est possible d’exprimer.

Le Très-Haut, il est vrai, découvrit sa face dans cet intervalle, afin qu’elle reçut quelque soulagement, mais ce ne fut pas fréquemment. Cette absence si pénible était convenable, afin que Marie se disposât par l’exercice de toutes les vertus à la sublime dignité de mère de Dieu, à , laquelle le Très-Haut la destinait de toute éternité.

A la douzième année de son âge, les anges lui manifestèrent que la fin de la vie de sa Sainte mère Anne s’approchait. Dieu commanda à ses anges de porter réellement la sainte enfant auprès de sa mère malade, tandis qu’un d’entre eux prendrait sa place en prenant un corps aérien semblable au sien.

Les anges obéirent au divin commandement et la très sainte enfant consola sa chère mère. Elle lui demanda sa bénédiction et la fortifia de ses saintes et ferventes paroles, et l’embrassa pour la dernière fois. Sa prudente mère ne lui découvrit pas le mystère du choix qui avait été fait d’elle pour être la mère du Messie attendu. Elle l’exhorta à ne pas sortir du temple avant d’avoir embrassé un état, à ne le faire qu’avec le consentement des prêtres du Seigneur, et si c’était la volonté de Dieu qu’elle se mariât, à prendre son époux dans la tribu de Juda et dans la famille de David.

Elle lui recommanda de faire part aux pauvres de ses biens, et de demander incessamment au Tout-Puissant la venue du Messie. Sainte Anne avait un cœur magnanime, une intelligence élevée, une taille médiocre, quelque peu au-dessous de celle de sa très sainte fille Marie, le visage rond, la couleur blanche et vermeille, et les manières toujours égales.

Elle vécut cinquante-six ans, à vingt-quatre ans elle se maria à Saint Joachim, elle passa vingt sans enfants, à quarante-quatre ans elle mit au monde la sainte Vierge. Elle vécut encore douze ans, trois en sa compagnie, et neuf pendant qu’elle était dans le temple.

Elle avait quarante-huit ans lorsque Saint Joachim mourut. Quelques auteurs ont écrit qu’elle se maria trois fois, et qu’en chaque fois, elle fut mère d’une des trois Maries. Mais le Seigneur ne m’a révélé que son mariage avec Saint Joachim; et ne m’a pas fait connaître qu’elle ait eu d’autre fille que la très sainte Vierge mère de Dieu.

Synthèse et analyse des affirmations textuelles

Du chapitre 5, cité dans son intégralité précédemment, nous pouvons retenir que :

- Saint Joachim meurt à l’âge de 69 ans et demi ; à 46 ans il avait épousé Sainte Anne et 20 après leur mariage, ils eurent la très pure Marie, qui avait 3 ans et demi (soit 3 ans et 6 mois) lors de la mort de son père.

- A l’âge de 12 ans les anges manifestèrent à la Très Sainte Vierge Marie que la fin de la vie de sa Sainte mère Anne s’approchait.

- Sainte Anne vécut 56 ans, à 24 ans elle se maria à Saint Joachim, elle passa 20 sans enfants, à 44 ans elle mit au monde la Très Sainte Vierge Marie. Elle avait 48 ans lorsque Saint Joachim mourut.

Nous pouvons tout de suite observer que d’un point de vue purement logique et rationnel ces affirmations sont tout à fait plausibles, et qu’aucune contradiction n’apparaît.

Pour affiner notre analyse il convient de compléter par les extraits suivants :

- extrait du chapitre 6 « Ses épousailles avec le chaste Saint Joseph », page 34 : 

« Le saint mariage fut célébré le huit septembre, Marie ayant quatorze ans accomplis et Saint Joseph trente-trois ».

- extrait du chapitre 7 « Comment le très haut prépara la Sainte Vierge et la combla de grâces pour la rendre digne d’être la mère de Dieu », page 34 : 

« La Sainte Vierge s’occupa à des œuvres de profonde humilité et d’héroïques vertus pendant les six mois et dix-sept jours qui s’écoulèrent depuis le mariage jusqu’à l’Incarnation du Verbe éternel ».

- extraits du chapitre 8 « Annonciation de la Sainte Vierge et incarnation du Verbe », pages 41 et 42 : 

« La plénitude des temps étant accomplie dans lequel le fils unique devait s’incarner, Dieu le fit connaître à l’archange Gabriel, non par la voie ordinaire en éclairant l’ange inférieur par le supérieur, mais immédiatement, et lui révéla l’ordre et les paroles mêmes de son ambassade […].

Il se dirigea vers la pauvre maison de Marie qui avait alors quatorze ans, six mois et dix-sept jours […].

A l’arrivée de l’archange, elle était dans une sublime contemplation des mystères qu’elle avait vus les jours précédents. Elle souhaitait vivement d’être la servante de cette bienheureuse femme qui devait être la mère du Messie […].

Toute absorbée dans la pensée que le Seigneur la voulait pour mère, elle se livra à des actes ardents d’amour et de conformité à la divine volonté, son chaste cœur naturellement comprimé par l’ardeur de ses mouvements et de ses affections distilla trois gouttes de sang qui tombèrent dans son sein virginal et le saint esprit en forma le petit corps du sauveur.

Ainsi le cœur très pur de Marie par la force de l’amour divin fournit seul la matière dont ce corps fut composé.

Le corps divin de Jésus-Christ fut donc réellement formé au moment où inclinant la tête, Marie les mains jointes prononçait ces paroles ; ecce ancilla domini, fecit mihi secundum verbum tuum.

En ce moment la très sainte âme du sauveur fut créée et infuse dans ce corps, et la divinité s’unit à l’humanité par l’union hypostatique.

Tout ceci s’accomplit un vendredi, le vingt-cinq du mois de mars, à l’aurore, à la même heure où Adam avait été créé, trois mille neuf cent soixante ans auparavant ».

 

L'incarnation du Verbe lors de l'Annonciation - Pinakothek Munich

 

Des chapitres 6, 7 et 8 cités précédemment, nous pouvons retenir que :

- L’Incarnation du Verbe eut lieu un vendredi, le 25 mars à l’aurore, à la même heure où Adam avait été créé 3960 ans auparavant, Marie ayant alors 14 ans, 6 mois et 17 jours.

NB 1 : Nous savons que Denys le Petit a commis une erreur de 4 à 6 ans quant à la datation de la naissance du Christ. En prenant en compte cette erreur nous pouvons, à l’aide des indications données par Maria d’Agreda, déduire avec une incertitude de tout au plus 2 années la date de naissance et de mort de Saint Joachim et par prolongement celle de Sainte Anne, en considérant bien entendu exactes les indications temporelles données par Maria d’Agreda.

NB 2 : L’ensemble de la tradition catholique, jusqu’à nos jours, retient la conception ou incarnation de notre Sauveur le 25 mars et sa naissance le 25 décembre. Saint Louis-Marie Grignon de Montfort, dans son traité sur « L’amour de la sagesse éternelle », précise aux § 109 et 110, page 75 de mon édition : « Sa conception fut annoncée à la Sainte Vierge par l’ange Gabriel […] on eut cette conception un jour de vendredi, 25 ième de mars ; et le 25 de décembre, le Sauveur naquit dans la ville de Bethléem, dans une pauvre étable, où une crèche lui servit de berceau ».

La table chronologique établie par l’éminent Père Augustin Calmet (Cf. § 11.2), nous précise qu’à l’an 6 avant notre ère vulgaire « Hérode fait prêter serment à l’empereur Auguste par les Juifs. Cette année est la 747 ième de la fondation de Rome, selon Varon ; la 40 ième de l’ère julienne ; la 39 ième d’Auguste, depuis la mort de Jules César ; la 35 ième depuis qu’Hérode a été déclaré roi de Judée ; la 2 ième de la 193 ième olympiade […].

En cette année, le 25 mars, c'est-à-dire 5 ans, 9 mois et 7 jours avant l’ère vulgaire, l’Ange Gabriel est envoyé du ciel à Nazareth en Galilée, vers Marie, vierge de la maison de David, mariée depuis peu de temps à Joseph de la même maison, pour lui annoncer qu’elle concevra dans son sein, par l’opération du Saint-Esprit, le Verbe, le Fils de Dieu. 9 mois après, c'est-à-dire au mois de décembre, Marie se rend avec Joseph à Bethléem, pour se faire inscrire l’un et l’autre dans le dénombrement général des sujets de l’empire, ordonné 3 ans auparavant […].

Comme l’heure de son enfantement était arrivée, elle y met au monde vers le milieu de la nuit, le Fils de Dieu, d’une manière aussi miraculeuse, qu’elle l’avait conçu. Ce jour, mémorable à jamais, fut le 25 décembre, suivant une tradition constante ».    

De toutes ces précisons historiques, nous pouvons légitimement retenir, sans grand risque d’erreur (2 ans tout au plus), l’an - 6 avant notre ère vulgaire pour la naissance de Notre Seigneur (c'est-à-dire l’an - 6 avant Jésus-Christ).

D’après Maria d’Agreda, lors de l’Incarnation du Verbe, la Très Sainte Vierge Marie est âgée de 14 ans, 6 mois et 17 jours.

Il convient donc d’ajouter 9 mois, pour connaître l’âge qu’avait la Très Sainte Vierge Marie lors de la naissance de notre Seigneur Jésus, soit 15 ans, 3 mois et 17 jours.

En faisant la différence entre 15 ans, 3 mois et 17 jours et 3 ans et 6 mois, on déduit que 11 ans, 9 mois et 17 jours séparent la naissance du Sauveur et la mort de Saint Joachim.

Ainsi, en retenant le 25 décembre de l’an - 6 avant notre ère vulgaire pour la naissance de Notre Seigneur (c'est-à-dire le 25 décembre de l’an - 6 avant Jésus-Christ), et en considérant des mois de 30 jours, nous obtenons la date du 11 octobre de l’an - 18 avant Jésus-Christ pour la mort de Saint Joachim.

Sachant que Saint Joachim est mort à 69 ans et 6 mois, nous déduisons la date du 11 avril de l’an - 88 avant Jésus-Christ pour la naissance de Saint Joachim.

Etant donné que Sainte Anne a vécut 56 ans et avait 48 ans lorsque Saint Joachim mourut, nous pouvons conclure que notre sainte aïeule est née aux alentours de l’an - 66 avant notre ère vulgaire (c'est-à-dire l’an - 66 avant Jésus-Christ) et est morte aux alentours de l’an - 10 de notre ère vulgaire (c'est-à-dire l’an - 10 avant Jésus-Christ).

NB 1 : En faisant ce calcul nous avons bien conscience, qu’une date tout à fait exacte ne peut être avancée, car l’on considère des mois de 30 jours, et une incertitude de 2 ans liée à l’erreur de Denys le Petit. Pour autant, dans l’hypothèse à laquelle nous adhérons sans hésitation, concernant la justesse des indications temporelles données par Maria d’Agreda, l’approximation reste tout à fait valable. Nous pouvons raisonnablement soutenir que Sainte Anne et Saint Joachim sont respectivement nés autour de l’an - 66 et - 88 avant Jésus-Christ, et qu’ils auraient eu à peu près 22 ans d’écart.

NB 2 : Nous pouvons vérifier la justesse arithmétique de notre calcul, en considérant notamment que Sainte Anne avait 44 ans lorsque elle mit au monde la Très Sainte Vierge Marie autour de l’an - 22 de notre ère vulgaire (- 22 avant Jésus-Christ), en rappelant que nous avons fixé la naissance de Notre Seigneur Jésus l’an - 6 de notre ère vulgaire, ce qui fait une différence de 16 ans (n’ayant pas pris en compte dans la dernière phase de notre calcul, les mois et les jours, ce qui aurait exactement donné 15 ans, 3 mois et 17 jours).

 

6.10.2 Sainte-Anne de Jérusalem, lieu de la nativité de la Très Sainte Vierge Marie

 

 

"Après cela, il y eut une fête des Juifs et Jésus monta à Jérusalem. Or il y a à Jérusalem, près de la Probatique, une piscine qu'on appelle en hébreu Béthesda, qui a cinq portiques.

Sous ces portiques gisaient une foule d'infirmes, aveugles, boiteux, impotents qui attendaient le bouillonement de l'eau. Car l'ange du Seigneur descendait par intervalles dans la piscine ; l'eau s'agitait et le premier qui y entrait, après que l'eau avait bouillonné, se trouvait guéri, quel que fût son mal. Il y avait là un homme qui depuis trente-huit ans était infirme. Jésus, le voyant étendu et sachant qu'il était dans cet état depuis longtemps déjà, lui dit : "Veux-tu guérir ? - Seigneur, lui répondit l'infirme, je n'ai personne pour me plonger dans la piscine, quand l'eau se met à bouillonner ; et, le temps que j'y aille, un autre descend avant moi". Jésus lui dit : "Lève-toi, prends ton grabat et marche". A l'instant l'homme fut guéri ; il prit son grabat ; il marchait".

Evangile de Saint Jean, chapitre 5, verset 1 à 9.

 

 

Du livret "Jérusalem, Sainte Anne", page 2 à 48 :

"Le pèlerin qui pénètre dans le domaine de Sainte-Anne aperçoit bientôt l'église, puis est attiré par le champ de fouilles de la piscine de Béthesda. C'est là son vrai nom attesté par les rouleaux de cuivre de Qumrân. Quand il aura achevé sa visite, il saura que tout cet ensemble forme en réalité une belle unité, résultant de la conjonction en cet endroit de deux souvenirs : celui de la guérison du paralytique par le Sauveur, à la piscine (Jn 5,1-9), et celui de la nativité de Marie que la tradition orientale situe à Jérusalem et aux abords de la même piscine.

 

LA PISCINE PROBATIQUE

Dès le début du 20 ième siècle, la découverte de cette piscine évangélique est bien acquise. Les fouilles ont révélé qu'elle était constituée par deux grands bassins d'environ 50 mètres de côté et de 13 mètres de profondeur, en partie creusés dans le roc et en partie construits. Ils sont séparés par une digue centrale dont la face sud est actuellement complètement dégagée. La raison d'être de ces bassins est claire. Nous sommes au 2 ième siècle avant Jésus-Christ. Jérusalem est redevenue une ville juive après la tentation hellénique à laquelle ont résisté les Macchabées. Le Temple, où les sacrifices ont repris avec toute leur splendeur, est redevenu le grand centre d'attraction de la religion juive. Mais, situé au sommet de sa colline, il est difficilement approvisionné en eau.

Les quelques citernes creusées dans le sol rocheux sont insuffisantes. Il faut donc retenir l'eau qui tombe en abondance l'hiver. Au Nord du Temple existe une petite vallée descendant vers le sud. Il suffira de la barrer pour avoir une retenue très importante. C'est ainsi que l'on doit s'expliquer l'origine et l'utilisation de nos deux bassins. On voit tout de suite que le but en est religieux : le service du Temple, comme le montre bien le petit canal qui part sous le bassin sud et se dirige vers le Temple. Il est possible que nous ayons dans la Bible une allusion à sa construction. Dans son éloge du grand-prêtre Simon, fils d'Onias (220-195), le Siracide nous dit : "De son temps fut creusé le réservoir des euax, un bassin grand comme la mer" (Siracide 50,1-3).

C'est sur les bords de la piscine qu'a eu lieu la guérison du paralytique que nous raconte Saint Jean (Cf. texte biblique ci-avant). Mais les détails de l'évènement sont assez difficiles à situer. Deux problèmes se posent : comment pouvait-on descendre les malades dans ces immenses bassins ? Où se trouvaient les cinq portiques ? A cette seconde question, on répond d'habitude en utilisant la description que donne Cyrille de Jérusalem vers 347 : "En Jérusalem, en effet, était une piscine probatique qui avait cinq portiques, quatre en bordure et un cinquième au milieu, où gisaient une foule d'infirmes et où l'incrédulité des Juifs était grande " (PG 33,1133).

Cyrille suppose que des portiques, c'est à dire des galeries ouvertes à voûtes soutenues par des colonnes, étaient construits sur les cinq grandes digues. Que vaut ce témoignage ? Remarquons simplement que quelques années auparavant, vers 333, Eusèbe de Césarée notait que la piscine avait autrefois des portiques, se basant vraisemblablement pour l'affirmer sur le récit évangélique. Ni lui ni Cyrille n'ont donc vu les cinq portiques et raisonnablement on doit donc rester dans l'incertitude sur leur emplacement.

Quant à la première question : comment descendre les malades dans ces immenses bassins ? - une découverte faite entre 1959 et 1962 peut y répondre en partie et permet peut-être en même temps de mieux voir ce qu'étaient les portiques dont nous parle Saint Jean.

 

UN SANCTUAIRE PAIEN

Sous la basilique byzantine dont nous parlerons ci-après, on a en effet trouvé des galeries voûtées dont les murs étaient couverts de peintures trop abîmées malheureusement pour que l'on puisse savoir ce qu'elles représentaient. Au cours des fouilles on a également trouvé des ex-voto : un pied-votif avec une dédicace de Pompeia Lucilia (Cf. photographies ci-après), et une statuette de femme, trois autres fragments montrant, le premier, une femme qui se baigne, le second, un offrant présentant des épis de blé, le troisième, un serpent, un des symboles les plus caractéristiques du culte d'Esculape.

Cet ensemble de découvertes oblige à affirmer qu'il y avait ici aux premiers siècles de notre ère un sanctuaire païen que l'on peut avec grande certitude affirmer être un temple d'Esculape. D'autant plus que des monnaies de Jérusalem datant de cette époque attestent qu'il y avait effectivement un temple d'Esculape à Jérusalem. On sait que les sanctuaires d'Esculape comportaient essentiellement, en plus d'un petit temple, des portiques sous lesquels dormaient les malades et une source ou des réservoirs d'eau. De plus, Esculape est un dieu chtonien, c'est-à-dire dont le culte est en partie souterrain. On est frappé de la concordance entre cette description et celle de l'Evangile. Les portiques dont parle Saint Jean ne seraient-ils pas ceux du sanctuaire païen et les malades ne se plongaient-ils pas dans les bassins plus petits de l'Asclêpiéion, que les fouilles ont fait apparaître à l'Est de la piscine et qui se prêtaient certainement mieux à cet usage que les deux grands ? Le problème ne comporte pas de solution péremptoire mais vaut la peine d'être posé.

 

UNE EGLISE BYZANTINE

Lorsque le christianisme vainqueur du paganisme devint la religion dominante de Jérusalem, le sanctuaire païen d'Asclepios ne pouvait pas rester. La solution traditionnelle pour évincer un sanctuaire dont la popularité était dangereuse pour le christianisme fut employée : remplacer sanctuaire par sanctuaire. Une église fut construite qui devait effacer toute trace de paganisme. C'est la cinquième église construite à Jérusalem et cela montre bien l'importance du sanctuaire à condamner. Celle-ci ressort aussi des difficultés surmontées pour asseoir l'église. Il y avait là un rival très important à vaincre. C'est un des nombreux témoignages de la lutte du Christ contre Asclepios. Le vrai guérisseur n'est pas Asclepios, mais le Christ. L'église fut aussi dédiée à la Vierge Marie. Un apocryphe dont la première rédaction doit remonter au 2 ième siècle raconte que la Sainte Vierge est née près du Temple de Jérusalem, dans la maison de ses parents Joachim et Anne. Dès les débuts de notre église nous voyons que les chrétiens y ont rattaché le souvenir de la maison natale de Marie.

L'église est de plan basilical : elle est caractérisée par ce fait que sa moitié occidentale est construite sur la piscine de Béthesda, sa moitié orientale étant sur la terre ferme où elle recouvre une partie de l'Asclêpiéion dont les galeries ont été systématiquement détruites ou comblées.

La digue centrale n'avait que six mètres de large. Pour supporter une église de 18 mètres de large (sa longueur est de 45 mètres), il fallait de chaque côté de cette digue six mètres au plus.

Au lieu de combler les bassins, les architectes byzantins entreprirent de construire un système d'arches portant le sol de l'église à plus de 13 mètres au-dessus du fond des bassins. Dans le bassin sud, de ces arches, il reste une complète (Cf. photographies ci-après), et les témoins de six autres rejoignant le portique est. Dans le bassin nord il existait déjà une construction encore mal expliquée, mais très probablement en relation avec l'Asclêpiéion ; elle a beaucoup facilité et sans doute déterminé l'extension de l'église au-dessus des bassins. C'est la citerne où les pèlerins descendent encore à l'heure actuelle, par un escalier, oeuvre des Croisés, pour vénérer l'eau de la piscine. Il a suffi de construire des voûtes par dessus pour avoir une crypte, et d'ériger plus haut une série d'arcs et de voûtes pour obtenir un sol au niveau voulu (Cf. photographies ci-après).

Trois absides terminent l'église.

Au nord de l'église, on voit encore les restes d'une belle mosaïque dont le motif principal est la "croix gemmée", c'est à dire une croix dont les quatre sommets et le centre sont décorés de pierres de couleurs différentes, représentant une gemme. On y remarque les traces de l'emplacement d'un autel (Cf. photographies ci-après). Il faut sans doute y situer le martyrion : sanctuaire où l'on vénnérait les reliques des saints.

De quand date cette église ?

Jean Rufus, évêque de Maïouma en Palestine, dans ses Plérophories rédigées peu après 512, raconte une vision qu'aurait eue un jeune lecteur dans l'église de la Probatique entre 430 et 438 sous le patriarche Juvénal. L'Eglise existait donc à cette époque. Peut-on préciser davantage ? Il semble que oui. En 427 un édit de l'empereur Théodose II interdisait de mettre des croix dans les décorations des sols par respect pour la croix. Or, la croix est le motif principal de la mosaïque martyrion de la Probatique. Il est donc très probable qu'elle ait été construite avant 427. Les pèlerins ou auteurs du 4 ième siècle qui parlent de la piscine ne font aucune allusion à une église qui s'y trouverait. Donc la basilique a dû être construite dans le premier quart du 5 ième siècle.

En 614, l'église est incendiée par les Perses. Elle est restaurée peu après par Modeste, patriarche de Jérusalem, comme l'attestent et les deux niveaux des mosaïques, et le texte de Saint Sophore (Cf. texte ci-après), parlant du sanctuaire "nouveau", c'est à dire reconstruit.

A l'époque de Charlemagne [en lien direct avec le § 6.10.3 La découverte du corps de Sainte Anne à Apt, Pâques 792], un compte-rendu qui lui était destiné signale cet endroit, pour desservir le sanctuaire, 5 prêtres et 25 religieuses. Selon toute vraisemblance, elle subsiste jusqu'au début du 11 ième siècle, date à laquelle furent détruites bon nombres d'églises de Jérusalem.

 

MOUSTIER ET EGLISE SAINTE-ANNE

Quand les Croisés arrivèrent (fin du 11 ième siècle), ils ne trouvèrent que des ruines. Les deux souvenirs, guérison du paralytique et nativité de Marie, avaient été commémorés jusqu'alors à l'église Sainte-Marie de la Probatique ; les Croisés vont les séparer : à la piscine ils utilisent les ruines de la nef latérale nord de l'église byzantine et construisent une petite église (moustier), dont on voit encore l'abside dominant les fouilles à l'heure actuelle; un peu plus au sud et à l'Est, ils édifient l'église Sainte-Anne dont les pélerins peuvent admirer la simplicité et la pureté (Cf. photographies ci-dessous).

 

 

Transformée en madrassa (école de droit coranique) par Salah Al Din (1192), et après avoir échappé à bien des dangers de destruction, elle redevint sanctuaire chrétien après la guerre de Crimée. Le gouvernement de la France était venu au secours de la Turquie. Le sultan Abdou'l Majid, pour témoigner de sa reconnaissance, fit don de l'église à l'empereur Napoléon III (1856). L'église fut alors admirablement restaurée par Mauss : l'architetecte sut allier science à une discrétion très respectueuse du passé.

"L'édifice entier, a écrit le P. Vincent, a été remanié, consolidé, rétabli, mais avec un respect admirable de son antique physionomie, avec le souci scrupuleux d'effacer l'art du constructeur moderne, pour faire reparaître seul, dans toute sa beauté austère et simple, l'art du constructeur ancien. Chaque pierre a repris sa place, chaque membre d'architecture a conservé toute sa valeur. En pénétrant aujourd'hui sous les voûtes rajeunies, on a l'impression d'entrer dans un sanctuaire médiéval, conservé, par fortune, dans la fraîcheur de ses premier ans" (Revue Biblique, août 1904). Cette église, qui peut être qualifiée de forte, est franche de lignes, sans rigidité, avec prédominance de formes cubiques et de surfaces droites.

"Entrant à la Sainte Probatique où l'illustre Anne enfanta Marie, pénétrant dans le temple restauré de la très pure Mère de Dieu, je couvrirai de baisers les murs qui me sont chers. Et bien ! Traverserai-je donc sans y prendre garde, au cours de mon chemin, la place où la princesse naquit dans la chambre de ses pères ? Que je voie donc l'endroit d'où le paralytique, rendu à la santé sur l'ordre du Verbe, s'en alla portant son lit"

Saint Sophrone, patriarche de Jérusalem (634-638).

 

"Salut, Probatique, temple très saint de la Mère de Dieu. Salut Probatique, domicile ancestral de la Reine. Salut, Probatique, autrefois bercail des brebis de Joachim, devenu aujourd'hui l'église du troupeau spirituel du Christ, cette imitation du Ciel. Jadis tu recevais une fois par an l'ange de Dieu qui agitait les eaux et rendait la santé à un seul homme en le délivrant du mal qui le paralysait. Aujourd'hui, tu as ici des multitudes de puissances célestes qui célèbrent avec nous la Mère de Dieu, l'abîme des merveilles, la source d'universelle guérison"

Saint Jean Damascène. Homélie sur la Nativité probablement prononcée dans l'église de la Probatique dans les premières années du huitième siècle.

 

Le plan général est celui d'une basilique classique des Croisades. Le chevet présente trois fenêtres à l'abside principale, une à chacune des absides latérales.

Devant la façade, le regard est attiré tour à tour par la porte centrale, formée de deux voussures, en retraites successives, par le tympan, privé d'ornements et où fut sculptée une inscription arabe lors de la transformation de l'église en madrassa, enfin par la fenêtre supérieure dont l'ornementation rapelle le portail du Saint-Sépulcre.

A l'intérieur, le seul arc employé est l'arc brisé, une ogive large, ouverte, très peu différente du plein cintre ; les voûtes sont soutenues par de puissants piliers à multiples ressauts rectangulaires.

A la croisée du transept et de la nef centale s'élève une superbe coupole (Cf. photographies ci-dessous) supportée par quatre grands arcs égaux, soutenus eux-mêmes par les deux piliers extrêmes de la nef et par les deux piles engagées dans les murs de l'abside principale.

 

 

Avant de parler de l'ornementation de l'église, disons un mot de la crypte.

 

LA CRYPTE

On y descend par un large escalier qui conduit à un choeur minuscule surmonté d'une petite coupole et où se dresse dans une abside centrale l'autel de la Nativité de Marie. Le tout est aménagé dans une grotte primitive où les Croisés localisèrent la naissance de Marie, continuant ainsi la tradition orientale qui situe la naissance de Marie à Jérusalem et aux abords de la piscine probatique.

 

La décoration

Mais revenons à l'église : le pélerin ne peut pas ne pas être frappé par l'autérité décorative du monument, attribuable peut-être à la pénurie d'artistes sculpteurs, peut-être aussi à l'influence de Saint Bernard connu pour sa sévère prédication contre l'ornementation des églises et qui fut en relation avec la principale bienfaitrice du couvent Sainte-Anne, la reine Mélinsende, fille ainée de Baudouin II et épouse de Foulques, tous deux rois latins de Jérusalem.

 

L'ornementation se réduit à quelques chapiteaux et consoles de style grossier. On remarque:

- un barillet cannelé,

- deux sandales réunies par un volumen dans lesquels on a voulu voir le symbole de l'association des deux époux, Anne et Joachim, unis jusque dans la tombe. L'iconographie chrétienne a souvent employé les sandales comme expression allégorique du tombeau et le rouleau comme emblème du contrat de mariage,

- la tête de boeuf, symbole de Saint Luc, et le buste humain, symbole de Saint Matthieu. Ce sont les deux évangélistes qui ont mis en scène Marie auprès de Jésus enfant ; la présence de ces symboles s'explique donc parfaitement dans une église dédiée au souvenir de Marie,

- plusieurs autres chapiteaux à peine travaillés, ou inspirés tant bien que mal du galbe corinthien à double rang de feuilles rigides,

- des chapiteaux romans à figure animale qui viennent terminer les colonnettes encadrant la belle fenêtre absidale qui fait exception à la pauvreté générale de la décoration.

 

L'autel majeur

Cette ornementation des plus modestes ne fait que mettre davantage en relief la noblesse de l'autel majeur de la basilique (Cf. photographie ci-dessous).

 

 

Oeuvre du sculpteur français Philippe Kaeppelin, il a été réalisé en 1954. Il s'harmonise parfaitement avec les lignes fortes de l'église. Situé dans l'abside, il laisse le transept entièrement libre.

Pour ne pas lui donner un caractère trop massif, il fallait éviter les lignes rigides, d'où le léger galbe des surfaces horizontales et le socle en retrait qui allège le cube en le surélevant au lieu de l'étaler.

Sur le parement, il comporte trois scènes de la vie de Marie : à droite l'Annonciation - au centre, le descente de croix - à gauche, la Nativité du Sauveur.

Sur les côtés sont représentés : à droite, la Présentation de la Sainte Vierge au Temple - à gauche, l'éducation de Marie par Sainte Anne.

Une polychromie éteinte vient souligner le dessein ; les trois couleurs utilisées sont le bleu et l'ocre jaune sur le fond de pierre gris qui est la tonalité générale de l'église : sans nuire à l'unité de l'autel, elles favorisent l'harmonisation avec l'ensemble de l'église.

 

 

La naissance de la Vierge

Maître de l'Osservanza, vers 1430-1450
La naissance de la Vierge
Copyright © 1997 National Gallery, Londres

 

L'article de l'encyclopédie libre Wikipédia

 

6.10.3 La découverte du corps de Sainte Anne à Apt, Pâques 792

 

La statue de Sainte Anne sur le dôme de la Cathédrale d'Apt

 

Le 25 décembre 800, Charles I er dit Charles le Grand (en latin « Carolus Magnus »,qui se traduit en français par « Charlemagne ») alors roi des Francs (entre 768-814) et des Lombards par conquête (entre 774-814), est sacré Empereur d’Occident par le Pape Léon III dans la Basilique Saint Pierre de Rome. En remerciement des services rendus à la papauté, notamment par sa victoire sur les Lombards, et l’accueil qu’il reçu auprès de Charlemagne après son emprisonnement à Rome en 799, le Souverain Pontife lui attribue le titre inédit d'« Empereur des Romains ».

 

Anne et Joachim à la Porte Dorée

Le Maître de Moulins (Jean Hey), vers 1500
Charlemagne et la rencontre de Sainte Anne et Saint Joachim à la Porte Dorée
Copyright © 1997 National Gallery, Londres

 

Le Sacre de Charlemagne par le Pape Léon III dans la Basilique Saint Pierre de Rome

 

Pour faire suite à ce bref rappel historique, l’évènement qui nous intéresse dans cette section, et non des moindres, est la découverte du corps de Sainte Anne à Apt, de façon tout à fait miraculeuse et inattendue.

Pouvons-nous nous rendre compte de la grâce que le Ciel accorde ce jour là à la Sainte Eglise de Dieu et l’ensemble du peuple chrétien. Rien de moins que le Corps de Sainte Anne qui par prolongement de la maternité de la Très Sainte Vierge Marie, n’est autre que notre grand-mère à tous !

Ainsi, à la date du 26 juillet, jour de la fête de Saint Anne et Joachim, pages 39 et 40 du 9 ième tome des « Petits Bollandistes », nous est précisé que « Charlemagne vint séjourner à Apt aux approches de la fête pascale, après avoir pacifié la Provence par la défaite des Sarrasins, dans la plaine qui s’étend entre la montagne de Cordes et la colline de Montmajour. Le souvenir de cette bataille, où la dernière espérance de l’islamisme fut détruite, s’est conservé dans une inscription de l’église de Montmajour-lez-Arles.

Le premier soin de Charlemagne, après son arrivée à Apt, fut de faire reconsacrer par Turpin [alors archevêque de Reims] l’église cathédrale qui avait été polluée par un culte impie. Tandis qu’un concours extraordinaire de grands seigneurs et de peuple assistait à cette solennité, et pendant que la population répandue à l’entour rendait à Dieu, dans son ravissement, des louanges à l’occasion de son sanctuaire restitué, le Seigneur, enveloppant de son amour les vœux pieux de la cité et la foi ardente de Charlemagne, découvrit, par un miracle éclatant et une faveur inespérée, le trésor inconnu des reliques de Sainte Anne.

Un jeune homme du nom de Jean, âgé de quatorze ans, aveugle, sourd et muet de naissance, fils du baron de Caseneuse, était présent dans le sanctuaire. Pendant quelque temps, on vit ce jeune homme paraître écouter un certain avertissement céleste. Bientôt il commença, en frappant sur une levée de degrés menant au maître-autel, à faire signe qu’on creusât profondément le sol, afin que, les degrés enlevés, on vit ce qui était peut-être caché dessous. L’office divin était troublé par là, sans qu‘il fut au pouvoir des gardes ni des autres officiers de retenir ce jeune homme. Cependant, tous les assistants étant surpris par la nouveauté du fait, le prince, présageant un miracle, donna ordre de se conformer aux vœux si vivement exprimés par l’adolescent.   

On enlève à l’heure même les marches de la montée indiquée, et on découvre aussitôt une porte fermée de grosses pierres qui fait présager quelque chose de remarquable. Les ouvriers ayant ouvert cette porte à coups de marteau, on vit une entrée et une descente de degrés qui conduisit dans une grotte souterraine artistement travaillée. C’était la crypte où le bienheureux Auspice, apôtres des Aptésiens, avait coutume de nourrir par la parole sainte et les Sacrements le peuple qui lui était confié.

L’aveugle Jean marchait le premier, indiquant le chemin avec une telle sûreté, que Charlemagne fut obligé de le faire tenir près de lui pour qu’il ne fût pas foulé aux pieds des curieux. Le jeune homme faisait toujours comprendre du geste qu’on creusât plus avant la terre à la partie du mur qu’il signalait. On descendit enfin dans un souterrain long et étroit ; mais là une lumière extraordinaire apparaissant entoura les assistants. La crypte inférieure étant enfin ouverte, tandis que tous, pleins d’admiration, regardent une lampe ardente placée devant une sorte d’armoire murée, le roi lui-même, le clergé et les grands de la cour, accourent tout joyeux vers la mystérieuse clarté, qui s’éteignit aussitôt au contact de l’air.

Chose admirable ! Voilà que Jean, ayant tout à coup les yeux ouverts, ainsi que les oreilles, et la langue déliée, s’écrie : "Dans cette ouverture est le corps de Sainte Anne, mère de la très-sainte Vierge Marie, Mère de Dieu".

Tous les spectateurs, remplis d’étonnement, poussent mille acclamations de joie. Cependant le très-pieux roi ordonne d’ouvrir la niche. Aussitôt une odeur semblable à celle d’un baume de répand, et le dépôt sacré, attesté par un si grand miracle, apparaît renfermé dans une caisse de cyprès, enveloppé d’un voile précieux, et certifié par cette inscription [que j’emprunte ici en latin, à la page 58 de l’excellent ouvrage d’Anne Brassié « Sainte Anne, de Jérusalem à Auray », qui décrit plus succinctement la même scène : « Hic est corpus beate Annae, matris virginis Mariae »] : "Ici est le corps de la bienheureuse Anne, mère de la Vierge Marie". La caisse ouverte, une odeur suave se répandit dans l’une et l’autre crypte pour la confirmation du miracle. L’archevêque Turpin, ayant pris la caisse, la mit entre les bras de Charlemagne pour la lui faire baiser en signe de joie et de consolation.

Le pontife rendit grâces à Dieu, auteur de cette miraculeuse invention [du latin « invenire » qui signifie « trouver »], qui avait manifesté le corps de l’aïeule du Christ pour être la protection et le secours de la ville d’Apt.

Charlemagne ordonna de faire consigner dans des écrits le récit de tous les faits, tels qu’ils s’étaient passés, et d’en référer au souverain pontife, de qui ils furent approuvés par un diplôme qu’il délivra. L’empereur, voulant néanmoins en instruire le premier [le] Pape Adrien, lui écrivit une lettre que l’on possède encore [Il s’agit du Pape Adrien I élu le 9 février 772 et mort le 25 décembre 795]. 

 

Charlemagne et le Pape Adrien I er

 

Charlemagne fit faire cette épitaphe à la mort du Pape Adrien I er :

Nomina jungo simul titulis, clarissime, nostra :
Hadrianus, Carolus, rex ego, tuque pater.
Quisque legas versus, devoto pectore, supplex
Amborum mitis, dic, miserere Deus.

Pendant la Révolution, les précieuses reliques conservées à Apt ne furent pas profanées. Une partie des dons offerts par les pèlerins échappèrent au bouleversement social et sont aujourd’hui l’ornement de la gloire de cette église.

C’est de la ville d’Apt que sont sorties toute les reliques de Sainte Anne, que l’on peut voir et vénérer maintenant ailleurs. Le couvent de la Visitation de Chartres a le bonheur de posséder une petite partie du chef de Sainte Anne ».

Après une longue et fastidieuse recherche dans le corpus des lettres latines rédigées par Charlemagne au Pape Adrien I, cette fameuse lettre « que l’on possède encore » selon les  « Petits Bollandistes » n’apparaît pas dans la version de référence dont je dispose, ce qui en soi, constitue généralement un élément allant à l’encontre d’une si grande découverte, notamment de la part des historiens.

C’est dans un ouvrage écrit en langue française, par P. Dupuy en 1886 que je l’ai finalement trouvée de façon inespérée. Cet ouvrage a été rédigé pour le sanctuaire de Sainte Anne de Beaupré au Canada, dont j’ai pu consulter un exemplaire numérisé.

Voici donc l’intégralité de la correspondance extraite des pages 26 à 31 de l’ouvrage :

« Charlemagne ordonna de consigner par écrits les faits tels qu’ils s’étaient passés et d’en référer au souverain pontife, Adrien, qui les approuva par un diplôme. Charlemagne voulut, en outre, en instruire lui-même le Pape par la lettre suivante que nous citons in extenso, a cause de son importance et surtout parce qu’elle est peu connue :

Charles, roi des Gaules, au souverain et romain pontife Adrien I er, salut.

Après avoir entièrement purgé notre royaume des restes du paganisme, nous nous sommes arrêtés, en venant d’Aquitaine, avec Gérard, duc de Bourgogne, dans la ville d’Arles, où ayant remercié Dieu de nos victoires durant des fêtes de Pâques dernières, nous sommes ensuite retournés au pays de Narbonne, où nous avions déjà jeté les fondements de quelques églises et laissés des prédicateurs pour instruire le peuple chrétien. De là, nous étant rendus à Digne, nous avons ordonné d’en élever une en l’honneur de Notre-Dame ; puis, venant de l’antique cité d’Apt, le sieur baron de Caseneuve, qui s’était saisi en Gascogne de Hunaud, comte de Provence, nous a donné sa maison pour logis.

Durant ce séjour que nous y avons fait pour reconnaître les dégâts des barbares idolâtres, nous avons fait reconsacrer l’église par Turpin, notre confesseur, et pendant que la cérémonie du service divin se faisait, nous aperçûmes le fils de notre hôte bien-aimé frappant continuellement avec une baguette une levée de degrés qui vont au maître-autel, et en donner de si rudes coups que l’office divin en était troublé, sans qu’il fut au pouvoir de nos gardes ni des autres officiers de notre cour d’empêcher ce jeune homme.

Au contraire, tout aveugle, sourd et muet qu’il était, il persistait toujours à frapper, tellement que nous fûmes contraints de faire enlever à l’heure même des marches de cette montée, et aussitôt une porte formée de grosses pierres, que l’on découvrit, nous fit présager quelque chose de remarquable. Les ouvriers ayant ouvert cette porte à coups de marteau, nous vîmes une entrée et une descente de degrés qui nous conduisit dans une grotte souterraine artistement travaillée, dans laquelle il y a un autel soutenu d’une pierre antique où sont inscrits les noms de ceux qui, du temps des Césars, gouvernaient Apta Julia, l’une de leur colonies, et autour de l’autel étaient rangés douze sépulcres.

Ce muet était si actif, que, nonobstant sa cécité, il devançait toujours les autres, tellement que nous fûmes obligés de le faire tenir près de nous pour qu’il ne fût pas foulé aux pieds des curieux courtisans. Le jeune homme faisait toujours signe de creuser plus avant. Nous descendîmes enfin dans une fosse longue et étroite, où nous aperçûmes une lumière qui s’éteignit aussitôt qu’elle eut pris l’air, et sur le champ, chose admirable !

Nous entendîmes ce noble sourd et muet s’écrier : Ici est le corps de Sainte Anne, mère de la pure et immaculée Vierge Marie.

A l’instant nous sentîmes une odeur semblable à celle du baume, et nous vîmes dans une armoire enfoncée, une caisse de cyprès dans laquelle était le saint corps. Notre dit confesseur, l’ayant prise, la mit entre nos bras pour nous faire baiser en signe de joie et de consolation ; et après que nous eûmes satisfait notre dévotion, nous avons expédié ces lettres à Votre Sainteté ».

Le Pape Adrien I er répondit en ces termes à la lettre de Charlemagne :

 Adrien I er, par la grâce de Dieu, pape, à Charlemagne, roi très-chrétien et premier fils de la Sainte Eglise

« Gloire éternelle soit rendue à Dieu, et le plus grand honneur à vous, sire, pour avoir remporté une si éclatante victoire et triomphé d’un peuple ennemi de la chrétienté, mais plus encore pour l’insigne faveur que notre Seigneur, dans son infinie bonté, vous a faite en vous rendant présent à la merveilleuse invention de la bienheureuse Sainte Anne, mère de la glorieuse Vierge Marie, et témoin de l’étonnant miracle qui s’est opéré dans la personne de ce gentilhomme de Caseneuve.

Nous recommandons que ces saintes reliques soient conservées avec la vénération qui leur est due, et à vous-même d’être toujours rempli de zèle, le tout à l’honneur de la divine majesté et pour l’édification de votre peuple ».

Ces évènements firent naître dans la population les plus vifs sentiments de reconnaissance envers Dieu, et une profonde dévotion pour Sainte Anne qui depuis devint le palladium d’Apt.

Charlemagne fut dès ce moment un des plus fervents serviteurs de la mère de Marie.

Il fit ajouter le glorieux nom de Sainte Anne dans les litanies Carolines composées par le Pape Adrien à l’usage de sa chapelle particulière, et fit don à plusieurs églises de quelques portions des reliques de Sainte Anne ».

Tout au long des âges la Sainte Eglise a cru à ce fantastique évènement. Rappelons brièvement les principales sources dont nous disposons, à savoir, les bulles papales et les autres documents de références suivants :

Du « Guide de la France religieuse et Mystique », page 128 :

Mgr Dubreuil, archevêque d’Avignon, fait exactement le même récit de l’invention des reliques que celui présenté précédemment dans sa lettre pastorale, annonçant le couronnement de Sainte Anne en 1876, ce que par ailleurs, la note de bas de page qualifie de « fait exceptionnel, cet honneur étant habituellement réservé aux Madones les plus vénérées ».

D’un point de vue historique, le même guide ne manque pas de relever à la page 129, que :

« La crypte existe si bien qu’on peut la visiter encore aujourd’hui [ce que personnellement je n’ai pas manqué de faire, et atteste de la véracité de ce qui suit]. Elle ne mesure que 6 m2 et est manifestement gallo-romaine. Une niche, fermée par une grille, serait l’endroit où furent découvertes les reliques de Sainte Anne. Le plafond en est fait de deux dalles sculptées. L’une porte le palmier autour duquel s’enlace une vigne chargée de raisins. Or c’est précisément là l’emblème habituel de Sainte Anne. L’autre décorée de simples dessins géométriques, porte des "graffiti", caractéristiques du 8 ième siècle, où l’on peut encore déchiffrer des noms : ANTULFUS, ALIF (antus), ANSELMUS, ALBINUS, BERARDUS, qui sont incontestablement carlovingiens. L’histoire atteste, d’autre part, l’existence à Apt d’une communauté chrétienne dès les tout premiers siècles.

Son premier évêque Saint Auspice, y subit le martyre. Ses successeurs officièrent clandestinement dans une sorte de catacombe, qui est sans doute la crypte mise au jour au temps de Charlemagne.

Dès qu’elle fut révélée, de la façon que l’on sait, les pèlerins affluèrent vers le lieu où reposait la grand-mère du Christ. Papes et rois y vinrent en grande dévotion. Mais ce n’est qu’à la fin du 14 ième siècle que les reliques furent transférées dans une chapelle élevée en leur honneur, à côté du chœur de l’église. La cérémonie eut lieu le 21 avril 1392.

Elles prirent leur place définitive, le 28 juillet 1664, dans une autre chapelle construite aux frais d’Anne d’Autriche, et qui porte encore le nom de chapelle royale. Le grand pèlerinage à Sainte-Anne d’Apt a lieu le 26 juillet ».

De l’ouvrage « La Vierge Marie dans l’histoire de France », page 21 :

« L'authenticité du corps de Sainte Anne est reconnue et affirmée par plusieurs Bulles Pontificales, notamment par celles d'Adrien, de Benoît XII et de Clément VII. Ce dernier recommanda par Lettre du 30 octobre 1533 la restauration de l'Eglise Sainte Anne d'Apt "où reposent les corps de plusieurs saints et notamment celui de Sainte Anne Mère de la glorieuse Vierge Marie". Les saints dont il s'agit sont: Saint Auspice, Saint Castor, Sainte Marguerite, Saint Elzéar de Sabran et Sainte Dauphine de Signe son épouse. Le souterrain, qui conserva pendant plus de sept siècles le corps de Sainte Anne, est la seconde crypte de la basilique actuelle. La Reine Anne d'Autriche envoya à Apt une solennelle députation en pèlerinage pour obtenir un héritier pour la couronne. Elle y vint elle-même en pèlerinage avec une suite nombreuse, ordonna huit mille livres pour construire une chapelle plus digne des précieuses reliques, une statue de Sainte Anne en or et différents objets ornés de pierres précieuses. Ajoutons que les actes pontificaux relatent de très nombreux miracles. Le culte de Sainte Anne est très répandu en France, notamment en Bretagne où le pèlerinage de Sainte Anne d'Auray est célèbre. Il complète très logiquement celui de la Vierge Immaculée ».

 

 

De l’ouvrage « Les grands miracles de la dévotion », pages 59 et 60 :

La découverte du corps de Sainte Anne (vers l'an 90)

« Le corps de Sainte Anne avait été remis à l'église d'Apt (le martyrologe d'Apt mentionne cette translation). Le bienheureux Auspice, premier évêque de la ville, le cacha dans le mur de la crypte la plus basse, pour le préserver des profanations. Il y plaça devant, une lampe allumée, qui ne s'éteignit qu'en 792, date de sa découverte (elle brûla donc miraculeusement près de sept siècles !). Le Saint évêque et son entourage ayant disparu, personne ne se souvient de l'emplacement où reposait la mère de Marie.

Donc, en 792, Charlemagne étant dans la région pour repousser les derniers Sarrasins, fit reconsacrer la cathédrale par l'évêque Turpin, pour la purifier des sacrilèges commis par ces infidèles. Tandis qu'une foule immense assistait à cette solennité, un jeune homme prénommé Jean, âgé de 14 ans, aveugle, sourd et muet de naissance, fils du baron de Caseneuve, était présent dans le sanctuaire. Pendant quelques temps, on vit ce garçon sembler écouter un certain avertissement céleste. Bientôt il se leva, se rendit jusqu'aux degrés qui mènent au maître-autel, et se mit à faire des gestes comme s'il creusait le sol et enlevait les marches. Malgré les efforts des gardes, nul ne put le faire déplacer. Cependant, tous les assitants étant intrigués par son attitude, la poursuite de la cérémonie devint impossible et l'on décida de faire ce qu'il voulait.

On enleva les marches qui masquaient une porte fermée que l'on s'employa à enfoncer à grands coups de marteau. On vit alors une entrée et une descente d'escalier donnant accès à une grotte souterraine artistement travaillée. Jean marchait le premier et, quoique aveugle, il indiquait le chemin avecune telle sûreté, qu'on le sentait guidé par la Providence.

Etant parvenu ensuite davant un mur, il fit signe de creuser la terre à l'endroit qu'il signalait. On descendit enfin dans un souterain long et étroit où l'on fut ébloui par la clarté de la lampe miraculeuse qui s'éteignit aussitôt. Chose admirable : voilà que les yeux et les oreilles de l'enfant s'ouvrent tout à coup et que sa langue se délie. Il s'écrie : "Dans cette ouverture est le corps de Sainte Anne, mère de la Très Sainte Vierge, mère de Dieu !". Tous les assistants poussèrent alors des cris de joie. Charlemagne vivement ému, ordonna d'ouvrir la niche incrustée dans le mur. Aussitôt une odeur de baume se répandit et le dépôt sacré apparut, enfermé dans une caisse de cyprès enveloppée d'un voile précieux, et certifié par cette inscription : "Ici est le corps de la bienheureuse Anne, mère de la Vierge Marie". Le cercueil ouvert, une senteur suave se répandit dans les cryptes pour confirmer le miracle (ou, plutôt, la suite de miracles !). L'archevêque Turpin le fit embrasser à l'empereur et rendit grâce à Dieu, auteur de cette prodigieuse invention, qui avait voulu redonner à Apt son illustre protectrice. C'est à partir de ce jour que l'Eglise répandit des reliques de la sainte un peu partout dans le monde, mais l'essentiel s'y trouve encore et attend votre visite...si par bonheur, la porte se trouve ouverte ! ».

 

Analyse critique

Une autre date est souvent avancée quant à la découverte des reliques, postérieure à celle de 792. Il s’agit de l’année 801, dont il est intéressant de noter qu’au moins un vitrail en France, à ma connaissance, s’y réfère.

C’est un ensemble de quatre verrières (vitrail tableau) de l’église paroissiale Saint-Martin à Macquigny (02) retraçant les scènes de l'histoire de Sainte Anne, dont voici les inscriptions pour la baie qui nous intéresse : « DECOUVERTE DU CORPS DE STE ANNE DANS LA CATHEDRALE D'APT. 801 ; N.D. D'ESPINOY / 1141-1143 / ABBAYE ; DE HARDECOURT / 1220-1433 ; D'ESPINOIS / 15..-16..; DE LA FONS / 1615-1789 / SEIGNEURS DU FIEF DE HARDECOURT  » (armoiries identifiées, de l' abbaye de Bohéries et des trois familles seigneuriales citées, selon l’inventaire réalisé par Christiane Riboulleau en 1999, pour le service régional de l'inventaire de Picardie).

Cette date de 801 est également mentionnée dans l’ouvrage d’Anne Brassié « De Jérusalem à Auray ». On pourrait se dire à priori, pourquoi pas ? Est-ce plausible ?

J’avoue d’emblée réfuter la véracité d’une telle affirmation, pour la simple et bonne raison que le Pape Adrien I er est décédé le jour de la Nativité de Notre Seigneur, l’an 795. Comment Charlemagne aurait-il donc pu écrire une lettre au Pape Adrien, alors que ce dernier était déjà mort. C’est évident, la découverte des reliques n’a pu avoir eu lieu après 795, si l’on retient effectivement l’authenticité de la lettre mentionnée ci-dessus, ce à quoi j’adhère totalement.

Relevons enfin, qu’Anne Brassié nous rapporte dans son ouvrage le texte suivant, découvert par le Père Charland dans les vieux bréviaires de l’église d’Apt après l’hymne d’un office intitulé « Invention des reliques de Sainte Anne » [Rappelons-le à nouveau, « invention » vient du latin « invenire » qui signifie « trouver »]:

- extrait de l’ouvrage « Sainte Anne, de Jérusalem à Auray », page 59 :

« La Sainte Eglise d’Apt a toujours vénéré le corps de Sainte Anne, mère de la bienheureuse Vierge Marie, que d’après une antique tradition, les premiers fidèles ont apporté dans cette ville. Le bienheureux Auspice évêque, voulant le soustraire aux profanations de la guerre et de la persécution, le déposa avec soin dans une crypte souterraine jusqu’à l’arrivée à Apt du roi Charles ».

 

 

 

LA BASILIQUE SAINTE ANNE D'APT, ANCIENNE CATHEDRALE SAINTE MARIE

 

Sources principales : http://apt-cathedrale.com/Blog/?page_id=30


Plan de la Cathédrale d'Apt

Apt a été le siège d’un évêché, depuis les tous premiers siècles du christianisme jusqu’à sa suppression par le Concordat de 1801.

Saint Auspice est (considéré comme) le fondateur de la chrétienté à Apt.

Martyr au 3 ième siècle, la cathédrale actuelle est construite, d’après la tradition, sur l’emplacement où il fut enseveli.

Au 5 ième siècle, on connaît l’évêché d’Apt grâce aux textes de Saint Jean Cassien de Marseille, qui écrivit à la demande de Saint Castor, évêque d’Apt, les ‘ Institutions Cânobitiques ‘ afin de lui faire découvrir la vie monastique en Orient.

Une première église du 5 ième siècle fut détruite fin 8 ième siècle par les Sarrasins.

La cathédrale actuelle, commencée au 11 ième siècle ne sera achevée que vers la fin du 12 ième.

Elle est dédiée à Notre Dame de l’Assomption.

 

La façade

Elle est le résultat de trois époques différentes 13e, 14e et 18e où elle fut uniformisée. Dotée d’une porte d’un goût très classique, elle est surmontée de la Vierge de l’Assomption, patronne de l’église.

Vandalisée et fermée pendant la révolution, l’église fut réouverte au culte après le concordat en 1801. Le curé Beauchamp fera mettre une croix en fer sur la façade sur laquelle il sera posé en 1851 un Christ en fonte, provenant des Ateliers de Notre-Dame des Anges de Rustrel.

 

La crypte inférieure (4 ième siècle)

 

Crypte inférieure avec cippe épigraphique à la mémoire de Caïus Allius Celer, flamine d'Apta Julia

 

Premier sanctuaire qui se trouve au milieu de la ville romaine, elle servit de sépulture au moment des grandes invasions. On y voit une stèle avec des inscriptions latines.

 

 

Cancels carolingiens uniques, vestiges de la cathédrale détruite en 896

 

La crypte contient des niches dans lesquelles étaient placées, d’après la tradition, les reliques de Saint Auspice, de Saint Martian, Saint Castor et de Sainte Anne.

Dans le plafond, en réemploi, des dalles de chancel du 8 ième siècle qui se trouvaient dans l’église détruite au 10 ième siècle.

La crypte supérieure (11 ième siècle)

 

Crypte supérieure avec au centre l'autel monolithe provenant de l'ancienne cathédrale Saint-Pierre

Elle comporte un petit sanctuaire entouré d’un déambulatoire. De style roman, elle possède une voute en plein cintre et une abside cul de four.

Au 11 ième siècle, deux entrées latérales permettaient la circulation des fidèles et la vénération des reliques grâce aux arcades ébrasées vers le centre. Un escalier central a remplacé ces entrées.

Dans les arcades, le long du mur, des sarcophages du 13 ième siècle ont servi d’ossuaires pour les restes des chrétiens des siècles passés.

Un autel tabulaire du 8 ième siècle occupe le centre, il provient de l’église Saint Pierre (détruite).

 

L'église

Au moment de la construction (11 ième siècle), il n’y avait que deux nefs de trois travées, communiquant entre elles par de grandes arcades. Ces arcades se trouvent entre de très gros piliers, qui en vérité, sont les contreforts des deux nefs. On trouve les mêmes contreforts du côté Nord.

Les diverses transformations qu’ont subies cette nef et la façade Ouest de l’église, ne permettent pas de donner une figure exacte de ce qu’elle fut à l’époque romane.

Seule à conserver son caractère purement roman, la nef sud est couverte d’un berceau en plein cintre, soutenu par des doubleaux. Au départ de la voûte, une frise sculptée, composée de végétaux, la seule décoration sculptée de l’église, apparemment très dépouillée.

Plusieurs marches permettent d’accéder au sanctuaire.

L’abside sans décoration est séparée de la nef par un berceau transversal, où l’on retrouve la même frise. La fenêtre de l’abside a été bouchée par les constructions du 18 ième siècle.

Un autel en marbre blanc dont la sculpture est très influencée par le décor des sarcophages paléochrétiens.

 

La nef centrale

Ou Grand nef. De la nef romane primitive, on n’a rien conservé.

Seul le sanctuaire a gardé sa coupole octogonale sur trompes. Dans les trompes, symboles des évangélistes.

Le passage du plan barlong au plan carré se fait par deux arcades. La couverture de la nef, refaite au 18 ième siècle, a été surélevée de deux mètres pour permettre l’ouverture de grandes fenêtres.

A la même époque l’abside romane est détruite et remplacée par un grand chœur, dans lequel sont placées les stalles, réservées aux chanoines de « Chapitre ». Sur les murs du grand cœur, on peut voir 9 tableaux des frères Delpech, peintres aptésiens, représentant des scènes de la vie de la Vierge

Dans la fenêtre axiale du chœur, est installé le plus grand vitrail de la cathédrale. Il représente Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant Jésus (début 16 ième siècle). Cet ensemble « trinitaire » repose sur une fleur de lotus qui s’origine dans le flanc de Jessé (en bas et au centre). C’est le seul arbre de Jessé en l’honneur de Sainte Anne connu en France. Autour de ce groupe, un pape (sans doute Sixte IV) lève la main pour bénir.

Le sanctuaire a été décoré à la même époque. Le buffet d’orgue, les boiseries, les ferronneries des balcons, ainsi que l’autel majeur en marbre, don de l’évêque Mgr de Vaccon, sont du 18 ième siècle.

De chaque côté de l’arc triomphal, deux statues en bois doré (fin du 17 ième siècle) : Saint Roch et Saint Jérôme.

A gauche, en regardant le chœur, une Annonciation, copie 17 ième siècle d’un tableau de 15 ième siècle, se trouvant à Florence, dans l’église de l’Annonciade.

Les tableaux de la nef sont tous du milieu du 18 ième siècle et des frères Delpech. Ils représentent des scènes de la vie du Christ.

On trouve également dans l’église, sur le premier pilier de droite, en entrant, un tableau de Nicolas Mignard représentant Sainte Anne, Saint Joachim, La Vierge, Saint Joseph, l’Enfant Jésus et Saint Jean-Baptiste.

Sur le pilier de gauche, un ex-voto, don des Consuls de Villeneuve-Saint-André (Les Avignon) en remerciement à Sainte Anne pour son intervention lors de l’épidémie de peste au 17 ième siècle.

En face, un tableau de Lelong (17 ième siècle) représentant la Vierge portée par des anges venant prier sur la tombe de sa mère (Anne), entourée des saints Aptésiens.

 

La nef nord

Construite au 14 ième siècle siècle, elle est couverte sur croisée d’ogives, transformant ainsi les contreforts romans en gros piliers. Elle communique par les arcades avec la grand nef.

Aux 17 ième et 18 ième siècles, on a percé le mur nord pour construire des chapelles.

La chapelle « de la Vierge », du 17 ième siècle, est couverte d’une coupole ovale. On y trouve deux statues de la Vierge, l’une en bois doré, l’autre en marbre de Carrare, ainsi que le buste en marbre de Mgr de Cely, dernier évèque d’Apt.

La chapelle  de « Jean-Baptsite » contient un sarcophage (fin 4 ième siècle). Au centre, sur un pont, entre deux panneaux figurant le fleuve de la mort, le Christ est le « pontife », le « passeur ». Il est imberbe et tient en main la Croix, instrument de sa victoire sur le mal pour exprimer l’éternelle jeunesse de Ressuscité.

Un autel en bois est doré avec des médaillons peints par L’Aragon (début 17 ième siècle).

Sur le mur, une icône représentant Saint Jean-Baptiste, avec à ses pieds un chevalier de l’Ordre des Hospitaliers, rapportée de Rhodes par les chevaliers lors de la perte de l’île.

Au couchant, une grande fenêtre en rosace avec les armes des Simiane d’Agoult (début 15 ième siècle).

 

La Chapelle Sainte Anne

Elle se trouve à gauche en rentrant dans l’église. Construite au 17 ième siècle sur les plans de Royers de la Valfenière, elle sera achevée en 1664.

La nef carrée est surmontée d’une coupole au dessus de laquelle se trouve depuis 1876 une statue dorée de Sainte Anne tendant une main protectrice sur la ville dont elle est la patronne.

A l’intérieur, les 4 angles sont ornés de statues des Evangélistes. Sur le coté gauche de la nef se trouve un autel de marbre avec une statue représentant Sainte-Anne et Marie enfant (Benzoni, 1877). Elles sont entourées des 2 statues en marbre représentant les grandes figures d’Abraham et de David. Le coté droit est occupé par un monument aux morts de la guerre 1914-1918 ainsi que par un cânotaphe de la famille de Sabran.

Le chœur a gardé sa décoration baroque du 17 ième siècle : un grand fronton avec deux anges et un tableau de l’Assomption.

La  niche reliquaire est fermée par une lourde grille et par des volets peints (début 17 ième siècle), représentant la vie de sainte Anne et des Saint patrons de la paroisse. Cette niche contient les bustes et les coffres reliquaire de Sainte Anne, de Saint Auspice et de Saint Castor (répliques du 19 ième siècle), ainsi que plusieurs autres reliquaires.

 

Intérieur de la chapelle royale Sainte-Anne

Le trésor

Dans l’ancienne sacristie de la chapelle. Il comporte :

- divers objets précieux
- une chasse en émaux limousins du 12 ième siècle
- un tableau représentant l’enterrement de la bienheureuse Delphine (15 ième siècle)
- des chasubles brodées (17 ième siècle) offertes par Anne d’Autriche lors de sa venue à Apt en 1660
- deux pièces exceptionnelles :

Le célèbre « berceau » de Sainte-Anne : statue de Jésus enfant, en bois, or et argent, datant du XIVe siècle
Un tissu arabe de l’époque fatimide (11 ième siècle)

 

La Cathédrale, siège d'un évéché

Apt est un des plus anciens évêchés de la Province Ecclésiastique d’Aix. Au concile d’Arles de 314, l’évêque d’Apt était représenté par Romanus et Victor, prêtre et exorciste.

Par la suite les évêques eux-mêmes assistent à plusieurs conciles : en 439, Julius à Riez ; en 549, Clémentius à Orléans ; en 585, Pappus à Mâcon.

Suit la période sombre des vagues d’invasions successives qui déferlent sur la Provence.
Deux évêques très importants pour l’Eglise d’Apt :saint Etienne (11 ième siècle), qui fit reconstruire la cathédrale actuelle à la suite d’un voyage en Terre sainte ; et Hugues Bot, à qui on doit la nef du 14 ième siècle siècle.

Au XVIIe, Modeste de Villeneuve des Arcs entreprit la construction de la chapelle Sainte-Anne.

Jean de Gaillard, son successeur, en fit faire la décoration. Tous deux sont ensevelis dans le chœur de la chapelle.

Mgr de Gaillard a fait également reconstruire et décorer la chapelle Sainte-Catherine.
Jean Baptiste de Vaccon fonda pour les jeunes filles pauvres la maison de la Providence.
Le dernier évêque résidant à Apt fut Michel Eon de Cely, mort à Marseille le 6 décembre 1815.

Depuis le concordat de 1801, l’Evêché supprimé, Apt est rattaché à l’Archidiocèse d’Avignon.

 

Le vitrail de Sainte Anne des aptésiens 

Le Chapitre

Un chapitre entourait nos évêques dont la fonction était de prier et d’assurer la liturgie dans la cathédrale, dont il avait aussi la charge matérielle en finançant une partie des travaux et en assurant son entretien.

Le chapitre se composait de 12 chanoines, un prévôt, 13 clercs prébendiers.

Ce statut très particulier datait de 1277 à la suite de la réunion en la cathédrale Sainte-Marie des deux chapitres Saint-Pierre et Saint-Castor.

Les prêtres qui composaient le chapitre étaient très souvent des érudits licenciés en théologie, mais aussi en droit romain. Plusieurs furent évêques.

Le dernier nous est mieux connu, c’est Antoine Mery de la Canorgue, élu le 26 mai 1749 à la Prévôté.

Il exerça jusqu’à la Révolution et mourut en 1794.

 

Le culte

L’ancienne cathédrale d’Apt a été honorée du titre de Basilique Mineure en 1877, car elle possède des reliques de sainte Anne.

Sainte Anne est la patronne de la ville depuis 1373, où ce titre lui fut donné, après qu’elle est accordé sa protection à la ville au moment d’une épidémie de peste.

On la fête le dimanche qui suit le 26 juillet, jour de la fête de Sainte Anne et Saint Joachim, parents de la Vierge Marie.
La solennité du dimanche est précédée d’un triduum de prières les mercredi, jeudi et vendredi.

 

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6.10.4 L’apparition de Sainte Anne à Auray à Yves Nicolazic de 1623 à 1625

Du livret « Yves Nicolazic, le voyant de Sainte Anne » :

- extrait des pages 15 à 65 :

« Une nuit que Nicolazic, après une journée de travail, pensait à Sainte Anne, sa "bonne Patronne", comme il en avait l’habitude, sa chambre fut subitement éclairée d’une lumière très vive ; et au milieu de cette clarté merveilleuse, il aperçut distinctement une main isolée qui tenait un flambeau en cire.

Cette vision dura environ le temps de réciter deux Pater et deux Ave. Ceci se passa au commencement d’août 1623. Six semaines plus tard, un dimanche, une heure après le coucher du soleil, il jouit du même spectacle au champ du Bocenno.

Ces deux visions ne furent pas des phénomènes isolées : pendant quinze mois successifs, le même flambeau continua de briller auprès de lui. Toutes les fois qu’il s’en revenait tard au logis, il se voyait éclairé jusqu’à sa maison d’une chandelle de cire qui s’avançait à côté de lui sans que le vent en agitât la flamme, et sans qu’il vît autre chose que la main qui la tenait.

De ce prodige, qui se renouvela fréquemment, le bon Nicolazic ne savait que penser. Il en fut comme effrayé ; et pourtant, il l’a avoué lui-même plus tard, il éprouvait pendant ce temps je ne sais quelle suavité dans le cœur.

C’est que sa "bonne Patronne", sans qu’il en eût conscience encore, de plus en plus se rapprochait de lui. Un jour d’été, une heure environ après le coucher du soleil, son beau frère et lui étaient allés, à l’insu l’un de l’autre, chercher leurs bœufs dans un pré voisin de la fontaine ; avant de les ramener, ils voulurent les faire passer à l’abreuvoir.

Tout à coup, les bœufs comme épouvantés refusent obstinément d’avancer. Ces deux hommes surpris se rapprochent pour voir ce qui cause cet effroi. Voici le spectacle dont ils furent alors les témoins. Une dame majestueuse était devant eux, tournée vers la source ; son visage révèle "la gravité tendre de le plus haute des maternités" ; sa robe a la blancheur de la neige, et retombe avec grâce ; à la main elle porte un flambeau allumé ; ses pieds reposent sur un nuage. L’auréole qui l’entoure charme le regard sans l’éblouir, et jette tout autour un tel rayonnement que le paysage tout entier en est éclairé comme en plein jour. A cette vue, le premier mouvement des deux laboureurs fut de s’enfuir ; puis bientôt se ravisant, ils voulurent se rendre compte du phénomène et revinrent sur leurs pas ; mais l’auréole, le flambeau, la dame, tout avait disparu. Qu’était-ce que cette Dame mystérieuse qui n’avait pas parlé ? Et ce n’est pas une fois seulement qu’elle se montra au laboureur ; il la revit encore souvent, en divers endroits, tantôt près de cette même fontaine, tantôt en sa maison, en sa grange, ou en d’autres endroits : elle avait chaque fois la même attitude, la même majesté, le même vêtement lumineux mais toujours elle ne disait pas sn nom.

Nicolazic inquiet

Qui donc était-ce que cette blanche apparition et voulait-elle ? Nicolazic crut d’abord que c’était l’âme de sa mère, décédée depuis peu, qui venait réclamer le secours de ses prières. Pour éclaire ses doutes, il alla trouver un capucin d’Auray, le P. Modeste, et lui exposa en confession les choses extraordinaires qui depuis quelque temps le troublaient. Mais le confesseur garda une prudente réserve : l’Apparition venait-elle du purgatoire ? Peut-être aussi conseilla-t-il à Nicolazic de faire dire des messes et des services pour sa mère. Peut être aussi venait-elle de l’enfer ?

Le religieux savait que les illusions diaboliques ne sont pas rares, et qu’elles peuvent engager des âmes simples dans des voies dangereuses : aussi recommanda-t-il au paysan de se tenir en la grâce de Dieu pour ne pas être victime des embûches du démon. Sans doute elle pouvait venir aussi du ciel ; la sincérité de son pénitent ne faisait pas de doute pour le religieux ; et, d’autre part, ce n’est pas une chose inouïe dans l’Eglise que Dieu se serve d’humbles personnages pour être les instruments de ses grands desseins. Le confesseur embarrassé ne put donner aucune réponse précise. Priez, dit-il à son pénitent ; demandez à Dieu de nous éclairer, vous et moi ; et ayez confiance. Nicolazic se conforma à ces sages conseils, et Dieu le récompensa. Sortant de son long silence, l’Apparition allait enfin se révéler, et lui faire une communication qu’il était désormais préparé à entendre.

Nicolazic rassuré

Le 25 de l’année suivante, veille de la fête de Sainte Anne, Nicolazic s’était rendu à Auray sans doute pour se confesser, car il avait l’habitude de communier tous les dimanches et les fêtes gardées. Quand il reprit le chemin de son village, il était déjà tard, et la nuit était close ; comme d’habitude il avait son chapelet à la main.

Au moment où il passait auprès de la croix qui porte son nom, la Dame mystérieuse lui apparut soudain ; la vision ne différait pas des précédentes : c’était toujours le même visage grave et doux, la même attitude, et la même lumière. Mais cette fois elle parla. Elle appela Yves Nicolazic par son nom, et lui dit quelques paroles très douces comme pour dissiper ses craintes. Puis elle prit la direction du village.

Le flambeau qu’elle portait à la main éclairait l’obscurité, et le nuage sur lequel elle se tenait debout était comme le véhicule qui la faisait avancer. Nicolazic sans hésitation et sans peur s’engagea après elle dans le chemin creux. Il allèrent ainsi ensemble jusqu’aux maisons, elle tenant son flambeau, lui égrenant son chapelet.     

A l’approche de la ferme, brusquement la Dame mystérieuse s’éleva en l’air et disparut. Jusqu’ici aucune apparition n’avait duré aussi longtemps, et jamais Nicolazic n’avait été encore aussi profondément impressionné.

Rentré chez lui, il ne put rien manger ; à sa femme et à ses domestiques qui l’avaient attendu pour se mettre à table, il adressa à peine quelques courtes paroles : et bientôt, comme un homme préoccupé, il voulut être seul. Il se retira dans sa grange, sous prétexte d’y garder pendant la nuit le seigle battu les jours précédents. C’était une chose connue de tous que les murs de cette grange avaient été bâtis avec les pierres de l’ancienne chapelle.

Il se jeta tout habillé sur un lit de paille, mais il ne put dormir. Absorbé par les réflexions diverses que faisait naître en lui tout ce qu’il avait vu et entendu, il récitait son rosaire : tout à coup, sur les onze heures, il crut entendre un bruit confus dans le chemin qui avoisinait la grange. On eut dit une grande multitude en marche.   Il voulut se rendre compte de ces rumeurs. Il se lève vivement, ouvre la porte, et regarde. Il écoute : ni près de la grange ni sur la route, il n’y avait personne. Le village tout entier reposait, et la campagne au loin était silencieuse. Il demeure stupéfait et la peur le saisit. Son premier mouvement est de supplier Dieu qu’il ait enfin pitié de lui. Puis, reprenant son chapelet, il le récite en produisant dans le fond de son cœur des actes de confiance en Sainte Anne, dont la pensée ne l’abandonne jamais. Pendant qu’il se rassure ainsi par la prière, soudain une vive clarté remplit la grange, et dans cette lumineuse auréole apparaît la Dame plus resplendissante que jamais. La crainte s’empare de lui tout d’abord, mais elle s’évanouit aux premières paroles que l’Apparition fit entendre. L’Apparition disait : "Yves Nicolazic, ne craignez pas : je suis Anne, mère de Marie. Dites à votre recteur que la pièce de terre appelée Bocenno, il y a eu autrefois, même avant qu’il y eût aucun village, une chapelle dédiée en mon nom. C’était la première de tout le pays. Il y avait 924 ans et 6 mois qu’elle est ruinée. Je désire qu’elle soit rebâtie au plus tôt, et que vous en preniez soin, parce que Dieu veut que j’y sois honorée". Cette révélation faite, Sainte Anne disparut, et le Voyant resta seul. Eclairé et rassuré par des déclarations qui mettaient fin à de longues perplexités, et sachant désormais à qui il avait affaire, le cœur dilaté et attendri, il s’endormit tranquillement. C’est donc le 25 juillet 1624 que Nicolazic reçut le mandat qui devait faire de lui le créateur du Pèlerinage. Ce mandat, il l’accomplira ; mais au prix de quelles épreuves et à la suite de quelles hésitations ! Il ne suffisait pas en effet d’avoir reçu une mission, il restait encore à la faire reconnaître par l’Eglise, qui seule a qualité pour interpréter les paroles de Dieu.

Les épreuves du voyant

Nicolazic s’était endormi plein de joie et très décidé d’agir. Mais la nuit ne lui porta pas conseil. En se réveillant le lendemain, il se laissa à aller réfléchir aux difficultés de sa mission, et peu à peu il vit se dresser devant son imagination un amoncellement d’obstacles dont il ne pourrait sans doute jamais triompher ; et le découragement s’empara de son esprit. Quel accueil recevrait-il du Recteur, à qui on lui commandait de transmettre un message aussi étrange ? Que penserait-on, en le voyant, lui le pauvre paysan, entreprendre une œuvre aussi considérable ? Il serait la risée de tout le monde. Ne passerait-il pas aux yeux des prêtres et des voisins pour un visionnaire et peut être même pour un imposteur ? Il ne se croyait pas le droit d’exposer ainsi sa réputation de sagesse et d’honnêteté aux risques d’une affaire aventureuse. Et puis, où trouver de l’argent ? Du reste, dans cette apparition, n’avait-il pas été victime d’une illusion du démon ? Toutefois ces objections qu’il se faisait à lui-même n’arrivaient plus à le convaincre. Aussi, partagé sans cesse entre deux résolutions contraires, il ne goûtait aucune joie, et il fuyait toute compagnie, ne voulant faire confidence à personne de ses peines et remords. Cela dura ainsi longtemps. Au bout de six semaines, Sainte Anne eut pitié de sa faiblesse. Elle se présenta à son messager ; et, tout en lui faisant sentir qu’il désobéissait, elle le consola et dissipa ses craintes : "Ne craignez-point, Nicolazic, et ne vous mettez pas en peine. Découvrez à votre Recteur en confession ce que vous aurez vu et entendu ; et ne tardez plus à m’obéir". Ces encouragements lui communiquèrent une force nouvelle ; et, dès le lendemain matin, il était en route pour le presbytère. Les prêtres, quand on vient leur parler de visions et de révélations, gardent toujours une sage réserve, et, par tempérament autant que par devoir, ils demeurent défiants jusqu’à ce qu’on leur apporte des preuves convaincantes de l’intervention divine. Quant au Recteur de Pluneret, - Sylvestre Rodoué, - il était connu pour être un homme particulièrement rude. Le paysan qui venait le trouver était incontestablement le chrétien le plus honorable de sa paroisse, le Recteur le savait ; et pourtant, lorsqu’il l’entendit exposer toute la série de ses visions et le massage dont il se disait chargé, le Recteur ne voulut pas le prendre au sérieux : il crut qu’il avait affaire à un malade, et il le traita en conséquence. Il se moque de ce qu’il appelle des extravagances, s’étonne qu’un homme jusqu’alors aussi judicieux s’arrête à de telles rêveries, et essaie de lui faire comprendre à quels dangers il expose son âme. Pour finir, il lui interdit, de la façon la plus expresse, d’ajouter foi désormais à ces apparitions. Toutefois il ne mit pas en doute la sincérité de son paroissien, puisque ce jour-là même il lui permit de communier. La visite que sa ‘bonne Patronne’ lui avait commandé de faire était faite, et Nicolazic avait la conscience en repos de ce côté : mais l’accueil qu’il avait reçu justifiait ainsi toutes ses appréhensions, et même les renouvelait. En quittant le bourg pour rentrer à Ker-Anna, son cœur était rempli d’amertume, et il se trouvait plus découragé que jamais. Que faire donc ? Et comment sortir de cette impasse ? Dès la nuit suivante, Sainte Anne vint rassurer son messager : "Ne vous souciez pas, dit-elle, de ce que diront les hommes ; accomplissez ce que je vous ai dit, et pour le reste reposez-vous sur moi". Ces douces paroles pacifièrent son esprit ; fortifié par cette nouvelle visite, allait-il enfin se mettre à l’œuvre immédiatement ? Non, pas encore, car ses irrésolutions le reprirent bien vite ? La pensée qu’il allait se donner en public comme un personnage chargé d’une mission divine, effrayait son humilité ; et cette crainte est une des formes les plus dangereuses que puisse prendre le respect humain pour affaiblir les âmes saintes et les empêcher d’agir. Toutes les objections qu’il s’était déjà faites à lui-même se représentaient à son esprit avec une nouvelle force, depuis qu’elles avaient été formulées par son Recteur. Il avait beau réfléchir, il avait beau prier, il ne réussissait pas à surmonter ses peines et à sortir de ses incertitudes. Cette crise, au cours de laquelle Nicolazic souffrit plus qu’on ne saurait penser, dura sept longues semaines. Au bout de ce temps, Sainte Anne vint mettre un terme à ses souffrances et à ses perplexités : "Consolez-vous, Nicolazic lui dit-elle, l’heure viendra bientôt en laquelle ce que je vous ai dit s’accomplira". La voix de la Sainte était si douce et si maternelle que Nicolazic s’en trouva tout réconforté ; et il ne craignit pas de lui dire, en toute simplicité, les difficultés qui l’empêchaient d’accomplir ses ordres : "Mon Dieu, ma bonne Patronne, vous savez les difficultés qu’y apporte notre Recteur, et les reproches honteux qu’il m’a faits, quand je lui ai parlé de votre partEt puis je n’ai point de moyens suffisants pour bâtir une chapelle, encore que je sois très aise d’y employer tout mon bienMais après tout, me voilà disposé à faire tout ce que vous désirez de moi". "Ne vous mettez pas en peine, mon bon Nicolazic ; je vous donnerai de quoi commencer l’ouvrage, et jamais rien ne manquera pour l’accomplir. Je vous assure que Dieu y étant bien servi, je fournirai abondamment ce qui sera nécessaire son seulement pour l’achever, mais aussi pour faire bien d’autres choses au grand étonnement de tout le monde. Ne craignez pas de l’entreprendre au plus tôt". Sainte Anne, après avoir ainsi répondu à toutes les préoccupations de son mandataire, disparut, le laissant tout consolé et définitivement affermi. Ce n’est pas la seule fois que sa bonne Patronne vint le réconforter ainsi et, au cours des fréquents entretiens qu’elle eut avec lui, elle fit cette déclaration mémorable : "J’ai choisi ce lieu, par inclination, pour y être honorée". Pour le rassurer contre la faiblesse de ses ressources, elle ajouta : "Tous les trésors du ciel sont en mes mains". On croirait, après des révélations si précises et de promesses si formelles, que, toute raison de différer ayant désormais disparu, la chapelle allait se construire sans délai ! Cependant quatre mois s’écoulèrent encore, et presque tout l’hiver se passa avant que rien se fit. Du reste, de toutes les enquêtes qui ont été faites depuis, il résulte à l’évidence que toutes les merveilles accomplies, pendant cette période de temps, ont eu pour but spécial d’attirer l’attention sur le champ mystérieux du Bocenno. Vers la fin de l’été, comme Nicolazic était occupé à charroyer du mil, au clair de lune, il vit une pluie d’étoiles qui tombaient dans l’espace compris entre le Bocenno et sa maison. Il ne fut pas le seul témoin des merveilles qui pronostiquaient le choix que Sainte Anne avait fait de ce lieu. Un soir, trois personnes de Pluvigner revenant du marché d’Auray, vers les neuf heures, virent dans le même endroit descendre du ciel une dame mystérieuse, vêtue de blanc, au milieu d’une clarté resplendissante, ayant auprès d’elle deux flambeaux allumés. Mais voici une faveur plus extraordinaire encore. A plusieurs reprises, Nicolazic fut transporté sans savoir comment, pendant la nuit, de sa maison jusqu’à l’emplacement-même de l’ancienne chapelle et là, pendant que la lumière qui sortait du milieu des ruines éclairait tout l’espace jusqu’au village, il entendait, en des extases qui duraient parfois plusieurs heures, des chants si mélodieux qu’il se croyait parmi les chœurs des anges, et il y savourait un avant-goût des délices du Paradis.

La grande semaine

La plus importante des extases de Nicolazic fut celle du lundi 3 mars 1625.

Lundi 3 mars

Sainte Anne y intervient en personne, et elle s’y montra avec plus de solennité que d’habitude : non seulement elle était entourée de lumière comme toujours, des chants angéliques retentissaient aussi dans le cortège invisible dont elle était accompagnée. Elle venait prononcer cette fois-ci les paroles décisives. Elle ne se borna pas à rappeler, avec la même précision, les révélations qu’elle avait déjà faites. Elle dit que "le temps des délais était définitivement terminé. Nicolazic devait retourner immédiatement chez son Recteur, et lui déclarer, se sa part à elle, qu’elle voulait une chapelle à l’endroit désigné et dont elle entendait reprendre possession. Du reste, ajouta-t-elle, on aura des preuves indéniables de la mission que je vous impose". Et entre autres choses, elle spécifia que dans quelques jours une lumière viendrait indiquer l’endroit du champ où se trouvait enterrée son ancienne image. Elle recommanda enfin à son messager de raconter tout ceci à quelques personnes honorables se sa connaissance qui l’assisteraient de leurs conseils : ils lui serviraient plus tard de témoins. Cette extase dura trois heures. La remarque en fut faite à Nicolazic par sa sœur qui lui demanda à son retour la raison de sa longue absence. Nicolazic, qui s’imaginait n’être demeuré dehors qu’une petite demi-heure, ne répondit rien et se retira dans sa chambre.

Le mardi 4

Le lendemain, il prit résolument le chemin du presbytère ; mais il ne voulut pas y aller seul ; il avait prié Julien Lézulit, marguillier de la paroisse, de l’accompagner. Serait-il mieux reçu que la première fois ? Le Recteur consentirait-il, cette fois-ci, à accepter le message qu’on lui transmettait ? En tout cas, le messager aura fait son devoir, et délivré sa conscience. Hélas ! Le Recteur n’avait pas changé d’avis, il ne se montra pas plus accueillant qu’à la première entrevue. Nicolazic lui fit connaître que Sainte Anne lui était apparue de nouveau ; et de sa part, il venait encore aujourd’hui réclamer qu’on bâtit une chapelle au Bocenno. La réponse de Dom Rodoué fut rude et même brutale : "Vous vous faites du tort, Nicolazic, lui dit-il, et vous en faites aussi à votre famille, en vous laissant aller à ces imaginations ridicules. On vous regardait jusqu’ici comme un homme sensé ; que va-t-on penser de vous désormais ? On pourra dire que la folie est entrée dans votre maison". Puis, de plus en plus excité, soit par feinte, soit par humeur réelle, il s’emporta jusqu’aux menaces : "Si vous ne renoncez à ces rêveries, je vous interdirai l’entrée de l’église et l’usage des sacrements ; et si mourez en cet état, vous ne serez pas enterré comme un chrétien". Nicolazic garda le silence, il se retira avec son mai Lézulit. Il n’était nullement déconcerté, car il savait à n’en pas douter, sur les promesses formelles de Sainte Anne, que la chapelle se bâtirait. Mais il était triste. Nicolazic avait exécuté la première partie de son mandat, il avait parlé au Recteur ; il lui restait une autre démarche à faire, et à se mettre en rapport avec quelques hommes de bon conseil.

Le jeudi 6

Le premier qu’il consulta, ce fut un prêtre de ses amis, dom Yves Richard. Celui-ci, embarrassé lui-même, et sachant ce qui s’était passé au presbytère de Pluneret, fut d’avis que l’on consultât sur cette délicate affaire M. de Kermadio. M. de Kermadio, gentilhomme campagnard, excellent chrétien et très familier avec les paysans, habitait non loin du bourg. Ils allèrent donc de compagnie jusqu’à son château. Là Nicolazic raconta longuement et dans les plus grands détails ce qui lui été arrivé depuis trois ans. Il dit non seulement ses révélations, mais encore ses troubles d’esprit et les objections qu’il se faisait à lui-même.    Il avait craint d’abord que le démon ne voulût abuser de sa simplicité ; et puis vraiment, il ne s’estimait pas digne de recevoir une telle mission céleste. Néanmoins, sur les insistances pressantes de Sainte Anne, il s’était décidé à faire deux démarches auprès du Recteur. Et maintenant, ajouta-t-il, pour obéir à la Sainte qui m’a recommandé d’en parler à quelques personnes prudentes, je viens vous consulter vous-même, et je vous prie de me donner un bon conseil. M. de Kermadio approuva la conduite de Nicolazic ; mais, lui dit-il, moi je ne suis pas compétent dans ces questions spirituelles. Allez donc consulter, tout près d’ici, les Pères Capucins d’Auray. Sans doute vous trouverez auprès d’eux les lumières que vous cherchez et que je ne puis vous fournir moi-même. Je vous donnerai pourtant un avis - quand vous verrez de nouveaux prodiges, surtout quand il s’agira de trouver l’image dont l’Apparition vous a parlé, prenez avec vous quelques-uns de vos voisins, dont le témoignage vous sera très utile. Et puis, continuez à prier Dieu ; ne vous laissez point abattre par le parti pris ni les contradictions qui pourraient encore survenir. Nicolazic retourna chez lui tout consolé, et voyant de plus en plus clair dans sa situation par suite des sages paroles qu’il avait entendues.

La nuit du 6 au 7

La nuit suivante, Sainte Anne vint encore ajouter à son assurance et à sa confiance ; mais en même temps elle fit entendre que c’est bien à lui qu’elle donne mission de construire la chapelle ; du reste, affirmait- elle, rien ne vous manquera pour cette œuvre, car on viendra de partout à votre aide. A quoi Nicolazic répartit avec une simplicité pleine de respect : "Faites donc quelque miracle, ma bonne Patronne, qui fasse voir à mon Recteur et aux autres que vous voulez effectivement que l’on y travaille". "Allez, dit-elle, confiez-vous en Dieu et en moi ; vous en verrez bientôt en abondance, et l’affluence du monde qui me viendra honorer en ce lieu sera le plus grand miracle de tous". Ayant été ainsi mis en demeure de commencer les travaux, il se prit à réfléchir aux moyens d’exécution ; et au cours de ses méditations, l’idée lui vint d’engager ou même de vendre tout son bien, afin d’avoir les ressources qui lui manquaient. Mais Sainte Anne n’exigeait pas de lui ce sacrifice.

Le vendredi 7

Le lendemain matin, vendredi 7 mars, Guillemette Le Roux, sa femme, trouva à son réveil, sur la table de sa chambre douze quarts d’écus déposés en trois piles. D’où venait cet argent ? Il n’y avait pas de quart d’écus en ce moment dans leur maison ; et d’autre part elle avait la certitude que personne du dehors n’était entré chez elle. Elle courut donc montrer les pièces d’argent à son mari, qui couchait dans la chambre voisine. Nicolazic ne douta pas que ce don ne fût la première avance que Sainte Anne lui faisait pour commencer les travaux. Toutefois, il ne voulut pas y toucher, il dit à sa femme de remettre ces pièces à la même place et dans la même disposition où elle les avait trouvées ; et puis, fidèle à l’avis qu’il avait reçu de M. de Kermadio, il voulut avoir un témoin, et fit appeler Lézulit. Après les avoir montrées à son ami, il les noua dans un mouchoir, et tous les deux partirent pour le presbytère. Dom Rodoué était absent ; ils ne trouvèrent au presbytère que dom Le Thominec, son vicaire, qui ne les reçut pas mieux que le Recteur. Le vicaire adressa de durs reproches à Nicolazic, et il alla jusqu’à l’accuser d’avoir supposé ces pièces d’argent. Déconcertés, les deux villageois se rendirent à Auray. A leur arrivée, ils rencontrèrent M. Cadio de Kerloguen. Ce vieillard, qui était le propriétaire foncier de Nicolazic, était assis à sa porte ; et les deux paysans s’arrêtèrent pour causer avec lui. Nicolazic en profita pour lui montrer les douze quarts d’écus, lui fit en quelques mots le récit des apparitions, lui parla de la chapelle qui devait se bâtir dans son champ de Bocenno, et de l’image qu’on y découvrirait bientôt. "Ah ! S’écria M. de Kerloguen, si l’on construit une chapelle en cet endroit, je donnerai le terrain. Mais pour ce qui concerne l’image, ajouta-t-il judicieusement, ayez soin de prendre des témoins, et des témoins dignes de foi". Ainsi l’accueil que le Voyant reçut des deux laïques, de M. de Kermadio et de M. de Kerloguen, fut très bienveillant, et plus encourageant que celui des prêtres de la paroisse. Voyons maintenant celui qu’il recevra des Pères Capucins. Il y avait dans ce couvent, nouvellement fondé, des religieux d’élite : ils accueillirent Nicolazic avec bonté ; mais avant de lui répondre, ils le soumirent à un examen rigoureux, sans se laisser influencer par la sympathie qu’ils avaient pour sa personne. Chacun d’eux lui posa des questions à son tour ; et après deux heures s’en trouva tellement épuisé que l’on dut mettre fin aux questions. Les religieux lui formulèrent alors leur avis. Sur les apparitions, ils refusaient de se prononcer, dans un sens ou dans un autre : question très délicate. Sur le projet de construire une chapelle, ils concluaient nettement contre son opportunité, comme le Recteur. Ainsi, bien qu’ils eussent réservé leur jugement sur les visions, en pratique la réponse des religieux concordait avec celle du clergé paroissial. Cette réponse déconcerta Nicolazic, qui ne s’expliquait pas comment des hommes, aussi savants et aussi pieux, ne voulussent pas croire à des révélations qui pour lui ne faisaient pas le moindre doute. Il était surtout peiné qu’on ne voulût pas construire une chapelle que Sainte Anne ne cessait de lui réclamer. Que faire donc pour satisfaire la Sainte, et à quoi se résoudre ? Le pauvre Nicolazic en pleurait. Pourtant, malgré son affliction, il n’en demeurait pas moins inébranlable dans sa confiance : les hommes lui refusant son approbation, il savait que le ciel interviendrait bientôt. Sainte Anne ne lui avait-elle pas promis de lui faire découvrir, sans tarder une statue enfouie dans le champ du Bocenno ? Quand ils arrivèrent le soir à l’entrée du village, l’âme de Nicolazic était quelque peu rassérénée. Lézulit partageait les espérances de son ami. Et surtout, lui dit-il en le quittant, n’oubliez pas de m’appeler pour assister au prodige. Nicolazic le lui promit.  

La découverte de la statue

Dans la nuit du 7 au 8, vers onze heures, ses domestiques veillaient encore dans la pièce voisine, Nicolazic récitait comme d’habitude son chapelet en attendant le sommeil.

Soudain sa chambre se trouve toute éclairée comme elle l’avait été si souvent ; sur la table apparaît un cierge dont la flamme brillait d’un éclair très vif ; et la Sainte se montrant aussitôt, arrête sur son messager un regard plein de douceur : l’heure attendue était arrivée. Sainte Anne dit d’une voix agréable et engageante : "Yves Nicolazic, appelez vos voisins, comme on vous l’a conseillé, menez-les avec vous au lieu où ce flambeau vous conduira, vous trouverez l’image qui vous mettra à couvert du monde, lequel connaîtra enfin la vérité de ce que je vous ai promis".

Après ces paroles, Sainte Anne disparaît, mais la lumière reste. Nicolazic, l’âme toute à la joie, se lève et s’habille à la lueur du flambeau qui semble l’attendre. Quand il se dispose à sortir, le flambeau marche devant lui ; quand il arrive dehors, le flambeau lui-même l’a précédé. Il était déjà en route vers le Bocenno, quand tout à coup, se ravisant, le paysan se rappelle qu’on lui a dit de prendre des témoins. Il retourne donc sur ses pas, rentre chez lui, appelle son beau frère Louis Le Roux qui veillait encore, et lui commande de se munir d’une tranche. Puis tous deux, ils se mettent en mesure d’aller chercher des voisins : Jacques Lucas, François Le Bléavec, Jean Tanguy et Julien Lézulit. Tous s’empressèrent de répondre à cet appel. Cependant le flambeau brillait toujours, à la même place, et les beaux-frères ne tardèrent pas à le rejoindre. Les autres arrivaient aussi par derrière, pressés de voir eux-mêmes le cierge mystérieux. Où donc est-il ? Demandèrent les quatre paysans. Nicolazic le montra du doigt : deux d’entre eux l’aperçurent aussitôt ; les deux autres ne le virent point. Plus tard on sut pourquoi, et ce sont eux-mêmes qui en ont avoué la cause : ils n’étaient pas en état de grâce !

"Allons, mes amis, dit Nicolazic, extasié de joie, allons où Dieu et Madame Sainte Anne nous conduiront". Le flambeau se mit alors en mouvement. Il allait en avant, à la distance de quinze pas environ, et à trois pieds d’élévation au-dessus du sol. Le chemin qu’il prit était le voie charretière qui conduisait du village à la fontaine ; et les paysans suivaient, heureux et pleins d’espoir comme jadis les Mages guidés par l’étoile. Arrivé en face du Bocenno, le flambeau sort du chemin, pénètre dans le champ, et se dirige, par-dessus le blé en herbe, jusqu’à l’endroit de l’ancienne chapelle. Là, il s’arrête. Les paysans, qui ont toujours les yeux sur lui, le voient alors s’élever et redescendre par trois fois, comme pour attirer leur attention sur cet emplacement, puis disparaître dans le sol. Nicolazic, qui observait tous ces mouvements, se précipita le premier jusqu’à l’endroit où s’était évanouie la lumière, et, mettant le pied dessus, il dit à son beau-frère de creuser là. Louis Le Roux, qui portait la tranche, n’eut pas plus tôt donné cinq ou six coups dans la terre meuble des sillons, qu’on entendit sous le choc de l’instrument résonner une pièce de bois qui s’y trouvait enfouie. Tous eurent immédiatement l’intuition que c’était l’image qu’ils cherchaient.

Comme ils se trouvaient dans l’obscurité, Nicolazic commanda à l’un deux d’aller vite chercher de la lumière : "Prenez, lui dit-il, le cierge bénit de la Chandeleur, avec un tison pour l’allumer". Ce qui fut fait. Alors tous se mirent à l’œuvre, et ils ne tardèrent pas à retirer du sol la vieille statue toute défigurée, qui gisait là depuis 900 ans. Après l’avoir considérée pendant quelques instants, ils l’adossèrent avec respect contre le talus voisin et se retirèrent, surpris et heureux à la fois, en se promettant bien de revenir la voir plus à loisir quand il ferait jour.

Nicolazic enfin au comble de ses vœux, croyait-il, ne se possédait pas de joie. Au lever du jour, il revint de très bonne heure au Bocenno, accompagné de son ami Lézulit, qu’il était allé chercher lui-même. Tous deux examinèrent assez longuement l’objet qu’ils avaient déterré : c’était bien une statue, très endommagée par ce long séjour en terre humide et rongée aux extrémités, mais néanmoins conservant quelques traits assez frustes et des ombres de couleur ».                

 

Lieu de découcerte de la statue de Sainte-Anne le 7 mars 1625 à l'intérieur de la Basilique d'Auray

 

Nouvelles difficultés

Pendant que les habitants de Ker-Anna venaient voir eux-mêmes, avec les autres témoins, l’image qui avait été trouvée pendant la nuit, les deux hommes refirent le même voyage que la veille, en se disant que, cette fois-ci du moins, on ne refuserait pas de les croire, puisqu’ils apportaient une preuve décisive de la volonté de Dieu. Nicolazic montra au Recteur les pièces d’argent que celui-ci n’avait pas encore vues et lui raconta en détail la découverte qu’il venait de faire dans son champ devant témoins. Nous étions six, lui dit-il, et Lézulit ici présent avec nous. Lézulit, prenant la parole à son tour, confirma le récit de Nicolazic. Messire Rodoué les écouta l’un et l’autre. Que pensait-il au fond de tous ces évènements ?...Toujours est-il qu’il se montra incrédule ; il fut même plus intraitable que jamais, il alla jusqu’à qualifier Nicolazic d’hypocrite ou d’imposteur. "Les pièces d’argent, disait-il, c’est vous qui les avez supposées ; et quant au morceau de bois pourri que vous avez trouvé en terre, qu’est-ce que cela prouve, et que voulez-vous que j’en fasse ? C’est le diable qui est en tout cela". Dom Le Thominec, faisant écho aux invectives du Recteur, ajouta qu’il fallait être sot ou un fou pour accepter de telles extravagances. Il n’y a rien à faire ici, se dit Nicolazic. Et il se retira respectueusement sans rien répliquer. Les deux paysans alors, continuant leur chemin jusqu’à Auray, se rendent chez M. de Kerloguen. Nicolazic trouvait opportun d’aller annoncer la découverte au seigneur de sa tenue qui lui avait promis, le jour précédent, de fournir l’emplacement de la chapelle. M. de Kerloguen fut très ému de cette nouvelle mais, apprenant la façon dont les deux paysans avaient été conduits par le Recteur de Pluneret, il voulut que les Pères Capucins, qui avaient gardé la veille une réserve déconcertante, eussent eux-mêmes connaissance du nouveau fait.    Ceux-ci écoutèrent mais ils ne changèrent pas leur manière de voir, à leur avis, il n’y avait toujours pas lieu de bâtir une chapelle. Au retour, et avant de rentrer chez eux, les deux amis voulurent revoir l’image plus à loisir, et ils passèrent par le Bocenno. Il y avait là en ce moment un grand nombre de personnes, entre autres deux prêtres venus tout exprès, dom Yves Richard, qui était du village, et dom Mazur, aumônier de la flotte royale qui avait relâché depuis peu dans les eaux du Morbihan. Là se trouvaient aussi deux religieux Capucins que le hasard seul semblait y avoir amenés. L’objet qui attirait l’attention de tous était la Statue : et maintenant qu’on l’avait nettoyée et lavée, il était facile de reconnaître encore sur elle, quoique les extrémités en fussent détériorés par un long séjour dans le sol, les plis de sa robe, et même, chose étonnante, des couleurs "blanc et azur". Elle mesurait environ trois pieds de haut et elle était faite d’un bois très dur. Les deux paysans la mirent debout sur le talus, et se retirèrent. Cette journée du 8 mars avait été pour Nicolazic très fatigante comme la veille ; et en somme, malgré le miracle de la nuit précédente, il ne semblait guère plus avancé dans ses projets. Et, maintenant que les Pères Capucins s’étaient déclarés, eux aussi, contre la construction d’une chapelle, il avait bien conscience que l’opposition du Recteur serait plus invincible que jamais. Un évènement, qui se produisit le lendemain, parut d’abord manifester que le ciel à son tour se déclarait contre lui. Ce jour-là, la foule accourue au lieu du prodige était encore bien plus nombreuse que la veille, c’était le dimanche. Nicolazic se dirigeait lui-même vers le Bocenno, tout en devisant avec Le Pélicart son voisin, à qui, il racontait ses mésaventures et qui le consolait quand tout à coup il entendit crier ‘au feu’ derrière lui. Il se retourne, revient précipitamment sur ses pas : sa grange tout entière est en flammes. On accourt, on travaille à éteindre l’incendie, on jette de l’eau en abondance. Mais on a beau faire, l’édifice est consumé en un clin d’œil. L’accident fut diversement interprété dans la foule ; quelques-uns y virent une punition du ciel. Mais les autres, en y regardant de près, furent bien obligés de convenir que c’était plutôt un nouveau miracle. Le feu avait agi si activement en effet, et d’une manière si intense, que les pierres elles-mêmes étaient brûlées. Mais, d’autre part, il avait complètement respecté deux meules de blé, qui se trouvaient tout près de la grange et dans la direction où soufflait le vent. Tous les objets à l’intérieur étaient demeurés intacts au milieu de l’embrasement ! Ce qui confirmait cette interprétation, ce fut le récit de quelques hommes qui se rendaient en ce moment-là de Mériadec à Pluneret : à l’heure-même où l’incendie se déclarait, ils avaient aperçu un trait de feu qui tombait, à travers un ciel très pur, sur le village de Ker-Anna. Pendant que la foule était ainsi partagée en sentiments contraires, Nicolazic devina tout de suite la raison que le ciel avait eue d’allumer cet incendie. Cette grange était toute neuve, et on se rappelle que son père en la construisant avait fait entrer dans ses murs les pierres de l’ancienne chapelle : or Dieu ne voulait pas abandonner à un usage profane des choses qui lui avaient été consacrées. Il ne se laissa donc pas émouvoir par les blâmes qui arrivaient jusqu’à ses oreilles. Du reste, les prodiges, qui se renouvelaient presque tous les jours, venaient le rassurer. Ainsi, deux jours après cet évènement, il fut de nouveau transporté miraculeusement à l’endroit de la chapelle ; et dans ce ravissement Dieu lui fit goûter des joies capables de le dédommager de toutes les contradictions.

Les premiers pèlerins

Le lundi, vers le soir, une lumière extraordinaire remplit le Bocenno, et auréola particulièrement la statue miraculeuse : plusieurs personnes en furent témoins aussi bien que Nicolazic ; et elles entendirent le bruit d’une multitude en marche qui envahissait le Bocenno. Il n’y avait là, réellement, aucune foule ; mais cette rumeur était un présage. Le lendemain, au même endroit, on entendit le même bruit ; mais cette fois, c’était une réalité. Les pèlerins arrivaient en foule, et non seulement des localités les plus voisines, mais des régions les plus lointaines. Qui avait pu les prévenir ? "La renommée des merveilles arrivées depuis peu avait, ce semble, été portée sur l’aile des vents jusqu’en Basse-Bretagne, en des lieux si éloignés que l’on crut que la seule inspiration de Dieu les avait pu avertir…". Quelques-uns même remarquaient qu’ils étaient partis de chez eux le jour-même où la statue avait été découverte. Et ces pèlerins ne venaient pas en curieux, ils priaient et ils faisaient des offrandes. Les pièces de monnaie et les pièces d’argent gisaient pêle-mêle au pied de la statue recouverte d’un linge blanc. François Le Bléavec alla prendre chez lui un escabeau et un plat d’étain qu’il plaça près du fossé pour recevoir les offrandes. Cependant, la nouvelle de cette manifestation populaire ne tarda pas à arriver jusqu’au bourg. Quand le Recteur apprit ce qui se passait à Ker-Anna, il entra dans une violente indignation ; et, sur-le-champ, il dépêcha dom Le Thominec pour mettre fin à ce scandale. Le vicaire arrive tout en colère il va droit à la statue, et la renverse dans le fossé puis, se retournant vers l’escabeau, il fait voler d’un coup de pied le plat d’étain avec tout ce qu’il renferme. Alors il interpelle vivement Nicolazic, et lui reproche d’avoir provoqué un tel attroupement. Après quoi, il signifie à tous les pèlerins de s’en retourner chez eux, menaçant en particulier ceux de Pluneret d’excommunication. "Aucun prêtre, leur dit-il, ne vous donnera l’absolution, si vous ne rentrez immédiatement chez vous, ou si vous avez l’audace de revenir ici" !... Cette sortie violente produisit une grosse émotion sur les gens de la paroisse. Quant à Nicolazic, aucune marque de mécontentement ne parut sur son visage ; il ne répliqua rien, et se mit tranquillement à ramasser les offrandes éparpillées sur le sol : c’était la première mise de fonds pour la future chapelle. Les jours suivants, il y eut encore une grande affluence de pèlerins, et leur nombre augmentait sans cesse.   

Les enquêtes épiscopales

Jusqu’ici des appréciations, bien tranchées dans un sens et dans l’autre, avaient été émises par le peuple à propos des révélations de Nicolazic et des évènements de Ker-Anna. Mais ces jugements ne pouvaient pas faire autorité : la foule se prononce d’après ses sentiments, elle ne raisonne pas. C’est à l’Eglise qu’il appartient de juger en cette matière ; et il arrive un moment où elle ne peut pas se dérober à cette obligation. Or l’Eglise ne s’était pas encore prononcée. Le Recteur de la paroisse avait, il est vrai, émis son opinion ; mais avec un parti-pris évident et sans examen sérieux. Les Capucins d’Auray avaient étudié le cas avec impartialité et bienveillance, mais ils n’avaient pas osé formuler un jugement. Du reste, ni le Recteur ni les Capucins n’avaient qualité pour parler au nom de l’Eglise. C’était à l’évêque à intervenir. L’Evêque s’appelait alors Sébastien de Rosmadec. Frappé des rapports divers qu’on lui avait adressés, apprenant que les pèlerins accouraient en grand nombre, et que la province entière commençait à s’émouvoir, il donna commission à Messire Bullion, bachelier en Sorbonne et recteur de Moréac, de procéder à une première enquête. Le commissaire de l’Evêque se rendit à Pluneret, le mercredi 12 mars et manda Nicolazic au presbytère. A toutes les questions qui lui furent posées, Nicolazic répondit avec netteté et sans embarras. Le procès-verbal de la déposition fut signé de tous les témoins, y compris le recteur et le vicaire. En lisant la déposition de Nicolazic, et en apprenant que les pèlerins accouraient toujours, l’Evêque fut vivement touché, et il voulut voir et interroger lui-même le Voyant. Au château de Kerguéhennec en Bignan, demeurait alors M. du Garo, qui était le beau-frère de Mgr de Rosmadec. L’Evêque s’y rendit et ordonna qu’on y fit venir également Nicolazic. Il le reçut avec bienveillance, écouta patiemment le long récit de tout ce qui était arrivé, puis il discuta, posa des questions, demanda des éclaircissements. Nicolazic répondit à tout ingénument et d’une façon très judicieuse. M du Garo, qui assistait à l’entrevue, fut prié de l’interroger à son tour. C’était un ancien membre du Parlement, d’une grande habileté dans les affaires, et initié à toutes les roueries des interrogations juridiques ; à un tel magistrat, expérimenté et très intelligent, il était difficile d’en imposer. Prenant texte de la déposition qu’il venait d’entendre, il y relève des contradictions apparentes, fait des objections, signale des impossibilités ; il tourne et retourne les affirmations du paysan, lui pose des questions captieuses. Mais le bonhomme ne se coupa jamais, il ne se contredit pas ; et dans ce duel très inégal ce fut le plus faible en apparence qui eut l’avantage. Nicolazic, qui par sa droiture avait produit la meilleure impression sur l’Evêque, et sur Messire et Madame du Garo, fut lui-même ravi de l’accueil qu’on lui avait fait ; il avait enfin trouvé des auditeurs bienveillants. Il partit de Bignan tout réconforté. Toutefois cet interrogatoire sommaire ne pouvait suffire ; il restait maintenant à interpréter les faits du point de vue théologique. Aussi l’Evêque, après avoir mis le gardien des Capucins de Vannes en contact avec Nicolazic, lui dit : ‘Emmenez-le avec vous dans votre couvent, et interrogez-le à loisir’. Nicolazic resta quelques jours chez les Capucins de Vannes et il fut soumis à un examen minutieux par tous les religieux successivement ; on le questionna, on l’étudia, on le fit communier. Puis on l’ajourna à quinze jours. Durant cet intervalle, la communauté tout entière se fit un devoir de prier : les meilleurs théologiens se réunirent pour mettre en commun leurs lumières, pendant que d’autres religieux prenaient des informations sérieuses sur la vie et les mœurs du Voyant. Les quinze jours expirés, Nicolazic retourna au couvent de Vannes. Là, il lui fallut donner de nouvelles précisions, et répondre aux difficultés qui s’étaient présentées à l’esprit des juges. Ses réponses furent aussi satisfaisantes que la première fois. Pourtant on voulut le soumettre à une dernière et dangereuse épreuve. Comme il s’en retournait à la maison, deux Religieux l’accompagnèrent sur le parcours d’une lieue, jusqu’à la chapelle de Béléan. Cette démarche, où le paysan ne vit qu’une marque de bienveillance, avait un but qu’il ne pouvait soupçonner : on voulait tenter un dernier effort pour découvrir le fond de son âme. A la solennité des interrogatoires succédait ici le libre abandon de la conversation familière. Cette tactique était habile, car n’étant plus sur ses gardes, le paysan laisserait peut-être échapper quelques paroles compromettantes ou des réponses embarrassées. Mais comment pouvait se compromettre un homme qui parlait toujours avec ingénuité et sincérité ! La mission des Capucins était enfin terminée. Ils allèrent en rendre compte à l’Evêque ; ils concluaient qu’à leur avis le Voyant était véridique dans ses déclarations, et qu’il était opportun de construire la chapelle demandée. La conviction de l’Evêque était faite. Toutefois, avant de la rendre publique, il pria les Pères Capucins de se transporter eux-mêmes sur le théâtre des évènements, et de lui faire un nouveau rapport sur ce qui se passait […]. L’Evêque constatant que les différentes enquêtes étaient toutes favorables à Nicolazic, apprenant en outre que les pèlerins accouraient en foule et de toutes parts, apportant pour la future chapelle de larges offrandes - consentit enfin à ce qu’on construisit une chapelle dans le champ de Bocenno ; et, en attendant qu’elle fût construite, il autorisa à y célébrer la messe dans une cabane en planches. Ce fut le recteur de la paroisse qui, revenu de ses injustes préventions, la célébra pour la première fois le 26 juillet 1625.

Le bâtisseur

Sainte Anne avait donné une double investiture à Nicolazic. Elle lui avait commandé d’aller trouver son recteur pour l’informer que le moment était venu de relever la chapelle du Bocenno. Elle avait ajouté : C’est vous qui en prendrez soin. Du jour où elle lui a donné l’assurance que Dieu pourvoirait à tout, et que, d’autre part, l’Evêque l’a autorisé à commencer les travaux, un autre homme se révèle en Nicolazic.

Désormais aucun obstacle ne l’arrêta, ni le dur labeur qu’il s’impose, ni la diversité des occupations qu’il assume, ni les railleries des personnages qui le critiquent, ni la nécessité de négliger ses propres intérêts. Il ira toujours de l’avant avec un entrain qui fera la stupéfaction de tous ceux qui le connaissent. Assurément l’entreprise est bien au-dessus des moyens d’un simple paysan, qui ne sait ni lire ni écrire, et qui ne parle que le breton. Mais Dieu, qui lui a assigné une fonction exceptionnelle, saura lui donner en même temps d’exceptionnelles qualités pour les remplir.

Et ainsi va se manifester d’une façon éclatante la transformation du laboureur illettré en homme supérieur. Nicolazic fut à la fois le trésorier de l’entreprise et le directeur des travaux. Il s’était chargé du soin de recueillir les offrandes et, à voir son abord si doux et si agréable, son empressement à rendre service, son désintéressement personnel, en l’entendant exposer ses projets et son désir d’élever à la gloire de Sainte Anne "une église grande comme une cathédrale", les pèlerins se sentaient gagnés, et leur générosité s’ouvrait spontanément pour venir à son aide. Toutes les offrandes étaient scrupuleusement réservées pour l’œuvre. Et, malgré l’insistance de certains pèlerins, il ne voulut jamais garder pour lui-même ni pour sa famille les dons qu’on lui proposait.

Mais pour réaliser son projet, il ne pouvait compter uniquement sur les ressources offertes par les pèlerins, quelques généreuses qu’elles fussent. Il sut créer dans toutes les paroisses d’alentour un concours merveilleux de bonnes volontés qui dura jusqu’à la fin des travaux ; et grâce à son initiative, Sainte Anne acquit ‘un droit de corvée’ à quatre lieues à la ronde "sans autre paiement que celui de la récompense qu’attendaient ces braves gens dans le paradis" […].

Il eut néanmoins une déception. Le plan de la chapelle lui paraissait trop mesquin ; si, malgré des résistances irréductibles il réussit par adresse à élargir quelque peu le plan primitif, l’édifice ne lui donnait pas satisfaction.

La chapelle aux vastes proportions qu’il entrevoyait en rêve, toute de granit, capable d’abriter la foule dans son enceinte au jours des grandes assemblées, si elle devait un jour surgir du Bocenno, ce n’est pas à lui que Dieu réservait la joie de la faire sortir de terre.

Nicolazic quitte Ker-Anna

Lorsque sa présence à Ker-Anna ne fut plus indispensable, il se retira dans sa métairie du bourg de Pluneret pour se dérober aux importunités des pèlerins. Il lui déplaisait d’être sollicité sans cesse par leur curiosité, et surtout de se voir en butte à la vénération que les gens de toute condition lui prodiguaient à l’envi. A Pluneret il reprit sa vie de laboureur, s’occupant de ses jeunes enfants et de ses terres, sans rien changer à la simplicité de ses habitudes anciennes, et comme si rien n’avait interrompu le cours ordinaire de sa vie paysanne. Néanmoins à aucune époque, il ne demeura étranger à l’œuvre qu’il avait fondée. Quand il venait à Ker-Anna, il avait sa cellule réservée chez les Religieux ; et les jours de grand Pardon, on lui imposait toujours l’honneur de porter en procession la grande bannière de Sainte Anne.

La mort de Nicolazic

Avant de mourir, Nicolazic vit l’accomplissement des promesses que Sainte Anne lui avait faites. Les foules étaient venues et continuaient à venir ; les ressources étaient abondantes, la chapelle avait été bâtie, et il s’opérait des conversions et des miracles sans nombre. Son humble village était devenu la métropole du culte de Sainte Anne ; et le Pèlerinage était déjà un des plus fréquentés de la France et du monde. Sa mission était accomplie ; la demande de Sainte Anne était réalisée ; il pouvait désormais aller recevoir sa récompense des mains de la "bonne Patronne". Il avait toujours manifesté le désir d’être inhumé à l’endroit même où il avait découvert la statue miraculeuse. Aussi les gardiens du Pèlerinage, qui avaient une si grande vénération pour lui, se préparèrent-ils à faire droit à sa demande, dès qu’ils apprirent qu’il était gravement malade. On l’envoya chercher dès le lendemain, et on le transporta sur une civière, pendant que son confesseur marchait à côté de lui tout le long du chemin. Pendant les six jours qu’il vécut encore, il édifia tous les religieux par sa résignation, sa patience, son humilité qui se montrait reconnaissante des moindres services qu’on lui rendait, et surtout par la grande sérénité de son âme, répétant sans cesse ce mot qui lui était familier, et qui est la marque de la véritable sainteté : "A la volonté de Dieu ! A la volonté de Dieu !". Il se confessa plusieurs fois, reçut le saint viatique ; et, le mal s’aggravant, il voulut aussi recevoir l’Extrême-Onction en pleine connaissance. Aussitôt muni du secours de l’Eglise, il entra en agonit et perdit la parole. Autour de son lit, deux ou trois religieux l’assistaient ; l’un murmurait à son oreille des invocations saintes, avec le nom de Notre-Seigneur, de la Sainte Vierge et de Sainte Anne ; les autres récitaient les prières liturgiques, s’attendant à chaque minute à le voir expirer. Son fils était présent à l’agonie. Tout à coup ses traits bouleversés par la souffrance se transfigurèrent. Son visage prit une expression extraordinaire de joie et de beauté. Ses yeux, tout à l’heure éteints, se fixèrent avec ravissement sur un objet qui paraissait venir d’en haut. "Que regardez-vous ainsi ? lui demandèrent les religieux. Et quels sentiments éprouvez-vous ?". Nicolazic, qui avait perdu la parole, répondit d’une voix très calme et très intelligible : "Je vois la Sainte Vierge et Madame Sainte Anne ma bonne Patronne !". Puis il se tut. A ces mots de Sainte Anne, son confesseur fut inspiré de lui demander une suprême déclaration. Il alla prendre la statue, et, la présentant à Nicolazic, il lui dit "Est-il vrai que vous avez trouvé miraculeusement cette image, ainsi que vous l’avez affirmé un grand nombre de fois ?" Oui, répondit le mourant. Avez-vous toujours votre confiance ordinaire en Sainte Anne ; et êtes-vous heureux de mourir à ses pieds ? Oui, dit-il encore. Et bien ! L’heure est venue de paraître devant Dieu, baisez la sainte image’. Il baisa la statue avec tendresse et respect : et perdant de nouveau la parole, il ne tarda pas à expirer, en présence de tous les religieux que l’on avait convoqués par le son de la cloche. Sainte Anne, qui était là, avait interrompu, un moment, l’agonie de son messager, afin que sa dernière parole fût un témoignage de plus à la réalité des apparitions. C’était le 13 mai 1645. Ainsi mourut Nicolazic : il avait 54 ans. Le lendemain son corps fut inhumé dans la chapelle du Pèlerinage, et, comme il en avait exprimé le désir, à l’endroit même où, vingt ans auparavant, il avait miraculeusement découvert la statue de Sainte Anne. Déplacés, au moment de la reconstruction de la chapelle, ses restes reposent maintenant au pied de l’autel Saint-Yves, au fond de la basilique ».

 

 

 

 

L'autel où reposent les restes d'Yves Nicolazic, en entrant dans la première chapelle latérale du coté droit de la nef centrale

 

 

La prière pour la béatification d'Yves Nicolazic

 

 

LA BASILIQUE SAINTE ANNE D'AURAY

 

 

 

Vue extérieure de la Basilique de Sainte Anne d'Auray

 

 

La porte d'entrée de la basilique

 

 

Vue d'ensemble sur les croisés d'ogives de la nef centrale

 

 

La relique de Sainte Anne

 

 

Le Choeur de la Basilique

 

 

A L'EXTERIEUR DE LA BASILIQUE, SUR LE DOMAINE DU SANCTUAIRE

 

La fontaine de Sainte Anne face à la Basilique

 

 

Statue de Sainte Anne et de la Très Sainte Vierge Marie sur l'esplanade du sanctuaire

 

 

La "Scala Sancta" face à la basilique de Sainte Anne d'Auray

 

 

 

 

Le mémorial de la première guerre mondiale

 

 

Suivre également les liens suivants :

http://www.sainteanne-sanctuaire.com/index.html

http://philippe.harambat.pagesperso-orange.fr/sanctuaires/apt/apt.htm

http://hodiemecum.hautetfort.com/archive/2007/07/26/26-juillet-sainte-anne-et-saint-joachim-parents-de-notre-dam.html

 

6.10.5 Notre Dame de toute la France de Frédéric Mistral

 

 

Notre-Dame de toute la France

Sur chaque pays, sur chaque cime,
Notre nation, toujours chrétienne,
A dressé pour ta gloire - en plein ciel - des chapelles ;
Toutes les fleurs de ses montagnes,
De la Provence à la Bretagne,
Te brûlent leur encens : et leurs petits oiseaux
Te chantent les sept allégresses
Qu'à Bethléem tu leur appris,
Quand tu berçais l'Enfant aux langes de lumières.

Point de bourgade, chaque année,
Qui ne te voues son moi de mai,
Femme bénie, victorieuse du serpent !
Et point de prêtre dans son prône,
Point de marin sur mer ou de pâtre au désert,
Qui ne te dise « Notre-Dame » !
Et l'Univers, de coeur et d'âme,
Te prie agenouillé et se joint au concert.

Si à Toulouse tu t'appelles
Notre-Dame de la Daurade
(Car l'or pur du soleil s'efface devant toi);
Si d'Avignon, Marseille à Vienne,
Ô Notre-Dame de Provence,
Le tombeau de Sainte Anne appelle tes bienfaits
;
Au Puy, sur le rocher Corneille
C'est bien nous, Vierge toute belle,
Qui t'avons baptisé « Notre-Dame de France »!

 
 

Frédéric Mistral
(1830 - 1914)