6.1.15 L’Envoi en Gaule de disciples par l’apôtre Saint Pierre

6.1.15.1 L’organisation de l’activité missionnaire

Des « Recherches sur les origines des Eglises de Reims », page 45 :

« On se figure généralement que les missionnaires envoyés par les apôtres sont partis de Rome sans but, marchant au hasard, guidés seulement par l’inspiration divine. C’est là une erreur profonde. Quand on réunit les actes de plusieurs des premiers prédicateurs de l’Evangile, on remarque dès l’abord que ces saints missionnaires obéissaient à une direction unique, qu’ils agissaient suivant une plan bien arrêté, conçu par Saint Pierre et développé par ses successeurs, Saint Clément et saint Anaclet. Du jour où le prince des apôtres a été choisi comme la pierre fondamentale sur laquelle repose l’Eglise, de ce jour a éclaté cette unité de vues, de principes, qui n’a jamais varié ni fléchi depuis 1800 ans [à l’époque de l’écriture de l’ouvrage]. Le vaisseau de la Foi a eu à lutter contre bien des tempêtes ; les nautoniers qui le guidaient ont été parfois peu habiles, et cependant il n’a jamais dévié de la route que lui avaient indiqué les apôtres. Ce n’est certes pas là la moindre preuve de la divinité de l’origine de l’Eglise ».   

Toujours dans le même ouvrage, de la page 49 à la page 52 nous est esquissé le mandat qui fut donné à Saint Crescent disciple de l’apôtre Saint Paul (Cf. 2 Tm 4,10), l’importance de sa charge, ainsi que les diverses traditions liées à son apostolat :

« On peut dire, en un mot, que Saint Crescent, leur disciple [en référence également aux apôtres Saint Philippe et Saint Luc], a été chargé de diriger les missionnaires qui devaient évangéliser l’Est de la France moderne et les bords du Rhin supérieur (Note de l’auteur : on comprend qu’il ne pouvait être question, à cette époque, d’envoyer des missionnaires aux embouchures du Rhin et dans la Batavie, pays occupés par des peuples nomades et presque sauvage). Nous allons essayer de le démontrer. Schoepflin, dans son « Alsatia Illustrata », rejette d’une manière absolue l’apostolat de Saint Materne, premier évêque de Trèves ; mais, trop loyal pour nier qu’il y eut des chrétiens en Alsace dès le 2 ième siècle, il émet un sytème particulier qui est spécieux sur quelques points. L’Alsace supérieure, le département actuel du Haut-rhin, faisait alors partie de la Lyonnaise, dont Augusta Lugdunum était la métropole ; il suppose que les premiers évêque de Lyon, remplis d’une égale affection pour toutes les parties de leur diocèse, ont envoyé en Alsace qulques prêtres pour catéchiser cette partie de la Lyonnaise, et que ces prêtres ont très-bien pu se rendre dans le pays des Triboques, des Nemètes et des Vangions. Ce qui donne une certaine apparence de vérité à ce système, c’est qu’il existait au temps d’Auguste des relations intimes entre la capitale de la Rauracie, Augusta Rauracorum, aujourd’hui Basler-Augst, près de Bâle, et Augusta Lugdunum. Toutes deux étaient des colonies romaines ; toutes deux avaient été fondées par L. Munatius Plancus (Note de l’auteur : L. M Plancus a été enterré à Naples. Son mausolée est une immense rotonde de marbre que le vulgaire appelle la « Tour Roland ». Au dessus de la porte on lit l’inscription suivante : « L. MUNATIUS. L.F.L.N.L PRON. PLANCU. COS. CENS. IMP. ITER. VII. VIR. EPOUL. TRIUUMPH. EX RAETIS. AEDEM. SATURNI. FECIT. DE. MANIBIS. AGROS. DIVISIT. IN ITALIA. BENEVENTI. IN. GALLIA. COLONIAS. DEDUXIT. LUGDUNUM ET RAURICAM »), cet homme à la fois si immoral et si habile (Note de l’auteur : M Plancus avait fait proscrire son frère Cn. Plantius Plotius ; de même que Lépide, qui peu de temps après, fut nommé consul avec M. plancus, avait proscrit son frère Paulus (Velleius Paterculus livre 2, chapitre 67). C’est avec Lépide qu’il obtint les honneurs du triomphe pour ses exploits en Rhétie. Les soldats firent à ce sujet l’épigramme suivante : De Germanis, non de Gallis, duo triumphant Consules. Germanus veut dire à la fois frère et Germain). Une tradition constante de l’Eglise de Besançon nous apprend que Saint Lin est le premier évêque de la grande Sequanaise [Cf. ci-après cette tradition]. Les suisses revendiquent pour apôtre Saint Beatus, dont la vie a été écrite par le P. Canisius, de la société de Jésus. D’un autre côté, la chronique de Mayence affirme que Saint Crescent a été le promoteur de la Foi dans le pays des Moguntiens. Ne pourrait-on soutenir, sans choquer en rien la vraissemblance, qu’une nombreuse cohorte de misionnaires, parmi lesquels on comptera entre autres Lin, Bèat, Valère, Euchère, Materne, etc., est partie sous la conduite de Saint Crescent, après avoir écheloné ses co-disciples dans ces provinces, est revenu s’établir à Vienne [ceci est mentionné dans un long texte  en latin emprunté au n° 11 du livre 5, page 153 de « Aegidii Bucherii (Belgium Romanum) ». Trop souvent on peut invoquer contre l’antiquité que s’attribuent les Eglises les lacunes qui existent dans le catalogue de leurs évêques. Cette critique ne saurait atteindre les diptyques de la métropole des Allobroges, car Saint Adon, archevêque de Vienne, nous a fait connaître les noms des premiers successeurs de Saint Crescent. Zacharie, dit-il, glorieux et saint vieillard, succéda à Crescent, et reçut la couronne du martyr sous Trajan (voici le texte latin original : « Sub quo etiam tempore, (Trajani), gloriosisimus snex Zacharias, Viennensis Ecclesiae Episcopus, martyro coronatur » extrait de la colonne 81 du tome 123 de l’ « Adonis Chronic. Patrol. ») ; Martin, disciples des apôtres, siégea à Vienne sous le même empereur (voici le texte latin original : « Tertius Martinus Episcopus et discipulus apostolorum, Viennae resedit » extrait de la colonne 82 du tome 123 de l’ « Adonis Chronic. Patrol ».) ; Verus, autre disciple des apôtres, fut le quatrième évêque, et fleurit sous Trajan par sa doctrine et la confession de sa foi (voici le texte latin original : « Verus, Viennensis Ecclesiae Episcopus, qui unus fuit de discipulis apostolorum, Trajani temporibus doctrina et confessione fidei floruit » extrait de la colonne 82 du Tome 123 de l’ « Adonis Chronic. Patrol ».); ensuite, Saint Juste, évêque de l’église de Vienne, se rendit très-illustre par son martyre (voici le texte latin original « Hoc itidem tempore et Justus, Viennensis Ecclesiae Episcopus, illustrissimus in confessione exstitit » (même référence que précedemment).

6.1.15.2 Saint Austremoine de Clermont-Ferrand

De « l’Hagiologie Nivernaise », pages 446 à 448 :

« Saint Austremoine fut un des sept missionnaires qui arrivèrent dans les Gaules pour y prêcher la foi. Saint Saturnin s’était arrêté à Toulouse, Saint Trophime à Arles, et Saint Paul à Narbonne ; les quatre autres s’avancèrent dans l’intérieur du pays. Saint Martial se rendit à Limoges, Saint Gatien à Tours et Saint Denis à Paris. Saint Austremoine se fixa d’abord dans le Nivernais, et après y avoir prêché l’Evangile, il alla à Clermont, dont il fut le premier évêque. « Notez, est-il dit dans la vie de Saint Cassy « qu’au commencement de la chrétienté, les évêques ne s’arrêtaient pas en une province, ains alloient prêchant par divers pays, dont ce Saint Austremoine est dit évêque des Auvergnats et Nivernois ». Les vieux légendaires de l’église de Clermont, de l’abbaye de Saint-Allyre, de la chartreuse de Clermont et de l’abbaye de Saint-Victor de Paris, faisant mention de la mission de Saint Austremoine dans le Nivernais, ont engagé Michel Cotignon (Cf. Catalogue historique des évêques de Nevers, page 3) à considérer ce saint comme notre premier évêque, de même que l’église de Meaux considère Saint Denis comme son premier évêque, parce qu’il l’avait évangélisée avant de se fixer à Paris. Il paraît que Saint Austremoine put remplir en paix sa mission de charité, au milieu des peuples de l’Auvergne ; on croit généralement qu’il ne scella pas sa foi de son sang.

En ce qui concerne son culte nous savons que « le corps du saint évêque fut enterré à Ixiodore qui, par la suite devint la ville d’Issoire. Il y demeura plus de deux cents cinquante ans dans une espèce d’oubli, quoique les gens des environs, dit Saint Grégoire de Tours, sussent bien que c’était le tombeau de leur premier évêque. Le même historien raconte sur la manière dont son culte devint public, les détails qu’il tenait de Cantin lui-même, évêque de Clermont. Cantin n’était encore que diacre quand on le chargea, en cette qualité, de la chapelle où reposait le corps de Saint Austremoine. La chambre où il couchait attenait à cette chapelle ; une nuit, il lui sembla tout-à-coup entendre des voix qui chantaient des cantiques auprès du tombeau du saint, et, en même temps, il aperçut une vive lumière qui l’environnait ; il voulut examiner de plus près ce prodige, et il vit que le chœur dont les chants avaient frappé son oreille, était composé d’une multitude de personnes vêtues de blanc et tenant en main des flambeaux. Le lendemain, il fit environner d’une balustrade le tombeau du saint, et dès-lors on commença à lui rendre les honneurs dus à son mérite. Les faveurs obtenues par son intercession ont prouvé que Cantin ne s’était pas laissé entraîner par une vaine illusion. En 670, Saint Avit, évêque de Clermont, transféra dans l’abbaye de Volvic le corps de Saint Austremoine, et près de cent ans plus tard, en 764, Pépin fit rebâtir le monastère de Mauzac, auprès de Riom, où on déposa le corps du saint ; sa tête seule reta à Volvic ; il paraît cependant qu’elle fut transportée plus tard à Issoire. Quoique la fête de Saint Austremoine soit indiquée au 1 er novembre dans les anciens Martyrologes, en vertu d’un indult, on ne la célèbre, dans le diocèse de Nevers, que le 3 du même mois ».

6.1.15.3 Saint Crescent de Vienne

Aux pages 42 et 43 des « Recherches sur les origines des Eglises de Reims » nous est précisé que « les textes anciens et ceux du moyen âge s’accordent pour reconnaître que Saint Crescent est bien le disciple de Paul » et qu’ils permettent de conclure « en les coordonnant, que dans trois directions différentes, les Eglises de France ont eu pour fondateurs les apôtres eux-mêmes, et que Saint Crescent a evangélisé les rives du Rhône, de la Saône et du Rhin, jusqu’à Mayence ».  

Nous pouvons tout de suite affirmer que l’argument décisif concernant l’apostolat de Crescent dans les Gaules se trouve dans la Sainte Ecriture et plus précisément dans la deuxième épître de Saint Paul à Timothée, où l’apôtre nous dit lui-même qu’il y a bien envoyé « Cresent » ou « Crescens » (pour le texte de la Bible de Jérusalem).
Afin de vérifier la véracité de cette affirmation, il convient préalablement de formuler quelques remarques extrêmement nécessaires. 

Voici tout d’abord le passage biblique de 2 Tm 4,9-12 : 

« 9 Hâte-toi de venir me rejoindre au plus vite, 10 car Démas m'a abandonné par amour du monde présent. Il est parti pour Thessalonique, Crescens pour la Galatie, Tite pour la Dalmatie. 11 Seul Luc est avec moi. Prends Marc et amène-le avec toi, car il m'est précieux pour le ministère. 12 J'ai envoyé Tychique à Ephèse ».

Il est remarquable pour tous qu’en deuxième partie du verset 10 (noté 10 b), est mentionné le terme de « Galatie » et non le terme « Gaule ».

En ce sens, comment peut-on alors affirmer qu’il s’agit bien d’un apostolat en Gaule ?

Si nous nous reportons à la note ‘f’ de la Bible de Jérusalem page 2272, relative au terme de « Galatie »,une première observation importante s’impose :

« Var. : « Gaule » - « Galatie » pouvait alors désigner soit la province de ce nom en Asie, soit la Gaule ».

Cette note de la Bible de Jérusalem laisse donc entendre ici que les deux acceptions sont possibles à partir des manuscrits du texte biblique original, ce qui, en soi, n’est pas tout à fait exact, car du point de vue de la critique historique et exégétique, nous verrons qu’en réalité une seule désignation rend correctement le sens primitif du texte grec, comme je m’attache à le démontrer dans ce qui suit.

Pour cela, je reviens dans un premier temps, aux pages 46 et 47 des « Recherches sur les Eglises de Reims » où le sujet est abordé, et d’importantes précisions nous sont données :

« Il est vrai que les commentateurs sont partagés sur ce texte. Les uns y lisent « Galatiam » et veulent qu’il soit question de la Galatie Orientale ; les autres, au contraire, prétendent qu’il s’agit de la Gaule transalpine. La plus ancienne et la plus vraie de ces leçons nous est indiquée par Saint Epiphane. Or, ce docteur écrit que ceux-là se trompent qui interprètent ce passage de Saint Paul par Galatie, tandis qu’il faut l’entendre pour les Gaules. Eusèbe, comme l’a très bien démontré Henri de Valois dans l’édition qu’il a donné de ce père, parle comme saint Epiphane. Théodoret, qui maintenu le mot « Galatia » dans le texte de Saint Paul, a préféré l’appliquer à notre Gaule qu’à la Galatie. Ainsi, les anciens avaient la conviction que Crescent, disciple de Saint Paul, a prêché dans les Gaules. C’est l’opinion qu’ont suivie Bède et Usuard dans leurs martyrologes (Cf. Cellarius livre 11, chapite 11, section 4 de l’ouvrage en langue latine « Geographiae antiquae ») ».

Pour conforter ces affirmations, il s’agit de considérer à présent une autre note, beaucoup plus explicite que celle de la Bible de Jérusalem, qui provient de la Traduction Oeucuménique de la Bible.
A la page 651 de mon édition du Nouveau Testament, nous est présenté la note ‘h’ qui tient compte du contexte historique et sémantique de rédaction du texte original grec :

« Sans doute la Gaule (C. Spicq. Joach. Jeremias). Au temps de Paul et jusqu’au 2 ième siècle, les écrivains de langue grecque désignaient la Gaule par le terme de Galatie. Lorsqu’ils parlent de la Galatie proprement dite, ils précisent : la Galatie qui est en Asie ».   

Ainsi, tout est dit. Au temps de Saint Paul, l’emploi du terme grec « Galatian » (comme indiqué à la page 963 du Nouveau Testament interlinéaire Grec-Français) ou encore « Galatiam » pour le texte latin de la Vulgate (de la nouvelle édition officielle approuvée par le Pape Jean-Paul II le 25 avril 1979, disponible sur le site du Vatican) que l’on traduit en français par « Galatie » ne transcris absolument pas le sens primitif du texte grec, qui désigne en réalité la Gaule à l’époque de sa rédaction. C’est donc une grossière erreur de penser qu’il s’agit de la Galatie qui se trouve en Asie. Il faut donc être extrêmement vigilant lorsque nous lisons les textes bibliques qui nous sont présentés en langue française, car il existe toujours un risque d’erreur sémantique liée aux difficultés inhérentes à la traduction.

Enfin, en écho direct avec les explications figurant aux pages 46 et 47 des « Recherches sur les Eglises de Reims » présentées ci-avant, voici différentes distinctions qu’il convient de rappeler lorsque l’on évoque le terme de « Gaule » données par le « Petit Larousse illustré », page 1353 de mon édition :

« Nom donné dans l’antiquité aux régions comprises entre le Rhin, les Alpes, la Méditerranée, les Pyrénées et l’Atlantique, appelées par les Romains « Gaule Transalpine » (ou Lyonnaise ou Ultérieure) par opposition à la « Gaule Cisalpine » (Italie continentale), elle comprenait vers 60 avant Jésus-Christ d’une part la « Gaule Chevelue » (ou Trois Gaules), composée de la « Gaule Belgique », de la « Gaule Celtique » et de « l’Aquitaine », et d’autre part la « Province » (Provincia), ou Narbonnaise, soumise à Rome ».

Ainsi quatre repères historiques fondamentaux sont à considérer pour le sujet qui nous intéresse :

- la première fondation du sud de la Gaule par les romains, appelée la « Province » (Provincia), avec Narbonne pour capitale, entre 125 et 121 avant Jésus-Christ,

- la conquête du pays par Jules César entre 58 et 51 avant Jésus-Christ,

- la défaite de Vercingétorix à Alésia en 27 avant Jésus-Christ, avec la division de la Gaule en quatre provinces : la Narbonnaise (l’ancienne « Provincia »), l’Aquitaine,            la Celtique ou Lyonnaise, et la Belgique.  

D’autres sources importantes indiquent l’apostolat de Saint Crescent disciple de Saint Paul dans les Gaules, dont le « Martyrologe Romain » lui-même, qui est, par nature, une source d’une grande autorité, conférant à nos affirmations leur caractère certain et vrai.

L’édition à laquelle je me réfère, a initialement été publiée par l’ordre de Grégoire XIII, revu par Urbain VII et Clément X, argumenté et corrigé en 1749, par le Pape Benoît XIV, avant sa traduction en français d’après l’exemplaire imprimé à Rome en 1845, sous le pontificat du pape Grégoire XVI.   

Sa fête est indiquée, à la fois le 27 juin, page 202 :

« En Galatie, Saint Crescent, disciple du bienheureux apôtre Paul, qui, passant par les Gaules, convertit un grand nombre d’infidèles à la foi de Jésus-Christ par la force de ses prédications : étant retourné ensuite vers le peuple à qui il avait été spécialement donné pour évêque, et ayant affermi les Galates dans l’œuvre du Seigneur, jusqu’à la fin de sa vie, il accomplit enfin son martyre sous Trajan ».

et le 29 décembre, page 296 :

« A Vienne en France, Saint Crescent, disciples bienheureux de l’apôtre Paul, et premier évêque de cette ville ».

6.1.15.4 Saint Démètre de Gap

Du tome 12 des « Petits Bollandistes » :

- extraits des pages 638 à 641 :

« Saint Démètre, d’après la tradition la plus constante et la plus respectable, était disciple des Apôtres. De l’Asie, où il vivait près de Caïus auquel il est proposé pour modèle, il vint, par l’ordre des saints apôtres Pierre et Paul, évangéliser les Gaules, de concert avec un grand nombre d’hommes apostoliques, parmi lesquels figurent nommément : Saint Trophime d’Arles, Saint Paul de Narbonne, Saint Martial de Limoges, Saint Austremoigne d’Auvergne, Saint Gatien de Tours, Saint Saturnin de Toulouse, Saint Valère de Trèves. Ce fut sous l’empire de Claude que ces illustres confesseurs débarquèrent en Provence. Ils se rendirent tout d’abord à Arles, et, de cette ancienne cité romaine, dans les missions qui leur avaient été désignées. Peu d’années après, Saint Trophime retourna en Asie auprès de Saint Paul ; Saint Crescent vint s’établir à Vienne des Allobroges, et Saint Démètre, après avoir prêché, pendant quelque temps, dans cette dernière ville, se rendit à Gap où il se fixa pour évangéliser les populations nombreuses des Alpes. Parti des contrées riantes et polies de l’Orient, Saint Démètre arriva dans nos Alpes à une époque où la civilisation et la foi n’avaient point encore dissipé les profondes ténèbres et les grossières erreurs qui enveloppaient les idées religieuses et morales de leurs rudes habitants. Quoique Dieu lui eût mesuré son héritage dans les froides et austères montagnes, parmi des peuplades toujours prêtes à la guerre, toujours disposées à faire payer chèrement toute espèce de domination qu’on voudrait leur imposer, Démètre ne perdit point courage ; il établit dès lors son siège épiscopal qui devait, plus tard, être illustré par tant de pontifes qui s’y sont succédé jusqu’à nous. Dans ces contrées habitaient, depuis des siècles, des peuplades connues sous le nom de Voconces, de Tricoriens et de Caturiges. Or, au temps de Démètre, ces peuples étaient livrés à tous les mensonges du polythéisme ; ils ignoraient l’existence d’un seul Dieu[…]. Leur culte n’était qu’une suite d’honneurs rendus aux créatures, qu’un mélange de cérémonies aussi ridicules qu’impies. Leur morale ne valait guère mieux. Saint Démètre, seul, sans richesses et sans armes, espère néanmoins triompher de la superstition et de la barbarie de ces peuples ; il essaye de faire luire la lumière évangélique au sein des ténèbres. Fortifié par la vertu de la croix, il commence par prêcher d’exemple. Il sait que la prière est un trait enflammé qui pénètre les nues, arrive jusqu’au trône de Dieu et en fait descendre des torrents de grâces capables de déterminer la conversion des pécheurs les plus endurcies[…]. 

Il s’interpose comme victime, cherchant à expier les crimes et les infidélités d’un peuple prévaricateur dont il se regarde déjà comme le pasteur et le père. Aussi, admirant sa conduite, ces hommes, plongés naguère dans le sentimalisme le plus grossier, commencent à goûter les saints préceptes du divin législateur, à comprendre la chasteté, la tempérance, la charité fraternelle, toutes les pures vertus du christianisme ; puis ils prennent plaisir à entendre le saint pontife leur parler des miséricordes et des justices du Seigneur, des impénétrables conseils de sa sagesse, des mystères de la rédemption universelle et la vie future. Ils reconnaissent qu’une morale si pure, une religion si sublime ne peut venir que du ciel ; peu à peu les cœurs droits cèdent à la grâce, et des catéchumènes sont baptisés. Cette Eglise naissante retrace l’image des Eglises fondées par les Apôtres mêmes. Les fidèles n’ont plus qu’un cœur et qu’une âme pour s’entraimer et se secourir, et qu’un seul désir : celui de verser leur sang pour l’exaltation de leur foi. Ces heureux succès accrurent les forces du nouvel apôtre ; on le regardait comme un ange venu du ciel. Sa vie, très conforme à celle du divin maître, était un miroir d’innocence et comme une fleur de pureté ; sous sa direction, plusieurs se vouèrent à la parfaite pratique de cette vertu. Le Saint pasteur prit un soin spécial de la jeunesse et mit tout en œuvre pour préserver de la contagion du siècle cette tendre portion de son troupeau chéri, ce qui lui valut le glorieux titre de Gardien de l’innocence. Les miracles que Démètre opérait sur les malades et les infirmes qui lui étaient présentés ou qu’il allait visiter lui-même dans leurs tristes demeures, vinrent donner un nouvel éclat aux prédications saintes qu’il faisait au peuple. Cependant l’enfer s’irritait de voir croître rapidement le nombre des chrétiens ; aussi, plus d’une fois, les démons essayèrent-ils d’effrayer le saint pontife et de le détourner de ses victorieuses conquêtes. Démètre, sans se troubler, invoquait le nom de Jésus, et, devant sa confiante prière, les puissances des ténèbres s’enfuyaient, abandonnant une foule d’infidèles jusque-là soumis à leur tyrannique possession. Les prêtres des idoles, à leur tour effrayés des progrès de la religion de Jésus-Christ qui va s’établir sur les ruines du paganisme, trament la perte de notre généreux athlète ; ils courent, tout éplorés, se jeter aux pieds de Simon, préfet de la ville […].

Le saint confesseur est donc arrêté ; on le jette dans les fers, on exerce sur lui mille cruautés ; Démètre se montre plein de la force d’en haut ; il confesse Jésus-Christ, prêche sa loi et annonce son règne à tous ceux qui l’environnent. Enfin, désespérant de le vaincre et voulant, d’ailleurs, épouvanter le peuple et arrêter les conversions par un châtiment public et sévère, le gouverneur, irrité, condamne Démètre à avoir la tête tranchée sur le lieu même où l’on avait coutume de faire mourir les grands criminels. Cette sentence inique va recevoir son exécution. Le saint pasteur, qui a dévoué sa vie au salut de son troupeau, est tiré de prison et conduit sur une petite éminence au nord de la ville. La foule était nombreuse pour assister à ce cruel spectacle ; le généreux confesseur du Christ, arrivé sur le lieu du supplice, se met à genoux, recommande son âme à Dieu par une courte prière, et, dans cette humble posture, impassible et serein, il attend la mort qui va lui ouvrir les cieux. Bientôt la tête de l’apôtre tombe sous la hache du bourreau, et le sang du martyr jaillit sur cette terre idolâtre : rosée fécondante, il fera, plus tard, produire au centuple la semence de l’Evangile. Si nous en croyons une tradition qui est arrivée jusqu’à nous, Démètre se releva de terre, prit sa tête entre les mains et la porta jusque dans la ville. Ce prodige glaça d’un si grand effroi les plus emportés, qu’il fut permis aux fidèles de recueillir les glorieuses dépouilles de leur évêque. Un ancien tableau, encadré dans un des piliers de la cathédrale de Gap, retrace ce fait merveilleux et nous transmet la date de l’an 86 ».          

6.1.15.5 Saint Euchaire et Valère de Trèves

Du tome 11 des « Petits Bollandistes » :

- extraits des pages 111 et 112 :

« Une tradition immémorable raconte que le culte de la Sainte Vierge, conjointement avec le christianisme, fut apporté dans l’Alsace, par Saint Materne, disciple de Saint Pierre, et, selon plusieurs écrivains, le fils unique de la veuve de Naïm, que Jésus-Christ ressuscita et admit ensuite au nombre des soixante-douze disciples. La tradition ajoute que Materne étant mort à Ell, dans le cours de ses prédications, Euchaire et Valère, les deux compagnons de son apostolat, retournèrent à Rome exposer leur douleur à Saint Pierre, que celui-ci leur donna son bâton pastoral, en leur disant de le poser sur le corps du défunt, et de lui commander de ressusciter ; après quoi il continuerait sa mission avec plus de succès qu’auparavant ; qu’enfin tout se passa comme l’avait dit le Prince des Apôtres ; et que par Materne ressuscité et ses compagnons furent fondées les églises de Strasbourg, de Trèves, de Cologne et de Liège. Si cet antique récit a été contredit par certains critiques, qui, offusqués des faits miraculeux qu’ils rencontrent dans l’histoire, étudient, sans l’inspiration de préjugé, les moyens de les en bannir, ou du moins de les mettre en suspicion, on ne peut disconvenir que celui-ci réunit en sa faveur des raisons et des autorités puissantes : ce sont les martyrologes des huitième, neuvième et dixième siècles, et divers écrits de la même époque, qui citent cette tradition comme admise de temps immémorial ; c’est la croyance religieusement conservée en diverses Eglises, malgré les grandes distances qui les séparent ; c’est le respect avec lequel Cologne et Trèves ont conservé les deux moitiés du bâton pastoral de Saint Pierre, qu’elles se sont partagé, et l’accord des anciens auteurs à motiver par ce miracle la coutume qu’ont les Papes de ne pas porter de crosse ; c’est l’antique basilique de la Résurrection bâtie à Ell, et où la foule des pèlerins visitait dévotement le tombeau vide qui avait servi pendant quarante jours de sépulcre à Saint Materne ; c’est le témoignage uniforme des historiens alsaciens, allemands, italiens, des siècles plus rapprochés du nôtre ; c’est l’office propre du bréviaire de Strasbourg ; c’est enfin, d’une part, le fait non contesté que Saint Materne fut le premier évêque de l’Alsace, de l’autre, le fait incontestable que dès le second siècle l’Alsace comptait des chrétientés florissantes. Saint Euchaire tint le siège épiscopal de Trèves pendant vingt-trois ans, et il s’endormit dans le Seigneur le 8 décembre ; Valère lui succéda, siégea quinze ans, et mourut le 29 janvier ; Materne continua les travaux apostoliques de ses deux prédécesseurs immédiats et s’envola au ciel le 14 septembre, après avoir gouverné son diocèse pendant quarante ans. Leurs corps furent ensevelis hors des murs de la ville de Trèves. On voit des reliques de Saint Valère dans la crypte souterraine de Saint-Mathias de Trèves ; des parcelles ont été transférées à Lisbonne. L’église métropolitaine possède des ossements de Saint Materne. Les peintres ont coutume de représenter Saint Materne avec une église à trois tours, afin de rappeler que son diocèse comprenait primitivement les trois villes importantes de Cologne, de Trèves et d’Utrecht, qui, plus tard, à cause du nombre des chrétiens, devinrent autant de titres épiscopaux ».

Voir également le § 6.1.4.2 Vie de Sainte Marie-Madeleine et de Sainte Marthe par Raban Maur, évêque de Mayence, où Saint Valère de Trèves est explicitement cité.

6.1.15.6 Saint Eutrope I
er d’Orange

Du tome 6 des « Petits Bollandistes », page 250 :

« L’antique tradition de la ville d’Orange porte qu’Eutrope, le fondateur et le premier évêque de cette église, fut un des soixante-douze disciples de Notre Seigneur Jésus-Christ. Il était originaire d’Egypte, mais habitait Antioche, lorsque, ayant entendu les prédications du Saveur, il crut en lui et s’attacha à ses pas. Après l’Ascension, Eutrope fut envoyé dans les Gaules avec Maximin, Trophime et plusieurs autres. Ayant abordé dans la Narbonnaise, ils se partagèrent la contrée pour y implanter plus rapidement l’Evangile. Le bienheureux Eutrope se rendit à Orange pour y annoncer la bonne nouvelle pendant que Trophime se fixait à Arles et Maximin à Aix, faisant de ces villes le centre de leurs prédications. A la voix d’Eutrope, les simulacres des faux dieux descendirent de leur piédestal, les bois sacrés furent rasés et des églises s’élevèrent, consacrées au vrai Dieu. D’après la tradition, Eutrope, Trophime et Maximin se donnèrent rendez-vous à Tarascon pour convertir en basilique la maison qu’habitait Sainte Marthe. Or, le vin manqua pour abreuver les nombreux fidèles qui étaient accourus à la cérémonie : à la prière de la pieuse hôtesse du Sauveur, on vit se renouveler le miracle des noces de Cana. Après de nombreuses années, consacrées à l’apostolat, le bienheureux Eutrope quitta notre exil pour retourner à Dieu : il fut enseveli à côté des deux saints Innocents dont il avait apporté les reliques de Palestine et auxquels il avait élevé un tombeau non loin de la ville d’Orange ».

6.1.15.7 Saint Front de Périgueux

Du tome 12 des « Petits Bollandistes » :

- extraits des pages 599 à 619 :

« Saint Front était Israélite de la tribu de Juda ; il naquit dans le pays des Lycaoniens […].

Saint Front fut baptisé par Saint Pierre sur le commandement de Jésus-Christ, et il fut l’un des soixante-douze disciples que le divin Maître choisit et qu’il envoyait, deux à deux, dans toutes les villes et dans tous les lieux où lui-même devait aller, leur ayant donné le pouvoir de guérir les malades, de chasser les démons et de faire toutes sortes de miracles. En sa qualité de disciple, notre Saint fut témoin de la vie admirable de l’homme-Dieu. Lorsque après l’Ascension et la Pentecôte les Apôtres et les disciples, remplis de l’Esprit divin, se partagèrent la conquête du monde à l’Evangile, Saint Front s’attacha à la personne de Saint Pierre et en fut particulièrement aimé. Il partagea les saints travaux de cet Apôtre, en Palestine, à Antioche, à Rome. Dans cette dernière ville, Saint Front attira sur lui l’attention publique, non-seulement par son éloquence, mais encore par un grand miracle [en libérant la fille d’un sénateur tourmentée par les démons]. […]. Quand les princes des Apôtres (Saint Pierre et Saint Paul), dit Saint Léon, ‘eurent planté l’étendard victorieux de la foi de Jésus-Christ sur les murailles de Rome, et que cette capitale de l’univers, qui donnait la loi aux nations, l’eut prise des mains des pauvres pêcheurs, ravis de cet heureux succès que Dieu leur avait fait obtenir contre toute apparence, ils conçurent et concertèrent le conversion parfaite d’autres contrées voisines, envoyèrent d’abord leur députés et ambassadeurs dans les Gaules, lesquels emburent plusieurs peuples de cette très ancienne région de sainteté et honnêteté du culte chrétien’. Saint Front, le disciple bien-aimé de Saint Pierre, fut envoyé dans la Basse-Guyenne pour y catéchiser spécialement, comme s’exprime la légende, les nobles Pétrocoriens et leur donner les principes de la foi. Saint Georges lui fut donné pour compagnon, Saint Georges qui avait été envoyé spécialement aux peuples du Velay[…]. Dieu permit que Saint Georges, au plus fort de ses prédications, mourût soudainement [avant d’être miraculeusement ressuscité par Saint Front lui-même, après avoir déposé le bâton de Saint Pierre sur son corps]. […].

Ils arrivèrent à Vélaunes, alors la capitale du Velay (Vellavia ou Ruessium, aujourd’hui Saint-Paulien). L’Esprit de Dieu les y avait précédés et leur avait préparé les voies. Dès leur entrée dans la ville, une dame de qualité, vint leur offrir l’hospitalité dans sa demeure […]. Une nuit qu’elle était profondément endormie, un ange lui apparut en songe et lui dit :Levez-vous et allez sur la montagne d’Anis, et là, il vous sera montré ce qu’il faut que vous fassiez pour la gloire de Dieu […]. Je suis allée sur e haut de la montagne, et, là, m’étant assise pour me reposer, je me suis endormie. Dieu m’a montré en songe une pierre façonnée en forme d’autel et entourée d’anges ; et au milieu de ces anges, se tenait une Vierge d’une grande beauté, couronnée d’un brillant diadème. J’ai demandé le nom de celle qui avait une si grande beauté ; et un des anges m’a répondu : ‘Elle s’appelle Mère de Dieu ; elle chérit particulièrement les amis de son Fils, Front et Georges, et, en faveur de ces deux apôtres, elle choisi ce lieu pour y être plus spécialement honorée’ […]. Telle fut l’origine du célèbre pèlerinage, aujourd’hui si fréquenté, de Notre-Dame du Puy […]. La mission de Saint Front l’appelait ailleurs. Il dut se séparer de Saint Georges. Touchants adieux ! Ces deux saints rompirent ensemble le pain eucharistique, se partagèrent le bâton que Saint Pierre leur avait donné et s’embrassèrent tendrement avant de se quitter. La partie du bâton de Saint Pierre laissée entre les mains de Saint Georges existe encore. Après avoir été conservée jusqu’en 1793 dans l’église collégiale de Saint-Paulien, elle est aujourd’hui dans la chapelle des Dames de l’Instruction du Puy. C’est la partie inférieure, celle qui touchait immédiatement la terre. Le bois en est parfaitement étranger ; des hommes experts ont déclaré ne pas en connaître la nature. Il est rouge d’or, incorruptible, et d’une pesanteur extraordinaire ; en le touchant on croit avoir dans la main une barre de fer[concernant cette Sainte relique, d’autres traditions rapportent le même fait, en particulier en ce qui concerne la résurrection de Saint Materne (Cf. § 6.1.15.5 Saint Euchaire et Valère de Trèves), le bâton pastoral de Saint Pierre ayant été partagé entre les Eglises de Cologne et de Trèves. Je ne saurais donc être péremptoire sur le sujet, non sur l’authenticité du miracle réalisé et de l’existence dudit bâton, que sur sa réelle localisation. De même l’Eglise de Bordeaux atteste qu’elle possédait la précieuse relique (Cf. 6.1.15.11 Saint Martial de Limoges]. Quant à la partie supérieure, échue à Saint Front comme étant la plus noble, la plus digne, et qui fut apportée à Périgueux par le Saint lui-même, elle s’est perdue probablement en même temps que le corps de Saint Front […]. Après avoir quitté Vésone[la ville antique de Périgueux], Saint Front, sans quitter personnellement le centre, s’occupa de l’évangélisation du voisinage, des autres villes et des campagnes par ses disciples, parmi lesquels nous trouvons Frontaise, Séverin, Séverien et Silain. Et il les envoyait deux à deux à l’exemple de Jésus […]. Tout dans Saint Front prêchait l’Evangile […]. Et puis, lorsqu’il avait passé le jour à remplir le ministère de la parole, le soir venu, à l’exemple de Jésus encore il veillait et priait. Il avait coutume de se retirer dans une petite cellule, ou plutôt dans un oratoire qu’il avait bâti en l’honneur de la Mère de Dieu, sur la montagne où s’est fondé le monastère de Périgueux du moyen âge, appelé, du séjour qu’y fit l’Apôtre, Puy-Saint-Front. Les historiens et les chroniqueurs qui se sont occupés des antiquités de Vésone, nous parlent de cet oratoire de la Mère de Dieu, consacré par Saint Front, et qui fut, comme nous le dirons plus tard, le lieu de sa sépulture […]. L’itinéraire que suivit le Saint apôtre en quittant Vésone[fut le suivant : il passa par la ville actuelle de Pressac, puis à Brantôme mais], la gloire d’établir le Christianisme dans cette ville et d’en être le premier évêque, était réservée à Ausone, disciple de Saint Martial. Etant sorti d’Angoulême, il parcourt la Saintonge où il lui est donné de cueillir en peu de jour une abondante moisson […]. De Saintes, l’apôtre se dirige vers Bordeaux[…]. En quittant les environs de Bordeaux, notre apôtre se dirigea vers la ville de Blaye[…]. De Blaye, Saint Front revint à Saintes, où il fut honorablement reçu des chrétiens […], mais il fut chassé par le gouverneur de la ville nommé Arcade, après l’avoir fait battre de verges. Mais la nuit suivante, il priait comme son divin Maître l’avait prescrit, pour Arcade son persécuteur, quand un ange lui apparut et lui ordonna de la part de Dieu de rentrer dans la ville. Il eut la consolation d’y former un grand nombre de chrétiens, auxquels il laissa le diacre Nectaire, après l’avoir sacré évêque. De Poitiers il se rendit à Tours, où il guérit une fille paralytique. Il fît dans cette ville peu de conversions, à cause des gentils qui se soulevèrent contre lui et le contraignirent de s’éloigner et de se retirer au Mans, où il fut reçu avec de grands honneurs par les chrétiens de cette ville et Saint Julien, qui en était évêque […]. Saint Front sortit du Maine et se dirigea vers la Normandie, accompagné des bénédictions des peuples auxquels il avait ouvert les voies du salut en faisant connaître Jésus-Christ […]. Du Passais, Saint Front s’avança vers le Beauvaisis où il ne devait pas s’arrêter, mais seulement jeter les premières étincelles de la foi. L’honneur de convertir les Bellovaques, d’en être le premier apôtre, le premier évêque, le premier martyr, était réservé à Saint Lucien, qui devait être envoyé par Saint Clément. En quittant le Beauvaisis, l’apôtre se rendit à Soissons[…]. Un puissant Seigneur de Lorraine avait une fille unique, tourmentée cruellement par le démon, lequel, adjuré de sortir de son corps et de l’abandonner, avait répondu :’Je ne sortirai que lorsque je serai chassé par le bienheureux Saint Front, disciple de Jésus de Nazareth’. Ce Seigneur envoya donc à Soissons chercher le Saint qui se hâta de venir et guérit la possédée. Le bruit du miracle vola jusqu’à Metz, dont Clément était évêque, envoyé en même temps que Saint Front par l’apôtre Saint Pierre. Clément bénit Dieu des œuvres qu’on lui racontait de Saint Front ; il vint à lui et le pria d’honorer de sa présence la ville de Metz […]. Il n’est point dit si notre Saint fit un long séjour à Metz, en la compagnie de Saint Clément […]. Depuis longtemps l’Esprit Saint lui suggérait le désir de visiter Saint Georges et les fidèles de l’église de Vélaunes. Il voulait aussi remplir un autre pieux devoir, non moins cher à son cœur, aller saluer Sainte Marthe, qui souvent lui avait donné à manger et l’avait reçu dans sa maison lorsqu’il était en la compagnie de Jésus. Elle était en ce moment dans la Provence, en un lieu appelé depuis Tarascon. Il quitta donc la ville de Metz, et s’achemina vers les montagnes du Velay. Mais dans le même temps, Georges, son ami, avait quitté Vélaunes, fuyant, lui aussi, la persécution, et était descendu dans la Gaule Narbonnaise, en évangélisant plusieurs peuples, et, après de long travaux, le désir de revoir Saint Front l’attirait vers le Périgord. Dieu permit qu’ils se rencontrassent. Ils tressaillirent de joie, et leur première pensée fut de remercier Dieu. Bientôt Saint Front communiqua à Saint Georges son désir de visiter Sainte Marthe, les deux amis se dirigèrent ensemble vers la Provence et arrivèrent au lieu où la Sainte faisait sa demeure […]. En quittant Sainte Marthe, Saint Front et Saint Georges résolurent d’aller visiter Saint Saturnin, leur ami, élevé comme eux à l’école du Sauveur, et ils se dirigèrent vers la ville de Toulouse […]. La légende raconte que Saint Front prêcha l’Evangile dans l’Agenais[…], ce fut sans doute en revenant de Toulouse à Vésone qu’il traversa ce pays où déjà Saint Martial, l’apôtre de l’Aquitaine, avait prêché l’Evangile […]. De l’Agenais, Saint Front se hâta d’entrer dans le Périgord. Il était pressé par sa charité et l’inspiration divine de retourner auprès des fidèles de Vésone[…]. Un jour que le Saint était à ‘autel, célébrant les mystères sacrés, Jésus-Christ lui apparut en la compagnie des anges et au milieu d’une éclatante lumière, et lui dit : « Venez à moi, mon bien-aimé, venez en ma gloire, pour être récompensé de vos labeurs […], dans huit jours je vous appellerai à moi » […]. Son premier soin fut de choisir son successeur, de laisser un autre père à ses enfants, un autre pasteur à son troupeau. Calépode, ce disciple qui avait gouverné l’église de Vésone pendant l’exil du Saint, avait déjà reçu la récompense de ses travaux, et, depuis sa mort, Saint Front avait jeté ses vues sur Anian, autre disciple très fervent et très zélé […]. Le huitième jour venu, il se fit un grand concours de peuple […]. Il célébra les saints Mystères et imposa les mains à celui qu’il avait désigné pour son successeur […]. L’oblation du sacrifice étant terminée, le Saint Apôtre se prosterna devant l’autel de Saint Etienne. Il fut à l’instant enveloppé d’une vive lumière, et on entendit une voix qui l’appelait à la couronne et au ciel où son nom était écrit dans le livre de vie. Elevant la voix, il remercia une fois encore la très Sainte Trinité et rendit doucement son âme à Dieu. C’était le 25 octobre, la 42 ième année après la mort de Notre Seigneur, qui était, selon le cardinal Baronius, la septième du pontificat de Saint Lin et la cinquième du règne de Vespasien ».

Voir également le § 6.1.4.2 Vie de Sainte Marie-Madeleine et de Sainte Marthe par Raban Maur, évêque de Mayence, où Saint Front de Périgueux est explicitement cité.

6.1.15.8 Saint Julien du Mans

Le « Martyrologe Romain » indique que Saint Julien du Mans est fêté le 29 janvier. Nous lisons à la page 132 :

« Au Mans, le décès de Saint Julien, premier évêque de cette ville, que Saint Pierre envoya dans la Maine pour y prêcher l’évangile ».

Du tome 1 de la « Légende dorée » (version traduite par l’Abbé J.-B. M. Roze), pages 239 et 240 :

« Julien pourrait venir de ‘jubiler’ et ‘ana’ en haut, Julianus ou Jubilianus, qui monte au ciel avec jubilation ; ou bien encore de Julius, qui commence et amie, vieillard, car il fut vieux en longanimité dans le service de Dieu ; mais il commença par se connaître lui-même.

Julien fut évêque du Mans. On dit que c'est Simon le lépreux que le Seigneur guérit de sa lèpre et qui invita Jésus-Christ à dîner. Après l’ascension de Notre-Seigneur, il fut ordonné évêque du Mans par les apôtres. Il fut illustre, par ses nombreuses vertus et ressuscita trois morts, après quoi il mourut en paix. On dit que c'est ce Saint Julien qui est invoqué par les voyageurs, afin qu'ils trouvent un bon gîte: parce que c'est dans sa maison que le Seigneur fut hébergé ».

Du tome 2 des « Petits Bollandistes » :

- extraits des pages 40 à 43 :

« Si l’on en croit la tradition, Saint Julien, apôtre et premier évêque du Mans, est le même que Simon le Lépreux, qui eut le bonheur de voir le Fils de Dieu fait homme manger à sa table. Il se fit depuis son disciple, et fût envoyé en France par le prince des Apôtres, Saint Pierre […]. Il avait pour compagnon de ses travaux apostoliques le prêtre Thuribe et le diacre Pavace, qui furent ses successeurs ; ils s’avancèrent tous trois vers la capitale de la province qu’ils devaient gagner à Jésus-Christ, Suindinum, ville forte, qui n’occupait qu’une partie de l’enceinte actuelle du Mans. Arrivés sous les remparts, ils trouvèrent les portes fermées, car la ville était en guerre avec ses voisins, et semblait se mettre en garde contre un coup de main. Ils furent donc obligés de prêcher d’abord dans les campagnes, où ils purent convertir et baptiser quelques idolâtres. Toutefois ils ne s’écartaient guère de la ville, épiant l’occasion d’y entrer. Julien, pour obtenir cette faveur, priait, pleurait devant Dieu et se livrait à de grandes austérités. Enfin, ses vœux furent exaucés. Les habitants étant un jour sortis en assez grand nombre, parce qu’ils manquaient d’eau, Julien profite de cette circonstance, se présente à eux, leur prêche le vrai Dieu et la rédemption des hommes par Jésus-Christ, et, pour montrer la vérité de sa parole et de sa mission, il plante son bâton en terre, se jette à genoux, prie, et fait jaillir une source abondante en un lieu où l’eau était naturellement rare, comme on s’en est assuré dernièrement en creusant un puits artésien tout près de là. Cette fontaine s’appela Centonomius, ou mieux Sancti-Nomius, le bienfait du Saint ; elle coule encore aujourd’hui et porte le nom de Saint-Julien ; on la montre sur la place de l’Eperon : elle est décorée d’un bas relief représentant le miracle : nouveau Moïse, Saint Julien, en habits pontificaux, fait jaillir l’eau du rocher en le frappant de son bâton pastoral ; à ses pieds, une jeune fille remplit son urne dans l’eau miraculeuse. Le bruit de cette merveille se répand ; on accourt de tous côtés pour en être témoin ; Julien est l’objet de l’admiration et du respect universel ; il est conduit comme en triomphe dans la ville et écouté d’abord avec curiosité. Mais, quand on vit combien il était difficile de pratiquer la nouvelle religion qu’il apportait, la plupart des cœurs se fermèrent […]. Mais les habitants riches et puissants, voyant dans sa doctrine la condamnation de leurs mœurs corrompues, le persécutaient. Heureusement l’homme le plus influent de la ville, un Gaulois honoré par les suffrages de ses concitoyens de la fonction de défenseur, qui consistait à veiller à la protection et à la sûreté du peuple, ayant appris la merveille opérée par cet étranger, désira le voir. Il le fit venir à son palais, situé dans la partie la plus élevée de la ville, à l’endroit où s’élève aujourd’hui la cathédrale. Julien ayant rencontré à la porte de ce magistrat un aveugle qui lui demandait l’aumône, lui rendit la vue. Ce nouveau prodige fit une vive impression sur le défenseur ; il accueillit notre Saint avec le plus grand respect, se fit instruire dans les vertus chrétiennes, reçut le baptême avec sa femme et toute sa famille, et donna, pour en faire une église, la plus grande salle de son palais, appelée, comme dans toutes les demeures des grands, chez les Romains, basilique. Cette cathédrale fut d’abord consacrée sous l’auguste titre de la Sainte Vierge et du Prince des Apôtres, Saint Pierre ; elle porta plus tard les noms des saints martyrs de Milan, Gervais et Protais, et enfin celui de Saint Julien. Notre Saint, voulant réunir en une sainte assemblée les chrétiens, non-seulement pendant leur vie, mais aussi après leur mort, choisit pour leur sépulture un lieu peu éloigné, mais hors de la ville ; il le consacra et y éleva un oratoire en l’honneur des saints apôtres Pierre et Paul. Là s’élève aujourd’hui l’église Notre-Dame du Pré […]. Après avoir triomphé de la religion romaine dans la cité, Julien entreprit de combattre celle des Gaulois (le druidisme), qui était bien plus puissante, car les druides avaient une grande renommée de science et, de plus, ils étaient persécutés pour avoir défendu l’indépendance de leur nation contre les vainqueurs : deux motifs qui les rendaient chers au peuple. On assistait avec empressement aux mystères qu’ils célébraient dans les forêts et les landes si communes en ces contrées. Mais, en dehors de ces réunions, chaque famille gauloise vivait séparée, dans des huttes formées de terre et de branchages. Il fut donc bien plus difficile d’évangéliser les campagnes que les villes. Julien et ses compagnons surent pourtant y gagner des âmes à Jésus-Christ et y former des églises. Leurs conquêtes s’étendirent jusque dans le pays des Arviens et des Diablintes (Les Arviens avaient pour chef-lieu Vagoritum, Argentan, dans la partie Nord-Est du Maine, et les Diablintes, situés entre la Loire et la rive gauche de la Seine. Arcolica, Aurilly, Diablintes ou Jubleins ; Eburovices ou Evreux. Les Cénomans faisaient eux-mêmes partie de la confédération des Diablintes). Les prodiges furent plus que jamais nécessaires : près de Saint-Julien en Champagne, et de Neuvy, les pieds de l’apôtre laissèrent sur une pierre leur empreinte miraculeuse, que l’on montre encore. Rencontrant sur son chemin un cortège funèbre qui conduisait à sa dernière demeure un défunt illustre, nommé Jovinien, il s’adresse au père de l’adolescent mort, et à la troupe d’idolâtres qui l’accompagnent, leur fait promettre qu’ils embrasseront la religion de Jésus-Christ s’il leur démontre sa divinité par la résurrection de celui qu’ils pleuraient, et adresse à Dieu une fervente prière. Le mort ressuscite et s’écrie : ‘Il est vraiment grand le Dieu que Julien annonce’ ; puis il dit à son père : ‘Nous adorions les démons ; je les ai vus dans l’enfer, où ils souffrent des tourments éternels’. Au bruit de ces merveilles, une foule nombreuse accourait et suivait partout le Saint, comme autrefois Jésus-Christ. Un jour qu’ils se rendait au domaine de Pruillé-l’Eguillé, le maître, qui était païen, le pria de loger chez lui. Mais au moment même où Julien arrivait, une jeune enfant, fils de son hôte, mourut. Cela ne l’empêcha point d’entrer dans cette maison pour y séjourner. Seulement il passa la nuit en prières, et, le lendemain, on trouva l’enfant plein de vie et de santé. Ses parents et les témoins de sa résurrection demandèrent à embrasser une religion qui s’annonçait par de tels prodiges et de tels bienfaits[…]. Son zèle à détruire le culte des faux dieux suscita à Julien de grandes persécutions. Un jour, près d’Artins, une foule d’idolâtres s’assemblèrent furieux autour de lui, menaçant de le tuer ; loin de trembler, notre Saint entre dans le temple, et, par la seule invocation du nom de Jésus-Christ, renverse et réduit en poussière une idole énorme ; il en sort un serpent qui se jette sur ses propres adorateurs et en fait périr un grand nombre. Alors les idolâtres, au lieu de menacer l’apôtre, implorent son secours ; celui-ci fait le signe de la croix et commande au reptile de s’enfuir sans faire de mal à personne. Il est obéi. Tout ce peuple se convertit, renverse lui-même ce temple païen, se fait instruire et baptiser. Le défenseur, étant venu trouver le saint évêque pour lui dire que la cité réclamait son retour, fut témoin d’un grand prodige. Comme ils parcouraient ensemble la campagne, ils rencontrèrent un enfant qu’un effroyable serpent avait enlacé dans ses anneaux, et se préparait à dévorer. Tous les assistants frémirent d’horreur. Le Saint s’approcha, fit une fervente prière et le reptile creva par le milieu du corps. Lorsqu’ils rentrèrent dans la cité, parmi la foule qui fêtait le retour de son pasteur, se mêlèrent beaucoup d’idolâtres, entre autres deux énergumènes qui se présentèrent à Julien pour être guéris. Celui-ci mit les démons en fuite au nom de Jésus-Christ. Après avoir pris part à un banquet avec les principaux fidèles, heureux de revoir leur père, et réglé ce que réclamaient les besoins de son église, Julien, refusant l’hospitalité que lui offrait le défenseur, retourna à la pauvre habitation qu’il avait choisie près de la ville, et à ses travaux apostoliques […]. Envoyé par le vicaire de Jésus-Christ, l’apôtre des Cénomans retourna à Rome pour lui rendre compte de sa mission, demander la confirmation de son œuvre et l’érection de cette nouvelle Eglise. Il en rapporta, avec d’abondantes bénédictions, des reliques qui, en fixant la dévotion des idolâtres fraîchement convertis, les détournèrent du culte superstitieux qu’ils rendaient encore aux fontaines, aux bois et aux rochers. Il est probable qu’il ramena aussi de Rome de nouveaux ouvriers évangéliques ; il ne négligea aucun moyen pour augmenter et instruire son clergé ; tout porte à croire qu’il établit à cet effet une école où il enseigna d’abord lui-même. Enfin, épuisé de fatigue, comblé de mérites, et sachant que sa fin était proche, il voulut s’y préparer dans la solitude. Il confia donc le soin de son église à Thuribe, et se retira, à une demi-journée de marche de la ville du Mans, sur les bords de la Sarthe, à l’endroit où s’élève aujourd’hui le bourg de Saint-Marceau. Au bout de quelque temps, une fièvre lente l’avertit de sa dernière heure. Il fit alors assembler autour de lui les clercs et les principaux fidèles, leur recommanda l’obéissance à son successeur, puis, pendant que les mains étendues vers le ciel il louait Dieu et lui rendait grâce, son âme se sépara doucement de son corps et s’envola vers le séjour qu’elle avait mérité, le 27 janvier 117, selon plusieurs anciens auteurs, après 43 ans, 3 mois et 17 jours d’épiscopat ».      

Voir également le § 6.1.4.2 Vie de Sainte Marie-Madeleine et de Sainte Marthe par Raban Maur, évêque de Mayence, où Saint Julien du Mans est explicitement cité.

6.1.15.9 Saint Ruf d’Avignon

Le « Martyrologe Romain » indique que Saint Ruf est fêté le 12 novembre. Nous lisons à la page 273 : 

« A Avignon, Saint Ruf, premier évêque de cette ville ».

Du tome 3 des « Petits Bollandistes », page 604 :

« C’est une ancienne tradition de l’église d’Avignon que Saint Ruf, son premier évêque, était fils de ce Simon le Cyrénéen qui aida Jésus à porter sa croix. On dit que Simon avait quitté la Lybie et la ville de Cyrène, sa patrie, après la perte de sa fortune, et qu’il était venu à Jérusalem avec ses deux fils Alexandre et Rufus. Ayant été témoin des merveilles qu’opérait Jésus, il crut en lui et fut compté parmi les disciples. Après l’ascension du Sauveur, Ruf s’attacha à Saint Paul et vint à Rome avec le Docteur des nations. C’est de lui, on le croit, que parle Saint Paul, dans l’épître aux Romains, lorsqu’il dit : ‘Saluez Rufus, élu dans le Seigneur’, bref éloge qui montre suffisamment la sainteté du bienheureux Ruf. Il suivit Saint Paul en Espagne où cet Apôtre l’établit chef de l’Eglise de Tortose naissante. Sur la demande des habitants de Valence émus des merveilles opérées à Tortose, il envoya dans cette ville quelques-uns de ses disciples pour y porter la lumière de l’Evangile. Il passa ensuite les Pyrénées avec Paul-Serge, que l’Apôtre des Gentils avait ordonné évêque de Narbonne, et vint fonder l’église d’Avignon. Il propagea l’Evangile d’une manière étonnante dans la contrée et fit bâtir, dit-on, une chapelle sur le Rocher, où, selon la tradition, Charlemagne fit élever plus tard la basilique de Notre-Dame des Doms. Comblé d’années et de mérites, Rufus s’endormit dans le Seigneur vers l’an 90. Le martyrologe romain le mentionne le 12 novembre : les églises d’Avignon et de Tortose célèbrent sa fête le 14 du même mois ».  

6.1.15.10 Saint Gatien de Tours

Le « Martyrologe Romain » indique que Saint Gatien de Tours est fêté le 18 décembre. Nous lisons à la page 291 :

« A Tours, Saint Gatien, évêque, que le pape Saint Fabien ordonna premier évêque de cette ville, où, célèbre par de nombreux miracles, il s’endormit dans le Seigneur ». 

Du tome 14 des « Petits Bollandistes », pages 364 à 367 :

« Saint Gatien, disciple des Apôtres et premier évêque de Tours, fut envoyé en cette ville, dans le même temps que Saint Trophime à Arles, Saint Martial à Limoges, Saint Saturnin à Toulouse, Saint Paul à Narbonne, Saint Austremoigne en Auvergne […]. Le monde était encore plongé dans les ténèbres de l’idolâtrie, car il y avait peu de temps que Jésus-Christ était monté au ciel. Gatien trouva les habitants de sa ville de Tours adonnés à toutes sortes de superstition : aux divinités de la patrie ils avaient ajouté les dieux de la puissante Rome, dont ils subissaient l’empire. Il n’eut pas plus tôt reconnu la profondeur des ténèbres où ces pauvres idolâtres se trouvaient plongés, qu’il chercha les moyens efficaces de les en retirer. Il commença par des leçons évangéliques très familières, dans lesquelles il leur fit clairement connaître la vanité des idoles, l’impossibilité de la pluralité des dieux, la fausseté du culte superstitieux qu’ils rendaient aux divinités qu’on les obligeait d’adorer ; et, après avoir ainsi dissipé les erreurs du paganisme, détruit toutes les vaines cérémonies du pays, et anéanti dans les esprits toutes les fausses idées qu’ils avaient conçues touchant les dieux de l’empire, il leur présenta les lumières de la foi évangélique, leur annonça le vrai Dieu, et leur en prouva l’unité de la vérité ; il les fit ensuite descendre dans la connaissance des trois personnes de la Sainte Trinité ; il leur fit comprendre la nécessité du mystère de l’Incarnation et la venue de Jésus-Christ sur la terre ; il leur parla du second avènement du Sauveur comme juge, qui viendrait un jour récompenser le mérite de ceux qui auraient bien fait pendant leur vie, et condamner à des peines éternelles ceux qui auraient mal fait. Il les accoutumait aussi en même temps au culte du vrai Dieu, substituant sagement des pratiques et des exercices évangéliques aux cérémonies superstitieuses auxquelles ils étaient attachés. Il serait difficile d’expliquer ici en combien de manières les plus opiniâtres du pays s’opposèrent aux desseins de notre zélé missionnaire, soit en interrompant ses instructions, soit en le dénonçant aux magistrats, ou en le maltraitant et en le menaçant de le faire mourir ; aussi ce prudent Apôtre, suivant le conseil de Jésus-Christ, allait-il se cacher dans une grotte creusée de ses propres mains dans les rochers qui bordent la rive septentrionale de la Loire et où s’éleva plus tard l’illustre abbaye de Marmoutier. Entouré de broussailles et de ronces, ce lieu était d’un difficile accès, et l’Apôtre put facilement s’y soustraire à la haine des païens et y réunir ses rares néophytes. Maintenant encore le pieux pèlerin peut visiter cette grotte, presque en ruine, qui fut le berceau du christianisme en Touraine. Saint Gatien avait dédié ce petit oratoire à la Vierge Marie, Mère de Dieu. L’histoire de sa vie nous assure même que, dans le temps des retraites qu’il était contraint de faire dans les cavernes et dans les forêts éloignées, il le laissait pas d’être suivi d’un grand nombre de ses disciples et de retourner même en certains jours dans les villes et dans les bourgades, soutenir la foi des nouveaux chrétiens […]. La sainteté de sa conduite, la dureté qu’il exerçait envers son corps, ses jeûnes, ses veilles, sa prière continuelle, son désintéressement, son extrême bonté, sa prudence en tout de qu’il entreprenait, sa patience à supporter les injures, les calomnies et les menaces, sa profonde humilité, toutes vertus inconnues jusqu’alors à ces peuples ; cet assemblage de tant de perfections engageait ces esprits à reconnaître qu’il y avait en cet homme quelque chose d’extraordinaire et dont ils n’avaient point encore vu d’exemple ; de sorte que, quoique le saint évêque ait été privé de la consolation de voir de grands fruits se sa maison dans les commencements, la précieuse semence néanmoins qu’il avait jetée ne laissa pas de présenter dans la suite une très-abondante moisson, dont il eut la joie de faire l’heureuse récolte […]. A la puissance de la parole divine, Gatien ajoutait celle des miracles, et ce furent principalement les opérations extraordinaires qu’il faisait qui étonnaient et arrêtaient ceux qui contribuaient le plus à la persécution qu’on exerçait contre les nouveaux fidèles. En effet, il n’y avait point de maladie à laquelle il n’apportât quelque guérison, ni de démons dont il ne se rendit le maître et qu’il ne chassât par les exorcismes ; le seul signe de la croix était le moyen le plus ordinaire et le plus puissant dont il se servait en ces occasions ; ce domaine souverain, que Saint Gatien exerçait avec tant de facilité sur les puissances de l’enfer, contraignait les plus incrédules à confesser que la religion de celui qui avait une si grande autorité était la véritable qu’il fallait suivre. Ce fut alors que la persécution se ralentit, que les conversions furent plus fréquentes, que le culte des idoles fut négligé, que les cérémonies païennes furent méprisées et les autels abandonnés et démolis. L’estime et l’autorité que le saint prélat s’était acquises prévalurent enfin tellement dans l’esprit du plus grand nombre des hommes, que l’on eut la liberté d’ériger d’autres autels et de petits oratoires où ceux qui avaient embrassé la foi pouvaient s’assembler ; on construisit dans les bourgades d’alentour, comme dans la ville de Tours, des lieux convenables qu’on appelait de petites églises, pour s’exercer dans les fonctions de la vrai religion : on en compte jusqu’au nombre de huit […]. On y apprenait à chanter les louanges du vrai Dieu, on y formait des clercs pour être élevés aux dignités de l’Eglise ; on y ordonnait des prêtres pour soutenir la gloire du sacerdoce et exercer les fonctions ecclésiastiques ; on y administrait les sacrements et on s’y assemblait au moins le jour du dimanche pour y recevoir la nourriture nécessaire au nouvel état que l’on avait eu le bonheur d’embrasser […]. Enfin, notre saint prélat ayant rempli glorieusement tous les devoirs de sa mission, étant dans un âge fort avancé, accablé du poids des travaux évangéliques, ayant pourvu à toutes les nécessités pressantes des églises qu’il avait établies, et n’ayant plus de désirs que pour le ciel, il sentit avec bonheur approcher le moment du repos et l’heure de la récompense. Un jour le saint apôtre, accablé de fatigues et de vieillesse, était étendu sur sa couche ; un sommeil léger venait de s’emparer de lui, lorsque Jésus-Christ lui apparaissant, l’éveilla et lui présenta lui-même son corps, comme un viatique, pour le fortifier à cet instant suprême où il allait quitter la vie. La maladie suivit de près cette visite divine, et elle fit de si rapides progrès, que sept jours après, le quinzième des calendes de janvier, Gatien était au ciel. On représente Saint Gatien : 1° célébrant la messe ou l’office dans une espèce de grotte (il fut le premier, en effet, qui érigea des autels au vrai Dieu et fonda des oratoires chrétiens en Touraine) ; 2° assemblant les fidèles dans des souterrains, à cause de la persécution ; 3° en groupe avec les premiers apôtres des Gaules : Saint Trophime d’Arles, Saint Paul de Narbonne, Saint Saturnin de Toulouse, Saint Denis de Paris, Saint Austremoigne d’Auvergne, Saint Martial de Limoges ».            

Culte et reliques

« Saint Gartien fut enseveli hors de la ville, dans le cimetière des pauvres, au lieu où s’éleva plus tard l’église de Notre-Dame-la-Pauvre qui, fière et heureuse d’un tel trésor, fut dans la suite nommée par le peuple fidèle, Notre-Dame-la-Riche. De longues années s’étant écoulées, et la vacance du siège ayant duré longtemps après la mort du bienheureux Gatien, le peuple avait oublié le lieu de sa sépulture ; Saint Martin le connut par une révélation spéciale, et il fit alors transporter le corps du saint évêque dans son église principale, au milieu d’un concours immense du peuple. Animé d’une grande dévotion pour son illustre prédécesseur, il allait souvent le prier ; il ne s’éloignait point de sa ville épiscopale et n’y rentrait jamais sans se prosterner devant son tombeau. Or, un jour il y vint, selon son habitude, il y pria avec beaucoup de larmes, puis, avant de se retirer, il dit au très glorieux Gatien :’Homme de Dieu, bénissez-moi’. Et aussitôt une voix sortit de la tombe, et l’on entendit distinctement ces paroles : ‘serviteur de Dieu, je t’en prie, bénis-moi’ […]. Les reliques de Saint Gatien, apôtre de Touraine, avaient échappé en partie aux fureurs sacrilèges des Huguenots, qui commirent tant d’excès à Tours en 1562. Ces fragments précieux ont péri durant la Révolution de 1793. L’église métropolitaine en possède néanmoins des parcelles assez considérables qui lui ont été données, en 1827, par l’église de Saint-Waast d’Arras, sur la demande de Mgr Augustin-Louis de Montblanc, archevêque de Tours. Saint Gatien est spécialement invoqué pour recouvrer promptement les choses perdues ou dérobées. La fête de notre Saint est marquée au 18 décembre dans les martyrologes d’Adon et d’Usuard, comme dans celui de France ».

6.1.15.11 Saint Martial de Limoges

Le « Martyrologe Romain » indique que Saint Martial de Limoges est fêté le 30 juin. Nous lisons à la page 204 : 

« A Limoges, en France, Saint Martial, évêque, avec les deux saints prêtres Alpinien et Austriclinien, dont la vie a été éclatante par des miracles ».

Du tome 1 de « Biographies Evangéliques » :

- chapitre 12, pages 320 et 321 :

« Ainsi que l’Evangile nous l’apprend, après la guérison du paralytique, Notre-Seigneur s’était retiré sur une montagne, de l’autre côté du lac de Tibériade, tant de fois honoré de sa divine présence. Une grande foule l’avait suivi, les uns à pied, les autres en barques, tous oubliant les nécessités de la vie, avides seulement des paroles du bon Maître et des guérisons qu’il opérait sur toute espèce d’infirmités. Cependant le soir approchait, et ce bon peuple n’avait pris aucune nourriture. Emu de compassion, Notre-Seigneur voulut pourvoir à ses besoins. S’adressant à l’apôtre Philippe, celui-ci manifesta l’impossibilité de trouver dans le désert de quoi donner à manger à toute cette multitude. ‘Pour cela, dit-il, deux cents deniers de pain ne suffiraient pas’ ».

- chapitre 13, page 321 :

« Philippe avait raison. D’après les calculs monétaires, deux cents deniers n’auraient pu procurer qu’une livre de pain à deux mille personnes. Or comme il y avait cinq mille hommes, trois mille sans compter les femmes et les enfants, eussent été privés de toute nourriture      (Cf. Mt 14,19). Cependant l’apôtre ajoute naïvement : ‘Il y a ici un petit garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons’. La réponse de Philippe constatait, aux yeux de tous, l’éclatant miracle qui allait opérer ».

- chapitre 14, pages 321 et 322 :

« Il n’y a rien de nouveau sous le soleil, dit Salomon. Ce jeune garçon était un petit marchand de poissons, qui avait suivi la foule afin de vendre des provisions alimentaires ; car cinq pains et deux poissons étaient trop pour son usage personnel. L’humanité est toujours la même : ce qu’on vit alors se voit encore aujourd’hui dans les assemblées populaires. De petits marchands arrivent dans toute sorte d’équipage, portant des objets de consommation, qui sur leur tête, qui au bras, qui sur des ânes ou dans des charettes ».

- chapitre 15, page 322 :

« Qui était ce jeune garçon ? C’était Saint Martial, dont la grâce a fait un apôtre illustre, comme des autres pêcheurs de Galilée, suivant le style de la Providence, qui choisit toujours ce qu’il y a de plus faible, pour confondre ce qu’il y a de plus fort. Voici son intéressante histoire. Martial était de la tribu de Benjamin et proche parent, en ligne droite, du premier martyr, Saint Etienne. On croit qu’il était né près de Rama, dans un village où l’on voyait encore au 16 ième siècle une église qui lui était dédiée. A peine âgé de quinze ans, il se mit à la suite de Notre-Seigneur, qu’il ne quitta plus, tout en s’attachant particulièrement à Saint Pierre son parent(1) ». Martial assista à la résurrection de Lazare et à la dernière Cène. C’est lui, avec Cléophas, qui prépara l’eau et le linge pour le lavement des pieds. Après la résurrection, il fut présent aux apparitions du Sauveur, et mangea avec lui du poisson rôti et du gâteau de miel. Au cénacle avec les apôtres, il reçut l’effusion du Saint-Esprit. Ainsi parle le très ancien bréviaire des Carmes, selon l’usage de Jérusalem et du Saint Sépulcre ».

Note :

(1) : « En font foi, les actes de Saint Martial disciple du Christ, parent de Saint Pierre, dont les manuscrits se trouvent dans le très ancien code, à savoir le sanctoral dédié à la Passion de la Basilique majeure de Saint Jean du Latran à Rome ». 

- chapitre 16, pages 322 et 323 :

« Devenu le compagnon inséparable de Saint Pierre, comme Saint Luc de Saint Paul, Martial demeura cinq ans avec le chef des Apôtres, à Jérusalem, sept ans à Antioche ; et quand Saint Pierre partit pour Rome, afin de combattre Simon le Magicien, il l’accompagna dans ce voyage. C’était l’an 42 de Notre-Seigneur et la seconde année du règne de l’empereur Claude. Martial pouvait avoir vingt-cinq ans. Son séjour à Rome fut d’environ une année. Ce terme écoulé, il fallut se séparer pour toujours de son cher maître. Averti par Notre-Seigneur, Pierre appela Martial et lui ordonna d’aller porter le flambeau de la foi aux peuples de la Gaule Aquitaine. Depuis la division des Gaules faite par César, l’Aquitaine s’étendait depuis les Pyrénées jusqu’à la Loire, et depuis l’Océan jusqu’au Rhône. Vingt peuples différents en occupaient le territoire qui comprenait : le Limousin, le Berry, l’Auvergne, le Quercy, le Rouergue, le Languedoc, le Bordelais, l’Armagnac. On voit quel vaste champ Martial avait à défricher (1).

Note :

(1) : « Le Pape Jean XX, successeur de Benoît VIII, ayant appris que quelques-uns se permettaient de contester à Saint Martial le titre d’apôtre de l’Aquitaine, rendit un décret affirmant que le Prince des apôtres, Saint Pierre, avait envoyé Saint Martial dans les Gaules prêcher à de nombreux peuples la doctrine du Christ ». 

- chapitre 17, pages 323 et 324 :

« Confiant dans sa mission, le conquérant apostolique se met en route avec deux prêtres, Alpinien et Austriclinien, Zachée et Bérénice, femme de Zachée. La petite troupe se dirigeait avec ardeur vers les Gaules, lorsqu’un fâcheux évènement vint retarder sa marche. On était arrivé près de Florence, à une petite ville qui s’appelait autrefois Grachhianum, et qui porte aujourd’hui le nom de Granciano, près de Colle di Val d’Elsa, lorsque Austriclinien tomba malade et mourut ».

- chapitre 18, pages 324 et 325 :

« Désolé de cette mort qui compromettait le succès de son apostolat, Martial retourne à Rome et, les larmes aux yeux, rapporte à Saint Pierre le malheur qui vient d’arriver. ‘Prenez mon bâton, lui dit Saint Pierre, vous toucherez le mort et il ressuscitera’. Martial se hâte de revenir à Grachhianum : en présence de tout le peuple, il s’approche d’Austriclinien, qui, à l’attouchement du bâton de Saint Pierre, se lève plein de vie. Or c’était le quarantième jour après sa mort. Convertis par ce miracle, les habitants de Granciano prirent Saint Martial pour patron et firent bâtir une église au lieu même où fut ressuscité Austriclinien. Cette église était à quarante pas du pont appelé Grascia. Saint Martial emporta avec lui le bâton miraculeux qui opéra un grand nombre de prodiges. Il fut plus tard conservé avec soin dans l’église de Saint-Seurin, de Bordeaux, où il était encore à la fin du 17 ième siècle».   

- chapitre 21, page 326 :

« Remplie de joie par la résurrection d’Austriclinien, la petite troupe apostolique se remit en marche vers les Gaules, où elle arriva bientôt. Martial attaqua vigoureusement le démon, maître souverain de ces belles contrées. Ses exemples autant que sa doctrine et ses miracles, jetaient les peuples dans l’étonnement. De l’étonnement naquit l’admiration, puis la confiance, la foi, le désir du baptême, suivis de conversions éclatantes et nombreuses. ‘Chose remarquable ! Dit un savant auteur, à peine trouverez-vous quelque partie de l’univers qui ait embrassé l’Evangile avec autant d’avidité que la Gaule. Aussi, il n’y a pas de pays qui puisse lui disputer l’honneur d’avoir eu pour le cultiver plus d’hommes apostoliques. En effet, Saint Paul allant en Espagne laissa Trophime à Arles et Crescent à Vienne. Marseille et Aix reçurent peu après l’Ascension les prémices de la foi par les soins de Lazare, Maximin, Marthe et Madeleine’ (1).

Note :

(1) : « Feuardent, chapitre 3 du livre 1 de Saint Irénée ». 

- chapitre 22, pages 326 et 327 :

« Le premier miracle que l’on rapporte de Saint Martial dans le Limousin fut fait à Tullum (Toulx). Le saint y avait reçu l’hospitalité d’un homme riche nommé Arnauld. Il y demeura deux mois, prêchant chaque jour au peuple la parole de Dieu. Or Arnauld avait une fille qui était possédée du démon. Dieu le récompensa de son hospitalité par la guérison de sa fille. Un jour le démon dit à Saint Martial :’Je sais que je sortirai de cette jeune fille, parce que les Anges qui sont avec toi me tourmentent cruellement ; mais je te conjure par le Crucifié que tu prêches de ne pas m’envoyer dans l’abîme’. Le Saint lui commanda d’aller dans un lieu désert. Aussitôt le démon sortit. La jeune fille demeura comme morte ; mais le saint apôtre, lui prenant la main, la fit lever et la rendit saine et sauve à son père ».

- chapitre 25, pages 328 et 329 :

« […] La réception qu’on lui fit à Abun (Agedunum), où il alla en sortant de Toulx, fut bien différente. Les prêtres des faux dieux survinrent pendant qu’il prêchait ; ils excitèrent le peuple contre lui et ses compagnons, et ils les battirent cruellement. Pendant qu’on les traitait ainsi, Saint Martial levait ses mains au ciel : ‘Seigneur, disait-il, vous êtes notre refuge dans la tribulation qui nous environne ; délivrez-nous de ceux qui nous persécutent ».

- chapitre 26, page 329 :

« Dieu exauça la prière de son serviteur : ceux qui le frappaient devinrent aveugles. Etonnés de ce prodige, les prêtres allèrent en tâtonnant jusqu’à l’idole de Mercure qu’ils interrogèrent en vain. Ils s’adressèrent ensuite à l’idole de Jupiter, d’où une voix leur dit que Mercure n’avait pu leur répondre, comme il avait coutume de faire, parce que les Anges de Dieu le tenaient enchaîné dans les flammes depuis le moment où ils avaient injurié et frappé Martial le serviteur de Dieu. Les prêtres vinrent alors se jeter aux pieds de Saint Martial, qui leur pardonna et leur rendit la vue. Après quoi il les conduisit devant la statue de Jupiter, auquel il dit :’Au nom du Seigneur Jésus, je te commande, démon, de sortir de ce simulacre et de le briser en présence de tout ce peuple’. Aussitôt la statue fut réduite en poudre. Plus de deux milles personnes se convertirent. Saint Martial, les ayant baptisés, reçut du Seigneur l’ordre d’aller prêcher la foi à Limoges, où il se rendit avec ses disciples ».

- chapitre 33, pages 332 et 333 :

« L’œuvre évangélique avançait rapidement grâce au concours que donnaient à Saint Martial, par la sainteté de leur vie et par l’éclat de leurs miracles, ses deux compagnons Alpinien et Austriclinien, dont le martyrologe romain fixe la fête au 30 juin. De son côté le bienheureux Martial continuait avec succès son ministère apostolique. Suivant la promesse de Notre-Seigneur, le don des miracles lui était donné. Six morts ressuscités, un grand nombre de malades guéris, les démons sous des formes horribles, chassés des lieux qu’ils hantaient ou des personnes qu’ils tyrannisaient, attestaient avec éclat le pouvoir surnaturel du saint, et lui conciliaient la confiance et le respect ».

- chapitre 35, page 333 :

« Limoges évangélisé, Martial parcourut toute l’Aquitaine, fonda les églises de Mende, de Rodez, de Clermont, de Toulouse, de Bordeaux, de Bazas et d’autres encore. L’ancien catalogue des saints du diocèse de Limoges assure qu’il consacra quatre églises en l’honneur de la Sainte Vierge ; six en l’honneur de Saint Etienne en Aquitaine : l’une à Limoges, les autres à Bourges, Périgueux, Cahors, Toulouse et Agen ».

- chapitre 36, pages 333 et 334 :

« Dans la ville de Bordeaux, Zachée et Véronique avaient préparé les voies à la prédication de l’Evangile. [Saint Martial y opéra de nombreux miracles] ».

- chapitre 42, page 337 :

« [Leur souvenir] est resté vivant à travers les siècles. En l’an 994, Gombaud, archevêque de Bordeaux, assistant à Limoges à la translation du corps de Saint Martial, parlait ainsi dans une prière qu’il fit au saint apôtre de l’Aquitaine : « Ne tenons-nous pas pour assuré que la ville de Bordeaux, où est le siège de mon archevêché, a été par vous convertie à Dieu ? Nos pères nous ont appris qu’une femme, après avoir reçu de vous le saint baptême, avait appliqué votre bâton pastoral au prince de Bordeaux son mari, qui était atteint d’une pernicieuse maladie, et qu’aussitôt il avait recouvré la santé. N’est-ce pas le même bâton qui éteignit le violent incendie qui menaçait de réduire toute la ville en cendres ? Et c’est pourquoi nous l’avons gardé précieusement jusqu’à ce jour(1) ».

Note :

(1) : « Le Père Bonaventure, tome 2, pages 302 et 303 ».

- chapitre 43, pages 337 et 338 :

« A la fin du 17 ième siècle, et probablement jusqu’à la révolution, le bâton de Saint Pierre était enfermé dans un étui d’argent avec une glace de cristal pour le laisser voir. Le peuple avait une très grande confiance en ‘cette Verge Sacrée’, comme l’appellent nos vieux historiens. Dans les temps de grandes pluies ou de longue sécheresse, on allait en procession à Saint-Surin chercher la Verge du nouveau Moïse. On la portait en chantant des psaumes jusqu’à la fontaine de Figueyroux, située entre le palais Galiène et les Chartrons, et on la plongeait dans l’eau sans l’ôter de son étui. Il semble que l’eau ne pouvait résister à la vertu toute puissante de Pierre, dont l’ombre seule opérait des miracles ; car peu après la pluie tombait ou cessait de tomber, selon les besoins du peuple. Et il arriva plusieurs fois que la procession, avant de rentrer à Saint-Surin, fut mouillée de la pluie qu’elle avait attirée du ciel ».

- chapitre 44, page 338 :

« Limoges possédait un autre souvenir de Saint Martial non moins précieux : c’est le calice qu’il apporta de Rome et dont il se servait dans ses voyages. Le Père Bonaventure de Saint-Amable, historien du saint apôtre, le vit en 1680. C’était un vase petit et sans ornement. On y voyait seulement ajouté au bas le buste de Saint Martial avec trois fleurs de lys en chef, qui sont les armes de Limoges. On avait coutume de le porter aux personnes malades de la fièvre et d’autres infirmités, pour les faire boire dedans : beaucoup en recevaient du soulagement et plusieurs étaient guéris ».

- chapitre 47, pages 339 et 340 :

« Afin de conserver dans la ferveur les peuples qu’il avait enfantés à Jésus-Christ, Saint Martial établit que tous les habitants du Limousin et des pays d’Aquitaine les plus voisins viendraient à Limoges, prier dans l’église cathédrale et y faire des offrandes, quatre fois l’année, aux Quatre-Temps. Au 12 ième siècle, vers 1175, l’évêque de Limoges, Gérard du Cher, voulant conserver cette coutume immémoriale, frappa de l’amende d’un denier ceux qui négligeraient de s’acquitter de ce devoir, et cela sous peine d’excommunication ».

- chapitre 48, page 340 :

« Des difficultés étant survenues à cette occasion, le Pape Alexandre III délégua pour en connaître le cardinal Pierre, évêque de Tusculum. Le prince de l’Eglise maintient la coutume, mais changea la peine pécuniaire en interdit ecclésiastique. Dans le décret qu’il rendit pour terminer le différent, le cardinal constate l’antiquité et l’authenticité de l’ordonnance de Saint Martial. Il dit : « Saint Martial, le très heureux docteur de l’Aquitaine, établit que tous les hommes du Limousin et des pays les plus voisins viendraient quatre fois l’année, aux Quatre-Temps, visiter la très sainte église de son siège, où il avait résidé vingt-huit ans en qualité d’évêque ; laquelle église était dédiée en l’honneur du premier martyr Saint Etienne, et qu’ils présentassent dans ce temple, couverts de cendres et revêtus d’un cilice, l’hommage de leurs prières avec des offrandes et des luminaires ».

- chapitre 51, page 341 :

« A Limoges, un fait perpétué jusqu’à nos jours constate encore la tradition de l’apostolat de Saint Martial et de son identité avec le petit marchand de poissons de l’Evangile. Lorsqu’un nouvel évêque prend possession de son siège et qu’assis sur son trône il reçoit l’hommage de ses diocésains, le premier personnage à le reconnaître pour le successeur de Saint Martial est un petit évêque de quinze ans qui vient, en chape, mitre en tête et crosse à la main, se prosterner devant lui ».

- chapitre 52, page 342 :

« Le grand apôtre des Gaules, Saint Martial, avait combattu le bon combat. Pour lui l’heure de la récompense était venue. Le divin Maître en avertit son fidèle serviteur. Il lui apparut dans une gloire inexprimable et lui dit : ‘La paix soit avec toi. Parce que tu m’as obéi fidèlement, tu seras toujours avec moi dans la lumière éternelle’. Saint Martial, rempli de joie, lui dit : ‘Seigneur, votre présence me donne une vie nouvelle. Votre voix pleine de douceur est pour moi comme un parfum délicieux. Car vous êtes mon Seigneur et mon Dieu, le Fils du Dieu vivant, que j’ai vu, que j’ai connu, que j’aime, et dont le souvenir est toujours resté dans mon âme. Jésus, bon Pasteur, conduisez-moi à cette lumière que vous avez promise à ceux qui vous aiment’. Notre-Seigneur reprit : ‘Dans quinze jours je viendrai à toi, et je te recevrai avec les Anges, les Prophètes et les Apôtres’ ».

- chapitre 53, pages 342 et 343 :

« Lorsque les disciples de Saint Martial apprirent que sa fin était proche, ils se réunirent autour de lui pour recevoir ses derniers enseignements. Il les instruisit encore une fois et leur fit ses adieux. Quand ils le virent près d’expirer, ils ne purent retenir leurs gémissements et leurs sanglots. Alors Saint Martial levant sa main défaillante leur fit signe d’écouter et dit : ‘n’entendez-vous pas ces beaux chants qui viennent du ciel ? Sans doute c’est le Seigneur qui vient comme il l’a promis’. En ce moment on vit une grande lumière et on entendit une voix qui disait :’Ame bénie, sors de ton corps et viens jouir avec moi de la paix et de la gloire qui n’a pas de fin’. Et pendant que son âme montait dans cette clarté, on entendit les anges qui chantaient ce verset du psaume : ‘Heureux celui que vous avez choisi et que vous avez appelé à vous : il habitera dans vos parvis éternels (Ps 64,5) ».

- chapitre 54, page 343 :

« Le lendemain un paralytique qui était privé de l’usage de tous ses membres, ayant été porté près du corps de Saint Martial, fut aussitôt guéri. Beaucoup d’autres malades, d’aveugles, de démoniques, recouvrèrent aussi la santé par la vertu du suaire de Saint Martial que Saint Alpinien, son disciple, leur faisait toucher. Comme on portait le corps au lieu où Sainte Valérie avait été inhumée et où fut bâtie plus tard la célèbre abbaye de Saint Martial, on vit dans le ciel une grande lumière qui s’étendait jusqu’au sépulcre comme ils avaient honoré la mort du Saint apôtre. Saint Martial entra dans la gloire après vingt-huit ans d’épiscopat après l’ascension de Notre-Seigneur, la troisième du règne de Vespasien. Sa fête fut fixée au 30 juin ».

Voir également le § 6.1.4.2 Vie de Sainte Marie-Madeleine et de Sainte Marthe par Raban Maur, évêque de Mayence, où Saint Martial de Limoges est explicitement cité.

6.1.15.12 Saint Paul de Narbonne

Le « Martyrologe Romain » indique que Saint Paul de Narbonne est fêté le 22 mars. Nous lisons à la page 156 : 

« A Narbonne en France, la naissance au ciel de Saint Paul, évêque, disciples des apôtres, que l’on dit être le même que le proconsul Sergius Paulus, baptisé par le bienheureux apôtre Paul, et qui, lorsqu’il allait en Espagne, fut nommé évêque de Narbonne. Ce saint ayant dignement rempli le ministère de la prédication évangélique, et opéré d’éclatants miracles, entra dans le séjour de la béatitude ».

Aux pages 67 et 68 de l’ouvrage « l’hagiologie nivernaise » nous est précisé que « Saint Paul partit de Rome avec Saint Denis, Saint Trophime, Saint Gatien, Saint Saturnin, Saint Austremoine et Saint Martial, pour venir porter dans les Gaules la lumière de l’Evangile. Saint Paul s’arrêta à Narbonne, dont il fut le premier évêque, et où il mourut, sans avoir eu le bonheur, comme la plupart de ses compagnons, de féconder par son sang la terre où il avait déposé la précieuse semence. On ne sait au juste l’année de sa mort ; sa fête se célèbre le 22 mars (Plusieurs auteurs graves veulent que ce saint soit le même que Sergius Paulus, converti et baptisé par Saint Paul)». En ce qui concerne son culte nous savons qu’en « 878, Trudegaud, abbé de Saissy-les-Bois, envoya à Nîmes quelques-uns de ses moines, pour réclamer des reliques de Saint Baudèle, leur patron. Ils furent assez heureux pour réussir dans leur pieuse démarche ; l’archevêque de Narbonne leur accorda des reliques considérables de leur saint patron, et leur donna de plus une partie du corps de Saint Paul. Ces saintes reliques furent transportées dans le monastère de Saissy, où elles furent reçues avec une grande solennité par Wibaud, évêque d’Auxerre, et conservées avec honneur dans la nouvelle église que Trudegaud avait fait bâtir. Les reliques de Saint Paul furent probablement perdues, ainsi que celles de Baudèle, lors de la prise de Saissy par les Normands, au dixième siècle, ou par les protestants qui ravagèrent le monastère. Cependant le riche trésor de Varzy possède encore un ossement du saint apôtre de Narbonne ; le reliquaire où il est renfermé est de bois argenté, fait en forme de bras, vêtu d’une manche fort plissée avec une étiquette : « De Sancto Paulo Apostolo ». La notice indique formellement qu’il s’agit de l’apôtre de Narbonne ».    

Voir également le § 6.1.4.2 Vie de Sainte Marie-Madeleine et de Sainte Marthe par Raban Maur, évêque de Mayence, où Saint Paul de Narbonne est explicitement cité.

6.1.15.13 Saint Saturnin de Toulouse

Le « Martyrologe Romain » indique que Saint Saturnin est fêté le 29 novembre. Nous lisons à la page 282 : 

« A Toulouse, Saint Saturnin, évêque, qui du temps de l’empereur Dèce [dans la continuité  de ce que nous présentons, vraisemblablement bien avant], fut arrêté par les païens dans le Capitole de cette ville, et précipité du haut des degrés jusqu’en bas. Ayant eu la tête brisée, la cervelle répandue, et tout le corps déchiré, il rendit à Jésus-Christ son âme digne des récompenses éternelles ».

Des « Recherches sur les origines des Eglises de Reims », pages 67 à 73 :

« Grégoire de Tours a dit, dans son Histoire des Francs : Sous le consulat de Dèce et de Gratus, comme on s’en souvient par une tradition fidèle, la ville de Toulouse commença à avoir Saint Saturnin pour évêque. Mais on lit aussi dans son traité de Gloria martyrum : Saturnin, martyr, a été, dit-on, ordonné par les Disciples des Apôtres. Ces deux pièces présentent une contradiction flagrante. Le consulat de Dèce et de Gratus eut lieu l’an 250, et les Disciples des Apôtres appartiennent au premier siècle et à la première moitié du second […]. Reprenons [un autre passage] du texte de Grégoire de Tours : Du temps de Dèce, sept personnages ordonnés évêques furent envoyés pour prêcher dans les Gaules, comme le raconte l’histoire du martyre de Saint Saturnin, car elle dit : sous le consulat de Dèce et de Gratus, comme on s’en souvient par une tradition fidèle, la ville de Toulouse commença à avoir Saint Saturnin pour évêque ; voici donc ceux qui furent envoyés : aux habitants de Tours, l’évêque Gatien ; à ceux d’Arles, l’évêque Trophime ; à Paris l’évêque Denis ; en Auvergne, l’évêque Austremoine, et à Limoges, l’évêque Martial. Ainsi, point d’équivoque possible : c’est dans l’histoire du martyre de Saint Saturnin que Grégoire de Tours a trouvé les noms des sept évêques. [Cependant], la légende de Saint Saturnin ne parle en aucune manière des sept évêques. Elle dit simplement : Sous le consulat de Dèce et de Gratus, comme on le sait par une tradition fidèle, la ville de Toulouse eut Saint Saturnin pour premier évêque. Cette erreur de l’évêque de Tours avait déjà frappé Dom Ruinart[…]. D’où provient donc cette inexactitude de l’historien des Francs ? A M. l’abbé Faillon appartient l’honneur d’en avoir découvert la source. Dans son livre sur l’apostolat de Sainte Marie Madeleine, ce savant a prouvé que Saint Grégoire n’avait eu pour composer ce qu’il rapporte de la mission des sept évêques, que les actes de Saint Saturnin et ceux de Saint Ursin de Bourges ; qu’ils avait pris de ceux-ci le nom de ces évêques, de ceux-là la date de leur mission[…]. Nous sommes donc convaincu, comme l’ont été les auteurs de l’Art de vérifier les Dates, que Saint Saturnin, premier évêque de Toulouse, a été envoyé dans les Gaules par les apôtres ».

Voir également le § 6.1.4.2 Vie de Sainte Marie-Madeleine et de Sainte Marthe par Raban Maur, évêque de Mayence, où Saint Saturnin de Toulouse est explicitement cité.

6.1.15.14 Saint Trophime d’Arles

Le « Martyrologe Romain » indique que Saint Trophime est fêté le 29 décembre. Nous lisons à la page 296 : 

« A Arles, la naissance au ciel de Saint Trophime, dont parle Saint Paul dans son épître à Timothée. Ordonné évêque par cet apôtre, il fut le premier envoyé en cette ville pour prêcher l’Evangile. De cette source de prédication, comme l’écrit le pape Saint Zozime, toute la Gaule reçut les ruiseaux de la foi ».

Des « Recherches sur les origines des Eglises de Reims », pages 39 à 42 :

« Raban-Maur, qui a écrit au 9 ième siècle et sur d’anciens documents, une vie de Sainte Marie Madeleine, compte Saint Trophime non seulement parmi les plus illustres disciples de Jésus-Christ, mais encore parmi les plus anciens. On sait en effet que les disciples étaient divisés en deux classes, et qu’on désignait sous le nom d’anciens ceux qui avaient accompagné le Sauveur depuis son baptême jusqu’à sa mort. On lit dans le martyrologe d’Usuard, écrit en 873 : ‘A Arles, fête de la naissance de Saint Trophime, dont parle Saint Paul dans son épître à Saint Timothée. Saint Trophime ordonné évêque par cet apôtre, fut envoyé le premier dans ladite ville pour y prêcher l’évangile du Christ. Le martyrologe de Saint Adon, qui était évêque de Vienne dit, au 29 décembre :A Arles, jour de la naissance de Saint Trophime, évêque et confesseur, disciple des apôtres Pierre et Paul. Saint Adon vivait en 859. Trophime est qualifié d’évêque, disciple des apôtres par le petit martyrologe romain, qui est de 740. En 440, dix-neuf évêques de la province d’Arles écrivent au Pape Saint Léon pour revendiquer les privilèges que l’église de Vienne avait enlevés à cette métropole. ‘Toutes les provinces de la Gaule savent, disent-ils, et la sainte Eglise romaine ne l’ignore pas, que la cité d’Arles est la première ville de Gaule qui ait mérité de recevoir pour pontife Saint Trophime, envoyé par le bienheureux apôtre Saint Pierre, et que, de là, le don de la Foi s’est répandu peu à peu dans les autres provinces des Gaules’. En 417, le Pape Zosime avait déjà dit de Saint Trophime : ‘Assurément, il ne faut point déroger à ce privilège de la ville métropolitaine d’Arles, vers laquelle fut envoyé en premier lieu l’évêque Trophime, source première de laquelle toutes les Gaules ont reçu les ruisseaux de la foi’.    Il est vrai que Grégoire de Tours a obscurci la question en prétendant que la mission de Saint Trophime datait du 3 ième siècle : ‘Sous Dèce, dit-il, sept hommes ordonnés évêques furent envoyés dans les Gaules, comme le raconte l’histoire de Saint Saturnin, martyr. Elle dit en effet : Dèce et Gratus étant consuls, comme on s’en souvient par une tradition fidèle, la cité de Toulouse reçut pour premier chef saint Saturnin. Voici ceux qui furent envoyés : à Tours, l’évêque Gratien ; à Arles, Trophime, évêque ; à Narbonne, Paul, évêque ; à Toulouse, Saturnin, évêque ; à Paris, Denis, évêque ; en Auvergne, Austremoigne, évêque ; Martial fut désigné pour être évêque de Limoges’. Le consulat de Dèce et de Gratus a eu lieu en 250. Si ce que dit Grégoire de Tours est vrai, et nous prouverons plus tard d’une manière péremptoire qu’il y a dans ce passage une erreur manifeste, comment expliquer que trois ou quatre ans plus tard, ce siège aurait été occupé depuis longtemps par Marcien, que les évêques des Gaules dénoncèrent au Pape Saint Etienne comme un partisan de l’hérétique Novatien ?Il y a longtemps, dit Saint Cyprien, qu’il s’est séparé de notre communion ; qu’il lui suffise d’avoir laissé mourir, les années précédentes, plusieurs de nos frères sans leur donner la paix !Saint Cyprien écriait cette lettre avant sa dispute avec Saint Etienne, c'est-à-dire, au plus tard, l’an 254, où eut lieu la controverse sur le baptême. La lettre des dix-neuf évêques de la Gaule que nous venons de citer, celle du Pape Zosime, démontrent encore combien peu de foi il faut ajouter à ce passage de Grégoire de Tours. Toutes deux ont pour objet de revendiquer les privilèges d l’Eglise d’Arles, usurpés par celle de Vienne ; toutes deux s’appuient sur le fait que Saint Trophime est venu le premier prêcher la Foi dans les Gaules. Et cependant il est prouvé que l’Eglise de Vienne, était déjà florissante au   2 ième siècle, comme le démontre la lettre de cette église et celle de Lyon aux églises d’Asie, sous Marc-Aurèle, en 177. Donc Saint Trophime n’a pu venir à Arles sous le consulat de Décius et de Gratus ; donc, le passage de Grégoire de Tours est complètement erroné.       Et voyez comme tout s’enchaîne : Si Saint Trophime est venu à Arles sous l’apostolat de Saint Pierre, il s’ensuit naturellement que Saint Denis de Paris a été envoyé dans les Gaules par Saint Clément. ‘En effet, dit l’abbé Faillon, les anciens actes de Saint Denis conservés autrefois à Angoulême, supposent que Saint Denis ne vint à Arles qu’après la port de Trophime. D’après ces actes, Saint Denis fut envoyé par Saint Clément avec six autres de ses compagnons : Philippe, Marcelin, Saturnin, Lucien, Rustique et Eleuthère. Ils se rendirent tout d’abord à Arles, et, de là, dans chacun des lieux qu’ils devaient évangéliser. Ces actes ne faisant pas mention de Saint Trophime ; on doit conclure que celui-ci, qui certainement est des plus anciens, était déjà mort. C’est au reste ce que confirme expressément l’ancienne liturgie d’Arles : On y lit que le Pape Saint Clément envoya Saint Denis, Saint Rustique, Saint Eleuthère pour prêcher dans les Gaules ; que ces prédicateurs allèrent droit à Arles… ; que Saint Denis laissa dans le siège d’Arles un de ses disciples nommé Régulus, qui, de cette sorte, fut le second évêque de cette ville après Saint Trophime ».

Voir également le § 6.1.4.2 Vie de Sainte Marie-Madeleine et de Sainte Marthe par Raban Maur, évêque de Mayence, où Saint Trophime d’Arles est explicitement cité.