6.1.3 Antoine de Ruffi : « Histoire de la ville de Marseille » (1696)

L’« Histoire de la ville de Marseille » écrite par Antoine de Ruffi, dont l’impression a été réalisée en 1696, affirme la venue en France par la mer des grandes figures de l’Evangile comme Lazare, Marie Madeleine, Marthe ou encore Maximin, Celidoine (plus communément appelé Sidoine) qui serait l’aveugle né (Cf. Jn 9,1-40), Joseph d’Arimathie, et d’autres disciples de Jésus-Christ. C’est une source privilégiée, car elle provient de la tradition locale ininterrompue jusqu’à nos jours.

L’exemplaire en ma possession a été intégralement réimprimé en photo-offset copie conforme à l’édition de 1696, qui permet d’avoir exactement le texte, la calligraphie, les inscriptions, les gravures et autres pièces d’antiquité du document original.

Cet ouvrage contient l’histoire de la ville de Marseille, écrit en français du 17 ième siècle, avec privilège du Roi (c'est-à-dire avec l’approbation royale), destiné à Louis XIV dit « le Grand », qui régna de 1643 jusqu’à sa mort en 1715.

Voici dans un premier temps la transcription de la page de garde, faite par mes soins, qu’il est assez aisé de vous présenter dans notre langage courant :

« Histoire de la Ville de Marseille contenant tout se qui s’y est passé de plus mémorable depuis sa fondation, durant le temps où elle a été République & (1) sous la domination des Romains, Bourguignons, Visigots, Ostrogots, Rois de Bourgogne, Vicomtes de Marseille, Comtes de Provence & de nos Rois Très Chrétiens ».

Histoire « recueillie de plusieurs auteurs Grecs, Latins, Français, Italiens & Espagnols, & des Titres tirés des Archives de l’Hôtel de Ville, des Chapitres, Abbayes & Maisons Religieuses de Marseille, & de divers lieux de Provence ».   

Voici ensuite le corps du texte original, qui est véritablement un trésor. Pour le sujet qui nous intéresse nous porterons notre attention sur le livre dixième de l’ « Histoire de Marseille » chapitre 1, intitulé « Etablissement de la Religion Chrétienne dans Marseille. Fondation de l’Eglise de cette Ville. Chronologie des Evêques qui l’ont gouvernée depuis son Origine jusqu’à aujourd’hui » :

« L’Eglise de Marseille est une des premières des Gaules.

Elle tire son Origine de S. Lazare, que les Juifs chassèrent de Jérusalem avec Saintes Marthe, Marie Magdeleine ses sœurs, Marcelle leur Servante, S. Maximin, S. Celidoine qu’on croyait être l’aveugle né, Joseph d’Arimathie, & autres Disciples de Jésus-Christ, parce qu’ils prêchaient hautement la Résurrection du Sauveur du monde, & qu’ils l’avaient aimé chèrement pendant la vie, & pour les faire périr ils les exposèrent dans un vaisseau sans voiles, sans avirons et sans gouvernail ; mais comme il n’y a point de conseil humain, qui le puisse opposer aux arrêt de la providence, cette Sainte troupe, (selon plusieurs bons auteurs, & une Histoire d’Angleterre manuscrite, qui au rapport de Baronius est dans le Vatican), aborda heureusement au Port de Marseille, où s’étant débarquée elle se sépara pour aller prêcher l’Evangile dans tout le reste de la Province : S. Maximin & S. Celidoine allèrent planter la Foi dans la ville d’Aix, d’où ils ont été les premiers Evêques, Sainte Marthe & Sainte Marcelle à Tarascon, Sainte Magdeleine & S. Lazare demeurèrent à Marseille, y prêchèrent l’Evangile, convertirent ce peuple idolâtre, & changèrent au culte du vrai Dieu le Temple de Diane en une Eglise, qui a toujours été le siège des Evêques, & qu’on appelle communément l’Eglise Major, ou l’Eglise Cathédrale.

Il est vrai que Sainte Magdeleine après avoir demeuré quelques temps dans Marseille se retira dans une grotte voisine, sur laquelle l’Abbaye de S. Victor a été bâtie, & delà au quartier d’Aigalades terroir de cette Ville ; mais comme elle était trop exposée au importunités du peuple, elle alla faire pénitence à la Sainte Baume (2) : quant à S. Lazare il passa le reste de ses jours dans Marseille, & la gouverna en qualité d’Evêque jusqu’en l’an quatre-vingts de Notre Seigneur, qu’il y reçut la Couronne de Martyre.

Voilà comme la Foi fut plantée dans Marseille, et sur quels fondements son Eglise fut bâtie […] ».

Notes :

(1) : Reprise volontaire des caractères « & » du texte original, équivalents de la conjonction de coordination « et » en français courant. Ceci afin de donner au lecteur une lisibilité qui soit la plus proche possible du texte d’origine.
(2) : « Baume » vient du provençal (langage local) « Baumo » qui veut dire grotte.

Dans le prolongement de ce que nous venons d’affirmer, il bon de voir la continuité du dessein de Dieu, car même si c’est un fait généralement peu connu, nous pouvons lire dans la basilique du Sacré-Cœur de Marseille que « Marseille est la première ville au monde consacrée au Sacré-Cœur de Jésus ».

Quelle en est la raison ? Les faits remontent au début du 18 ième siècle lors de la grande peste qui décimât une grande partie de la population marseillaise. C’est la raison pour laquelle l’évêque de cette époque Monseigneur Henri de Belsunce consacrât solennellement la ville au Sacré-Cœur de Jésus le jour de la Toussaint 1720. De plus tous les quartiers de la ville ont été placés sous le patronage d’un saint, à savoir, Saint Antoine, Sainte Marthe, Saint Louis, Saint Jérôme, Saint Julien, Saint Barnabé, Saint Just, etc.

Il est bon de noter dans le même temps, que les Litanies du Sacré-Cœur ont été rédigées par Anne-Madeleine Rémusat religieuse visitandine (1696-1730), qui après avoir été approuvées par l’évêque Henri de Belsunce, furent reconnues par l’Eglise universelle. 

Il existe également à Marseille une communauté de moniales qui s’appelle « Victime du Sacré-Cœur ». Cette communauté a été fondée en 1838 par madame Julie-Adèle de Guérin Ricard (1793-1865) dont le charisme est l’union à Jésus Crucifié dans l’état de victime.