6.1.8 Mgr Jean-Joseph Gaume : « Biographies Evangéliques » - Tome 1 (1893)
6.1.8.1 Cadre général de la tradition provençale
- chapitre 40, page 367 :
« […] Dans les persécutions qui suivirent la mort de Saint Etienne, Lazare, Marthe, Madeleine avec plusieurs autres furent arrêtés par les juifs. Pour les faire périr loin des regards du peuple, on les conduisit à l’un des ports de la Palestine et on les jeta dans une barque, qu’on lança en pleine mer, sans rames et sans pilote. Avec Lazare, Marthe et Marie furent embarqués Marcelle leur femme de chambre, Marie Jacobé, Marie Salomé, Maximin, un des disciples, Joseph d’Arimathie, le noble d’écurion et d’autres encore, parmi les plus chers amis du Sauveur. Condamnés à une mort humainement certaine, ils ne périrent pas. Du haut du ciel le divin Maître se fît leur rameur et leur pilote. Comme ces graines d’automne que les vents dispersent aux quatre coins du ciel, et qui donnent naissance à de nouvelles plantes, les illustres exilés, conduits par la Providence, abordèrent aux côtes de Provence, à l’endroit où le Rhône se jette dans la Méditerranée ».
- chapitre 41, page 368 :
« Cet endroit, que la tradition n’a jamais oublié, est la pointe méridionale de la Camargue, appelé le Gras d’Orgon, près duquel est bâtie l’église de Notre-Dame de la Mer et la ville du même nom. Marie Jacobé et Marie Salomé se fixèrent au lieu du débarquement. Les autres membres de la colonie apostolique se rendirent à Marseille. En se séparant sans se diviser, leur but était de hâter la publication de l’Evangile, en attaquant l’idolâtrie sur plusieurs points à la fois. Faute d’abri, Lazare et ses sœurs se logèrent sous le pretyle d’un petit temple abandonné, situé sur le rivage de la mer, devant le portique du grand temple de Diane. La piété des Marseillais a consacré ce lieu à jamais mémorable, en y bâtissant en l’honneur de Sainte Madeleine une petite chapelle isolée, en face de l’Eglise de la Major, au carrefour de Treize Coins. C’est à cet endroit que Sainte Madeleine fit la première prédication de l’Evangile au Peuple de Marseille, qui se rendait en foule au grand temple de Diane ».
- chapitre 42, pages 368 et 369 :
« Bientôt, cette foule attirée soit par la nouveauté du spectacle, soit par le désir de sacrifier aux idoles, arriva en flots pressés autour du temple. Madeleine saisit avec empressement cette occasion de prêcher la foi et de leur parler de son divin Maître. La rare beauté de cette étrangère, la grâce de ses paroles, son éloquence saintement passionnée attirèrent l’attention ; et, dès le premier jour, plusieurs demandèrent le baptême. Le gouverneur de la ville vint lui-même au temple avec sa femme, afin de sacrifier aux dieux. Leur vue enflamme d’une nouvelle ardeur le zèle de sainte Madeleine, qui annonce hardiment la bonne nouvelle.
Moins dociles à la grâce que les petits et les pauvres, ils écoutent et ne se convertissent pas.
Mais la nuit suivante Sainte Madeleine leur apparaît en songe, se plaint de leur incrédulité et leur reproche de laisser exposés à la faim et au froid les serviteurs du Christ, tandis qu’eux et leurs domestiques vivent dans l’abondance. Elle ajoute la menace de châtiments terribles, s’ils ne prennent soin des serviteurs du vrai Dieu.
- chapitre 43, page 369 :
« Le lendemain le gouverneur et sa femme, s’étant communiqué leur songe, s’empressèrent de pourvoir aux besoins de la sainte colonie. Eux-mêmes vinrent trouver Sainte Madeleine qui eut a gloire de les convertir. Le peuple en foule suivît leur exemple. Les temples des idoles furent abandonnés ou détruits, et Lazare, devenu évêque de Marseille, prit soin de cette église naissante.
- chapitre 44, pages 369 et 370 :
« Le règne de son cher Maître établi à Marseille, Madeleine partit pour de nouvelles conquêtes. Comme Notre-Seigneur avait confié la sainte Vierge à Saint Jean, Saint Pierre avait spécialement confié Sainte Madeleine à Saint Maximin, un des soixante-douze disciples, embarqué sur la barque homicide. Maximin se rendit à Aix, alors plongée dans les plus épaisses ténèbres de l’idolâtrie ; avec lui partirent Sainte Madeleine, quelque-unes des saintes femmes et plusieurs autres disciples, entre autres Célidonius, l’aveugle-né de l’Evangile ».
- chapitre 46, page 370 :
« Au lieu des soins excessifs que, pendant sa première jeunesse, Marie donnait à sa personne, depuis sa conversion elle s’occupait si peu de son corps et des besoins de la vie, qu’elle oubliait même de seconder sa sœur, occupée à préparer le repas pour Jésus et ses disciples. Ce détachement surnaturel de tout ce qui est terrestre n’avait fait qu’augmenter avec son amour pour son bon Maître et son impatient désir de le rejoindre dans le ciel. Malgré les fatigues apostoliques, la nourriture de Madeleine était pauvre et presque nulle. Il en était de même de son vêtement, toujours décent et religieux. Ses saintes compagnes, qui l’aimaient d’une affection merveilleuse, pourvoyaient à ses nécessités ».
- chapitre 47, page 371 :
« Cependant le Sauveur voulut que son illustre amie pratiquât, dans une perfection jusqu’alors inconnue, la vie contemplative, qui lui assurait la meilleure part. A quelques lieues d’Arles, entre Nice, Marseille, Avignon et la Méditerranée, est une montagne haute d’environ trois mille pieds d’élévation, sur dix mille de large. Dans le cœur de ce rocher, et à plus de 2 800 pieds de hauteur, s’ouvre une large et profonde grotte, en forme de four et dont l’ouverture regarde l’Occident ».
- chapitre 48, page 371 :
« On y arrive péniblement par des sentiers de création relativement récente. Devant l’ouverture de la caverne, un avancement de rocher forme un petit espace plein. A gauche en entrant et vers le milieu de la grotte, s’élève de quelques pieds un rocher oblong qui va s’abaissant vers l’intérieur de la grotte jusqu’au niveau du sol. Entre ce Rocher et la grotte se trouve une belle source, très fraîche au toucher, très agréable au goût, qui ne tarit et qui ne déborde jamais ».
- chapitre 50, page 372 :
« C’est dans cette montagne, au cœur de cet immense rocher, qu’est la grotte de Sainte Madeleine. Cette grotte est appelée la Sainte Baume. Dans l’ancien langage, baume veut dire grotte ou caverne. La célébrité de la grotte a fait aussi donner le nom de Baume à la montagne même où elle est située. Comment Madeleine, étrangère au pays, découvrit-elle ce lieu sauvage et silencieux ? Comment, jeune encore, seule et délicate, put-elle parvenir à cette grotte d’un accès si difficile ? Il est bien évident qu’elle eut pour guide et pour appui le bon Maître dont la Providence voulait faire de Marie de Magdalum l’incomparable trophée de sa miséricorde et l’éternelle admiration des siècles ».
- chapitre 51, pages 372 et 373 :
« Une tradition aussi ancienne que le christianisme, et tellement sûre qu’elle a passé dans la liturgie catholique, affirmait le séjour de sainte Madeleine à la Sainte-Baume, mais la manière dont le fait avait eu lieu demeurait inconnue. Ce fût vers le milieu du quatorzième siècle que la sainte elle-même daigna la révéler : voici cette occasion. De temps immémorial la grotte était devenue un sanctuaire à miracles, vénéré du monde entier et visité par de nombreux pèlerins. Des religieux dominicains y demeuraient à tour de rôle, pour recevoir les visiteurs et leur donner des secours religieux ».
- chapitre 52, page 373 :
« Un entres autres, plus vénérable encore par ses vertus que par son âge, le frère Elie s’y trouvait en 1330. Il été âgé de quatre-vingt-sept ans, et avait passé la plus grande partie de sa vie au service de la sainte grotte. Un jour, comme des pèlerins étaient venus le visiter, le frère Elie, sentant l‘heure de sa mort approcher, dit aux frères : Portez-moi chez moi ; il désignait ainsi la bienheureuse grotte : les pèlerins l’y suivirent. Lorsqu’il y fut, il s’appuya sur la pierre où Sainte Madeleine avait coutume de prendre son repos et de vaquer à la contemplation, puis le bon vieillard raconta ce qui suit : « Frères, le jour tant désiré de ma mort est arrivé. Ecoutez ce que je vais vous dire à la gloire de Sainte Madeleine et pour votre salut. Désigné par l’obéissance au service de la Sainte-Baume, je vins dans ce désert, mais au bout d’un mois, l’horreur de ces lieux, la solitude profonde qui les enture me causèrent un tel ennui que je résolus de les quitter ».
- chapitre 53, page 373 et 374 :
« J’étais dans cette pensée, lorsque pendant la nuit le rocher me sembla se fendre en quatre ; au dessous de moi je vis l’abîme ; au-dessus, le ciel. Une sueur froide m’inonda et je crus que j’allais mourir de frayeur. Il ne me resta de forces que pour appeler Sainte Madeleine à mon secours. Elle m’apparut aussitôt, le visage rayonnant de lumière, au point que je ne pouvais la fixer. Elle était couverte de ses cheveux, les bras nus et les pieds ornés de fleurs. Inconstant, me dit-elle, c’est pour toi que la montagne vient de s’entrouvrir, pour toi que me voici ; et par moi, si tu veux, tu entreras dans l’éternelle vie. Tu as songé à me quitter ; écoute ce que je vais te dire et tu feras ce que tu désires ».
- chapitre 54, page 374 :
« Tu sais que nous sommes arrivés à Marseille sur une barque conduite par la Providence. Lorsque Marseille et les environs eurent reçu la foi, il se fit autour de nous un tel concours que je songeai à m’éloigner du commerce des hommes ; enlevée par une force divine, je fus déposée à l’entrée de cette grotte ; […], je regardai le lieu où je me trouvais, et voyant qu’il était inaccessible aux hommes, je me prosternai, les yeux baignés de douces larmes, et dis : Grâces vous soient rendues, Jésus mon amour, de ce que vous avez comblé mes vœux. Faites seulement jaillir une fontaine. Ma prière fut aussitôt exaucée, et autour de moi je vis une multitude d’esprits bienheureux qui chantaient dans ma langue maternelle des hymnes de reconnaissance et d’amour à mon bon Maître ».
- chapitre 57, page 376 :
« Depuis ce moment les anges m’ont tenu compagnie.
Sept fois le jour ils m’élèvent si haut dans les airs que j’entends leurs célestes mélodies. Souvent mon bon Maître daigne me visiter dans l’éclat dont il brillait au Thabor. C’est pourquoi, frère Elie, je te conseille et te conjure de rester ici et d’y chanter les louanges de Dieu : c’est pour toi la voie de l’éternelle vie. Ayant ainsi parlé, continua le saint vieillard, la bienheureuse Madeleine disparut, et jusqu’à ce jour, qui est pour moi le dernier, j’ai tenu ces mystères cachés dans le secret de mon cœur. Environ une heure après ce discours, le saint vieillard expira. Aussitôt, comme pour rendre un témoignage et à la sainteté de sa vie et à la vérité de ses paroles, toutes les cloches suspendues aux parois du rocher se mirent à sonner d’elles-mêmes ».
6.1.8.2 Sainte Marie Madeleine
6.1.8.3 Sainte Marthe
- chapitre 25, page 427 :
« La paix dont jouissait l’admirable église de Jérusalem ne fut pas de longue durée. Né dans le sang, l’Eglise doit croître par le sang et triompher par le sang. Un an après l’Ascension de Notre-Seigneur, l’an 34, Saint Etienne avait été martyrisé. Tous les disciples furent dispersés. Seuls les Apôtres purent rester quelque temps encore à Jérusalem avec la Sainte Vierge et les Saintes femmes ».
- chapitre 26, pages 427 et 428 :
« Mais quelques années après, par un conseil adorable de la sagesse éternelle, qui voulait que la gloire de Marthe et de Marie resplendît dans tout l’univers, ces deux amies du Sauveur furent, comme nous l’avons vu dans la vie de Sainte Madeleine, expulsées par les Juifs et miraculeusement conduites aux rivages des Gaules. Arrivée à Marseille, la sainte colonie s’empressa de répondre à sa vocation. La foi reçue à Marseille, Sainte Marthe se rendit à Aix, métropole de la seconde Narbonnaise, puis avec Saint Maximin, elle se dirigea vers les villes d’Arles et d’Avignon.
L’arrivée de cette étrangère, sa vie pauvre, la beauté vénérable de son visage, la noblesse de ses manières, ne tardèrent pas exciter la curiosité publique. On voulut savoir qui elle était, d’où elle venait, ce qu’elle cherchait. Marthe profita de ces dispositions pour annoncer la bonne nouvelle. Ce qu’elle savait du Sauveur, ce qu’elle avait appris de sa bouche, elle le prêchait et le confirmait par des miracles. Un des plus éclatants fut celui que je vais rapporter ».
- chapitre 28, pages 428 et 429 :
« Un jour que Sainthe Marthe annonçait l’Evangile à une grande multitude, on vint, comme à l’ordinaire, à parler du dragon. Pour tenter la sainte, quelques-uns lui dirent : « Si le Dieu que vous prêchez a quelque puissance, qu’il la montre en nous délivrant de ce monstre ». Marthe leur répondit : « Si vous êtes à croire, tout est possible à celui qui croit. - Nous promettons de croire », répondit tout le peuple.
Pleine de confiance en son bon Maître, la sainte demande où est le dragon. On la conduit à l’entrée du Nerluc (niger lucus, noir bois) où l’effroyable animal avait coutume de se tenir, quand il ne cherchait pas sa proie sur les bords du Rhône. Son repaire était une caverne, qui servait de tombeau à un grand nombre d’habitants ».
- chapitre 29, page 429 :
« Marthe entre dans le bois. Le peuple la suit de loin, non sans frayeur. Arrivée à l’entrée de la caverne, Marthe s’arrête et d’une voix assurée dit au monstre : « Au nom de mon Seigneur, Jésus-Christ, je t’ordonne de sortir ».
A l’instant on voit paraître une bête si affreuse que sa vue seule glaçait d’épouvante. C’était un animal d’une longueur et d’une grosseur monstrueuse, qui tenait du crocodile par ses écailles et par ses dents longues et tranchantes, du quadrupède par ses pattes, de la chauve-souris par ses ailes, et du serpent par la queue ».
- chapitre 30, pages 429 et 430 :
« Marthe fait le signe de a croix et s’avance tranquillement vers le monstre, lui lie le cou avec sa ceinture et le tire hors de son antre. Puis se tournant vers le peuple, qui considérait de loin ce spectacle, elle dit : « N’ayez peur ; je tiens le prisonnier. Approchez courageusement au nom de mon Dieu, et mettez-le en pièces ». On hésite. Marthe reprend le peuple de son peu de foi et l’anime à frapper hardiment le dragon. Enfin on se rassure et on s’acharne sur le monstre que l’on met en lanbeaux. Chacun admire le tranquille courage de Marthe qui tient immobile cette bête immense, pendant qu’on la perce de coups. Comme elle habitait dans le voisinage de Tarascon, elle fut, du nom de cette ville, appelée « Tarasque ». C’est ainsi que les peuples de la province de Vienne, ayant vu ou appris ce miracle, crurent au Seigneur et furent baptisés. A partir de ce moment, Marthe fut aimée et honorée comme elle en était digne ».
- chapitre 31, page 430 :
« L’existence de ce dragon dompté par Sainte Marthe n’est ni une fable inventée à plaisir, ni une légende du moyen âge dans le sens moderne du mot, ni une figure représentant le triomphe du christianisme sur le paganisme : c’est un fait réel. Ainsi l’affirme la tradition : tradition sous toutes ses formes : artistique, liturgique, dramatique.
Tradition artistique : la Tarasque est représentée sous une forme horrible, dans l’église de la Major, à Marseille ; dans le cloître de Saint Maximin, à Saint Maximin ; dans l’église de Saint Sauveur à Aix ; dans le cloître de Saint Trophime, à Arles ; et ailleurs.
Tradition liturgique : les anciens livres d’église en font mention, même hors de la Provence, comme à Lyon, Cologne, Auch, Tours, Paris, le Puy en Velay ».
- chapitre 32, pages 430 et 431 :
« Tradition dramatique : une coutume immémoriale en perpétua le souvenir de génération en génération. A Tarascon, le jour de la fête de Sainte Marthe, a lieu une procession solennelle. En tête de la procession et devant la croix, on porte un simulacre de la Tarasque, qu’une jeune fille, vêtue de satin bleu, avec un voile rose, tient attachée par une ceinture de soie. A la main elle tient un bénitier garni d’un grand aspersoir et représente Sainte Marthe triomphant du monstre ».
- chapitre 33, page 431 :
« Autrefois, pour rendre la figure plus frappante, le simulacre marchait, comme s’il était vivant. De temps en temps, il se détournait et poussait sa queue vers les groupes trop rapprochés de son passage ; il avançait la tête et ouvrait sa large gueule, comme pour les dévorer. La jeune fille faisait alors une aspersion sur le monstre qui s’apaisait aussitôt et semblait perdre sa férocité naturelle. Devant et derrière l’animal des hommes armés de vieilles piques ou de masses d’armes, et vêtus d’habits légers qui, par leur forme singulière, imitaient les armures de fer du moyen âge, représentaient le peuple de Tarascon mettant en pièces la Tarasque ».
- chapitre 34, pages 431 et 432 :
« Voulant m'assurer si cette tradition était toujours vivante, je me suis adressé au vénérable archiprêtre de Tarascon. Voici sa réponse : "La procession de Sainte Marthe se fait aujourd'hui comme elle s'est faite de temps immémorial. Elle se compose des fidèles et du clergé, qui précèdent la chasse de Sainte Marthe, portée par les marins pieds nus. C'est depuis longtemps un privilège attaché à leur corporation.
"Quant à la part réservée à la Tarasque, son simulacre, en la forme que lui a donné le roi René, précède la procession, et une jeune fille vêtue en satin bleu avec un voile rose la tient attachée avec un grand ruban de soie. Elle tient un bénitier et un aspersoir et ligure Sainte Marthe triomphant de la Tarasque (1)" ».
NB 1 : « L ancienne forme de la Tarasque ressemblait à un crocodile ». Lettre du 19 decembre 1855.
- chapitre 35, page 432 :
« Ainsi, Sainte Marthe triomphant d’un dragon et, par ce miracle, mettant fin au paganisme dans une partie de la Gaule Narbonnaise : voilà ce que la tradition atteste non comme un symbole, mais comme un fait réel. Pourquoi ne le serait-il pas ? Où est l’impossibilité ? Prétendre que ce n’est qu’un symbole, est une interprétation gratuite, dictée uniquement par la peur du surnaturel. C'est du rationalisme pur, au moyen duquel on peut démolir toute la Bible, à commencer par le serpent du paradis terrestre.
Où est la fausseté de la tradition ? Qui l’a démontrée ? Où sont les monuments nouveaux qui détruisent les anciens ? Qui sommes-nous pour venir, après tant de siècles, contester un fait admis par les contemporains ? Un fait auquel se rattache un immense événement, la conservation d’un peuple ? Un fait qui se perpétue dans le nom môme d’une ville ? Un fait passé dans la croyance générale des plus célèbres Eglises ? Nier n’est pas prouver. La possession fait droit. Jusqu’à ce qu’on ait détruit la base d’un fait, le fait demeure ».
- chapitre 36, pages 432 et 433 :
« D’ailleurs, l’histoire de la Tarasque n’est pas une histoire isolée. Elle est d’autant plus certaine, qu’elle se relie à tout un système de faits analogues, consignés dans les annales de l’humanité, prédits dans l’Évangile et confirmés par la science. Qui ne le sait ? Parmi les premiers apôtres du Christianisme, un grand nombre en mettant le pied sur un sol idolâtre eurent à combattre des serpents affreux, des dragons.
Il suffira de citer : Saint Honoré, dans l’île de Lérins ; Saint Julien, au Mans ; Saint Armel, Saint Tugdal, Saint Efflam, Saint Brieuc, Saint Paul, en Bretagne. Dans le Var "Draguignan", qui doit son nom au combat victorieux d’un de ses premiers apôtres contre un dragon. Je ne sais combien l’histoire nomme de lieux en Ecosse et ailleurs, témoins des mêmes combats ».- chapitre 37, page 433 :
« L’ignorance seule peut s’en étonner. Le démon, sous la forme du serpent vivant, de serpent en chair et en os, a été adoré chez tous les peuples de l’antiquité sans excepter ni les Grecs, ni les Romains, ni les Babyloniens, ni les Égyptiens. Il l’est encore aujourd’hui dans l’Inde et dans une partie de l’Afrique. La Chine et la Cochinchine n’ont pas de plus grand Dieu que le dragon. Comment les premiers apôtres du christianisme n’auraient-ils pas rencontré ce Dieu universel, ce Dieu suprême, ainsi que nos missionnaires actuels le rencontrent encore dans un bon nombre de leurs missions ?
N'est-ce pas en prévision de ce fait que, parmi les pouvoirs conférés aux Apôtres, au moment de partir pour le grand combat contre le Prince et le Dieu du monde païen, Notre Seigneur nomme en particulier celui de triompher non des lions et des tigres, mais des serpents ? Ils en ont triomphé, en effet, soit en les chassant de leurs temples et de leurs bois sacrés, soit en les tuant, soit en les empûchant de nuire : serpentes tollent. Le premier qui se montre investi de ce pouvoir est Saint Paul dans l’île de Malte ».
- chapitre 38, page 434 :
« Il faut ajouter que la forme du monstre dompté par Sainte Marthe n’est pas une raison de nier son existence matérielle. D’abord, l’histoire rapporte des exemples d’animaux monstrueux, dont il serait impertinent de nier la réalité. Tels sont ceux dont parlent Saint Athanase, Sozomène, Fortunat de Poitiers et autres historiens anciens et modernes. De ce qu’on n’en voit plus, conclure qu’on n’en a jamais vu : pauvre raisonnement. Qu’on n’admette pas, si on veut, des espèces monstrueuses qui se perpétuent ; mais comme on voit des monstres parmi les hommes, pourquoi ne s’en trouverait-il pas parmi les bêtes ? Au reste, pour justifier l’existence de la Tarasque, pas n’est besoin de recourir à toutes ces suppositions ».
- chapitre 39, pages 434 et 435 :
« La description de ce monstre, telle qu’elle nous a été laissée par les plus anciens historiens, établit que la Tarasque était un dragon. Or, l’existence du dragon n'est plus douteuse. Pour le chrétien elle ne l’a jamais été. Il a toujours su par l’Écriture que le dragon existait ; et de plus, que c’est la forme et le nom que Satan prenait et devait prendre, pour lutter extérieurement contre l’Église (1).
Quant au voltairien, il en est aujourd’hui pour le ridicule de ses négations. Les découvertes des naturalistes modernes, Cuvicr, Buckland, Zimmermann et autres, accomplies en France, en Angleterre, en Allemagne, ont à jamais fermé
la bouche à l’incrédulité, en mettant au jour les fossiles de ces effroyables dragons ».
(1) : « Draco, serpens antiquus qui seducit univarsum orbem ». Draco, passim ; Apoc. XII.
- chapitre 40, page 435 :
« Laissons notre plus illustre géologue parler du dragon auquel il donne le nom scientifique de Megalosaurus. "Un genre du reptiles bien remarquable, dit Cuvier, et dont les dépouilles abondent dans les sables supérieurs, c’est le Megalosaurus (grand lézard). Il est ainsi nommé à juste titre. Car avec les formes des lézards et particulièrement des monitors, dont il a aussi les dents tranchantes et dentelées, il était d’une taille si énorme, qu’en lui supposant les proportions des monitors, il devait passer soixante-dix pieds de longueur. C’était un lézard comme une baleine (1) ».
(1) : Recherches sur les fossiles, tome 5, partie 2, page 343.
- chapitre 41, pages 435 et 436 :
« Il continue : « Nous voici arrivés à ceux de tous les reptiles, et peut-ûtre de tous les animaux fossiles, qui ressemblent le moins à ce que l’on connaît, et dont les combinaisons de structure paraîtraient, sans aucun doute, incroyables à quiconque ne serait pas à portée de les observer par lui-mômo. Le Pksiusuiifus (2), avec des pattes de cétacé, une tôle de lézard et un long cou, composé do plus de trente vertèbres, nombre supérieur à celui de tous les autres animaux connus, qui est aussi long que son corps, et qui s’élève et qui se replie comme le cor/is des ser/icnts : voià ce que le Plésiosaurus et Vlclitliijüsiiuriis (poisson lézard) sont venus nous offrir après avoir été ensevelis pendant plusieurs milliers d’années sous d’énormes amas de pierres et de marbres (1). »
Parlant du ptérodactyle-géant (doigts agiles) : « Voilà donc, ajoute le grand naturaliste, un animal qui dans son ostéo- logie, depuis les dents jusqu’au bout des ongles, offre tous les caractères classiques des sauriens... C’était en même temps un animal pourvu de moyens de yoler... qui pouvait encore se servir du plus court de ses doigts pour se suspendre; mais dont la position tranquille devait être ordinairement sur ses pieds de derrière, comme celle des oiseaux. Alors il devait aussi, comme eux, tenir son cou renversé et recourbé en arrière, pour que son énorme tête ne rompît pas tout équilibre (2). »
(2) : Forme de lézard.
- chapitre 42, page 432 :
« Écoutons maintenant Zimmermann. « On trouve, dit le savant allemand, des fossiles de sauriens de la taille de la plus énorme baleine. A une de ces monstrueuses espèces appartient YIlydrarchos (roi des eaux), dont le squelette a cent vingt pieds de long... auquel nous joignons un autre monstre, qui paraît justifier toutes les légendes des temps antiques sur le-i dragons ailés. C’est le Ptcrodactylus. Son patagion ou membrane qui sert à voler se déploie entre le pied de devant et le pied de derrière, de façon à laisser les griffes libres pour saisir la proie. La tète du monstre est presque aussi grande que la moitié du tronc. La mâchoire est armée de dents aiguüs et recourbées, qui devaient en faire un terrible ennemi, poulies animaux dont il faisait ses victimes (3) ».
(I) Ueelimliet sur les fossiles, t. V, 2* part., p. 215.
(2, (>/,. , if., p. 245.
(») l.e munite avant ta création de l'homme, lir. XXX.1I, p. 4, û.lit. l-'iG.
Serait-ce un individu do cette espèce dont on a découvert en 18G2 la gigantesque carcasse, dans une tranchée de chemin de fer, en exécution près de Poligny (Jura)? La dimension des os recueillis est telle qu’on ne peut assigner h l’animal retrouvé moins de 30 à 40 mètres de longueur.
- chapitre 43, page 432 :
« Le bois de Nerluc ayant été, comme la Sainte-Baume, délivré du drag.on et les habitants du pays amenés à la loi, sainte Marthe se choisit uno demeure ü Tarascou. Elle s’y fit bûtir une maison do prière qu’elle s’appliqua à enrichir plus par ses vertus et ses miracles, que par des ornements inutiles. Cette petite habitation ou, si on aime mieux, ce petit oratoire, dans lequel la sainte hôtesse de Notre-Seigneur fut inhumée, est l’église basse, où l’on vénère encore son tombeau (I).
Le plus bel ornement de sa maison était Marthe elle-môme. On ne voyait pas sans admiration cette noble vierge, cette femme à miracles, pratiquant un jeûne continuel, vôtue grossièrement, couchant sur un amas de branches d’arbres et de sarments ; se souvenant toujours de son ancienne charité, affable à tous, et en mémoire de son bon Maître, accordant aux membres l’hospitalité qu’elle avait eu le bonheur de donner au chef ».
- chapitre 44, page 432 :
« Elle allait aussi fréquemment dans les villes ot les bourgs, pour annoncer aux peuples la bonno nouvelle. La tradition locale nomme, comme ayant reçu la foi do sainte Marthe, cer-
(I) En 1841 nous avons ou nous-m&nio cotto consolation.
tains lieux voisins de Tarascon, tels que Enanginum, aujourd'hui Saint-Gabriel; Glanum, aujourd’hui Saint-Remi ; Ugevmm, qu’on croit être Pernes, au delà d’Avignon. Avignon môme se croit avec raison redevable delà foi à sainte Marthe (1). Jusqu’à ces derniers temps, c’est dans la grotte où ollo avait habité que le chapitre d’Avignon chantait la messe solennelle le jour de sa fête, et il y avait ce jour-là un grand concours à ce lieu béni ».
- chapitre 45, page 432 :
« La bienheureuse Marthe revenait à sa solitude chargée de gerbes spirituelles; car ce qu’elle enseignait par ses paroles, elle le prouvait par des miracles. Citons le suivant qui eut pour témoin une ville entière : Un jour, assise dans un endroit agréable, près d’Avignon, devant les portes de la ville, entre le Rhône et les remparts, Marthe la très sainte annonçait la parole de vie à la foule des habitants.
Or, un jeune homme qui était sur l’autre rive du Rhône, voyant cette affluence de peuple autour de Marthe, voulut, lui aussi, entendre ce qu’elle disait. Mais il n’y avait en cet endroit ni pont ni barque qui permît de passer le lleuve. Cependant, poussé par une sainte curiosité, se fiant d’ailleurs à son habileté de nageur, ce jeune homme se dépouille, se lance dans le Rhône et commence à nager contre le courant. Tous les yeux de la foule, placéo sur la rive opposée, étaient lixés sur lui. Bientôt il est arrêté au milieu du trajet par les ll"l' bouillonnants, ef. englouti par les ondes où il trouve la mort.
(Il • Avrnioncnsis qurc Intor cæteras ratlied rates ecclosias
illanini |>:irtium cl ipm, a hi-ala Martlia CUriati liospita fundatn. » Dulla Si Mi IV, H|«ud l'aillon, I. I, p. (;oi.
- chapitre 46, page 432 :
« Le peuple pousse un grand cri; et sur-le-champ des pêcheursmontés sur leurs barques vont à sa recherche. Ce n’est que le lendemain vers la neuvième heure qu’on retrouve le corps, qu’on vient déposer aux pieds de Marthe la très sainte. A cetto nouvelle toute la ville accourt. Les plus nobles de l’un et do l’autre sexe supplient à genoux la servante du Soigneur, qu’il leur soit donné de contempler dans la résurrection de ce jeune homme les merveilles du Christ dont elle leur avait parlé ».
- chapitre 47, page 432 :
« Comme son cœur très bon l’y portait, elle acquiesce à leurs prières ; mais à la condition que tous embrasseront la foi chrétionne. De toutes parts un cri unanime s’élève pour lui répondre : « Nous croirons que le Seigneur Sauveur est le vrai Fils de Dieu et Dieu lui-môme. » La sainte se met en prières. Entraînés par son exemple, tous les spectateurs tombent à genoux. Bientôt, la sainte se lève, et s’approchant du cadavre, elle dit: «Au nom du Seigneur Sauveur, Fils de Dieu, levez-vous, jeune homme, et soyez le témoin de la puissance et du la bonté du Dieu que j’annonce. » Lo jeune homme se lève plein do vie : un cri de joie retentit, les larmes coulent; le jeune homme demande le baptême et, après l'avoir reçu, retourne chez lui sain et sauf ».
- chapitre 48, page 432 :
« Plus tard on construisit une chapelle au lieu môme du miracle. Au dernier siècle on la voyait encore dans la rue des Vieilles Lices, appelée aujourd'hui Calade. Nous trouvons le récit de ce miracle dans un des semions de Saint Vincent Fcrrier. Le grand thaumaturge ajoute que Sainte Marthe prêchait alors dans l’endroit occupé plus tard par le couvent des Dominicains ».
- chapitre 49, page 432 :
« Vers le môme temps, il s’éleva dans la province d’Aquitaine une cruelle persécution de la part des gentils, et beaucoup de chrétiens furent envoyés en exil. Parmi eux Front, ou Frontinus, évêque de Périgueux, et Georges, évôque du Puy (1), se retirèrent à Tarascon auprès de sainte Marthe. Elle les reçut avec sa charité ordinaire et les retint jusqu’à ce qu’ils pussent rentrer dans leurs diocèses. En leur disant adieu, la sainte hôtesse du Seigneur parla en ces termes au bienheureux Front : « 0 évôque de Périgueux, sachez qu’à la fin de l’année prochaine, je sortirai de ce corps de mort. Je supplie, s’il vous plaît, votre sainteté de venir m’ensevelir. » L’évêque lui répondit : « J’assisterai à vos obsèques si Dieu le veut et si je vis encore ».
- chapitre 50, page 432 :
« Les pontifes retournèrent à leurs églises, et Marthe la très sainte convoquant les siens auprès d’elle leur prédit que son passago de cette vie à l’autre arriverait après un an. Elle appelait les siens les pieuses vierges qu’elle avait réunies autour d’elle en communauté religieuse et avec qui elle vivait comme avec des sœurs. Pendant l’année qui précéda sa mort, Marthe, brûlée par la lièvre, demeura étendue sur
(I) himiyrs dans les Gaules par saint Pierre.
son noble lit de sarments : c’était l’or qui, avant d’être mis en œuvre, se purifie et s’embellit dans le creuset ».
- chapitre 51, page 432 :
« Enfin, arriva le jour de son bienheureux trépas. Sa bien- aimée sœur, Marie Madeleine, morte depuis huit jours, lui apparut tenant un flambeau à la main. « Ma bien-aimée sœur, lui dit-elle, voici le Seigneur qui approche pour vous rappeler de cette vallée de misères. » A l’instant paraît le Sauveur resplendissant do lumière qui lui dit de sa voix la plus douce: « Venez, mon hôtesse, venez de l’exil, vous qui tant do fois m’avoz donné l’hospitalité. » Le Sauveur accomplissait ainsi la parole du prophète : Bienheureux celui qui a l'intelligence du pauvre : Le Seigneur le délivrera au jour mauvais ».
- chapitre 52, page 432 :
« La vision ayant disparu, Marthe se fit porter dehors, en plein air. On la plaça sur un lit de paille, sous un arbre touffu. G’est là que la sainte hôtessd*du Fils de Dieu s’endormit du sommeil des justes, le huitième jour après la mort do sa sainte sœur Madeleine, dans la soixante-cinquième année do son âge. Les compagnons de sainte Marthe qui ôtaient venus avec elle d’Oricnt cl lui étaient demeurés constamment attachés accoururent au bruit de son bienheureux trépas et déposèrent son corps dans l’oratoire qui lui avait servi de demeure. C’étaient Parmcnas, Germain, Sosthène, Epaphras compagnons eux-mêmes de saint Trophime, évêque d’Ai'les, et aussi Marcelle, servante de Sainte Marthe, Évodie et Syn- tiquo ».
- chapitre 53, page 432 :
« Le lendemain, qui était un dimanche, tous s’assemblèrent à la troisième heure (neuf heures du matin) pour inhumer dignement le saint corps. Et voici qu’à la môme heure, tandis que le pontife saint Front, à Périgueux, allait célébrer la sainto messe, et qu’en attendant le peuple, il sommeillait dans sa chaire, le Seigneur lui apparut et lui dit : « Mon fils, venez et accomplissez la promesse que vous avez faite d’assister aux obsèques de Marthe, mon hôtesse. »
Il dit ; et tous deux en un clin d’œil apparurent à Tarascon dans l’oratoire, tenant des livres à la main, Notre-Scigneur à la tête, l'évêque aux pieds du saint corps. Eux seuls le prirent et le déposèrent dans le tombeau, au grand étonnement des assistants. Les obsèques accomplies, ils sortent.
Un des assistants les suit et demande au Seigneur qui il est et d’où il est venu. Le Seigneur ne lui répond rien, mais il lui donne le livre qu’il tenait à la main. Celui-ci retourne au sépulcre et montre le livre à tous. On y lit à chaque page : « La mémoire de Marthe, hôtesse du Christ, sera éternelle; elle no craindra pas les langues mauvaises. » Il n’y avait rien d’autre dans ce livre ».
- chapitre 54, page 432 :
« Cependant, à Périgueux, lo diacre réveille le pontife, lui disant tout bas que l’heure du sacrifice passe et que le peuple est las d’altendre. « Ne soyez pas troublé, dit au peuple 1e saint évêque, le Seigneur Sauveur m’a transporté avec lui à Tarascon pour onterrer ensemble Marthe la très sainte, suivant la promesse que je lui en avais faite pendant sa vie. Envoyez donc maintenant quelqu’un à Tarascon, qui rapporte mon anneau et mes ganls que j’ai quittés lorsque j'ai placé le saint corps dans le tombeau ».
- chapitre 55, page 432 :
« Qu’on juge de l’étonnement du peuple en entendant ces paroles I sur-le-champ on onvoio des députés à Tarascon. Les habitants de la ville remettent aux députés une lettre pour ceux de Périgueux auxquels ils marquent le jour et l’heure de la sépulture, dont personne à Périgueux ne pouvait avoir connaissance. Ils ajoutent qu’avec l'ront leur évôquc, qu’ils connaissaient fort bien.il s’ôtait trouvé aux funérailles do la bienheureuse Martho un autre personnage, on ne peut plus vénérable, mais qu’ils ne connaissaient pas. Ils parlent aussi du livre et de son contenu, afin do savoir si lcurévôque ne connaîtrait pas ce personnage. Du reste, ils renvoient l’anneau, ainsi que l’un des gants; mais ils gardent l’autro on témoignage d’un si grand miracle. Ce gant a été conservé à Tarascon, dans un reliquaire d'argent, jusqu'à la Itévolution ».
« La présence de saint Front et de Notre-Seigneur aux obsèques de Sainte Marthe est sans doute une grande merveille; mais elle n’a rien d’impossible. Pour le saint évôquc de Périgueux, c’est un fait do bilocation, reproduit nombre do fois dans la vie des saints. Encore au dernier siècle, il eut lieu avec un grand éclat, dans la personno de saint Alphonso de Liguori. Tout le monde sait, ou peut savoir, que le vénérable évôquc, présent îl Nocéra, à dix lieues au delà do Naples, fut vu et bien vu à Itomo, assistante la mort du glorieux Pape Clément XIV.
Quant àNotre-Seigneur, sa présence active à l’enterrement de sainte Marthe est comme une dette de reconnaissance qu’il voulut payer à sa charitable hôtesse. Cette divine pré- senceest attestée par les liturgies des lïgliscs de Provence, Aix, Apt, Marseille, et môme par celles de Lyon, Orléans, Auch, Tours, Paris, Cologne, Constance; par celle des Dominicains et divers autres ordres religieux ».
- chapitre 57, page 432 :
« Pendant le huitième siècle on cacha dans la terre le corps de sainte Marthe, comme celui de sa sœur, pour le soustraire aux profanations des Sarrasins, qui dévastaient alors la Provence. Avec les reliques de la sainte, on mit une tablette de marbre blanc, sur laquelle étaient gravés ces mots : hic Martha jacet : ci-gît Marthe. Cette tablette, trouvée ensuite avec le corps en 1187, fut depuis conservée dans le trésor de l’église de Sainte-Marthe. Le corps de la bienheureuse fut trouvé sans corruption.
Cette merveille est demeurée depuis comme visible à tous les yeux. Elle est môme encore palpable dans la relique insigne de sainte Marthe, que possède l’église de Iloujan, au diocèse de Montpellier. C’est le bras et la main gauche de ce saint corps. La main, qui est mince et petite, cl le bras sont encore revêtus de leur peau, excepté une partie du bras, d’où quelqu’un, par une dévotion peu réglée, a détaché, dit-on, la peau qui manque. Mais dans cette partie mômo où l’os est ainsi décharné, on aperçoit divers cartilages; et, du plus, les doigts de la main sont encore accompagnés île leurs ongles, tous parfaitement entiers, à l’exception du pouco, pareillement enlevé par une piété mal entendue ».
- chapitre 58, page 432 :
« Après co qu’on vient de lire, faut-il s'étonner que les reliques de sainte Marthe aient été de tout temps vénérées par un grand nombre de pèlerins de tous les pays et de toutes les conditions, depuis les plus puissants monarques jusqu’aux plus humbles fidèles? De tout temps aussi, Notre-Seigneur s’est plu à récompenser par de nombreux miracles la confiance des fidèles pour sa chère et bienheureuse hôtesse. Un des plus éclatants fut la guérison de Clovis, notre premier roi chrétien ».- chapitre 59, page 432 :
« L’an 500, ce prince, faisant la guerre à Gondebaud, roi desBurgondes, porta ses armes en Provence. Gondebaud, mis en fuite, se réfugia dans Avignon. Il fut assiégé par Clovis, qui le rendit tributaire. Or, Clovis n’étant qu’à quatre lieues du tombeau de sainte Marthe dut naturellement entendre parler des miracles que cette sainte opérait. Il se rendit à Tarascon.
A peine il eut touché le tombeau delà bienheureuse, qu’il fut délivré d’une affreuse maladie de reins dont il avait été jusqu’alors cruellomont tourmenté.
Eu reconnaissance, il donna à Dieu par une charte scellée de son sceau la terre située autour de l'église de Saintc-Mar- tlic, jusqu’à trois lieues de l’un et de l’autre côté du Rhône : toutes choses que jusqu’à ce jour (au vin0 siècle} possède encoreparun privilège perpétuel la sainte hôtesse du Sei- gnour ».
- chapitre 60, page 432 :
« Le tombeau de Sainte Marthe, qui contient encore ses reliques, est un sarcophage, en marbre blanc, ayant des sujets sculptés sur l’une de ses faces, comme on en voit beaucoup dans les catacombes. Il représente Moïse faisant jaillir l’eau du rocher pour désaltérer le peuple hébreu dans le désert; Notre-Seigneur multipliant les pains et les poissons pour nourrir une grande foule dans le désert; Suzanne entre les deux vieillards figurant l’Église persécutée par les juifs et par les païens; Notre-Seigneur changeant l’eau en vin aux noces de Cana; puis prédisant le reniement de saint Pierre, et enfin ressuscitant Lazare.
C’est l’histoire de la vie chrétienne, où l'âme est d’abord désaltérée et purifiée par l'eau du baptême, sortie de la pierre qui est le Christ: Petra autem erat Chrislus (1). Le Seigneur nourrit ensuite cette âme dans le désert du monde en multipliant pour elle le pain vivant descendu des cieux, afin qu’elle ait la force de résister comme Suzanne aux tentations du démon et aux efforts de la persécution, aux ennemis intérieurs et extérieurs de sa foi. Par sa résistance victorieuse, l’âme, qui était auparavant sans saveur et sans vigueur comme l’eau, devient généreuse et fortifiante comme le vin, et ses mérites lui donnent un goût exquis devant Dieu. Que si cependant elle a quelquefois durant sa vie été faible comme Pierre, elle ne s’est pas découragée en voyant que le Seigneur pardonna à son apôtre repentant; comme lui elle a pleuré ses fautes; et c’est pourquoi elle espère que le Seigneur daignera la ressusciter comme Lazare non pour lu jugement, mais pour la vie éternelle.
0. 1 Cor., X,;».
- chapitre 61, page 432 :
« Quel symbolisme profond dans ce choix des sujets qui ornent un tombeau chrétien! Le baptême, la première communion, la lutte contre les passions et les impies, le progrès dans la vertu, la pénitence, la résurrection, tout est là, de la naissance spirituelle à la naissance éternelle. C’est aussi toule la vio de l’Kglisu, depuis qu’olle est uée du Christ endormi comme Adam, mais sur la croix. De la pierre frappée par la sainte lance est sortie l’eau qui régénère et le sang qui nourrit. Immortello Suzanne, l’Église lutte sans rien perdre de sa pureté immaculée contre ses doux vieux ennemis, l’hérésie et le schisme, qui veulent sans cesse la souiller, mais Noire-Seigneur lui donne force et courage en opérant dans les âmes par sa grâce un changement plus merveilleux que celui qu’il fit à Cana; d’un regard de miséricorde il amène au repentir ceux de ses enfants qui ont faibli comme Pierre ; et comme Lazare il les ressuscite à la vie de la grâce, qui est le principe do la vie de la gloire.
Quand revorrons-nous sur les tombeaux ces belles figures de notre foi et de nos espérances, épitaphes plus éloquentes et plus consolantes que de vaines paroles ? ».
- chapitre 62, page 432 :
« Malheureusement depuis deux siècles le tombeau de sainte Marthe n’est plus visible aux pèlerins ; mais on en a fait mouler les bas-reliefs, il y a une trentaine d’années, et on les a reproduits en fonte dans l’église supérieure. C’est en 1 <>■;:) que lo tombeau fut caché sous un grand lit de parade en marbre blanc qui représente sainte Marthe sur son lit de mort. En 1793 les impies qui avaient mutilé le portail de l’église, brisé les statues des saints et les pierres sépulcrales, voulurent aussi détruire le tombeau de sainte Marthe et profaner ses reliques. Trois fois ils descendirent dans la crypte, et trois fois la puissance divine les arrêta (1). C’est alors qu’un ancien magistrat fit murer l’entrée de la crypte, qui fut rouverte, quelques années après, et où Notre-Seigncur glorifie encore sa sainte hôtesse par des guérisons miraculeuses.
Nous pouvons, et autant que notre condition peut le permettre, nous devons exercer à l’égard des pauvres, les frères de Notre-Seigneur, l’hospitalité et les œuvres de charité que sainte Marthe eut le bonheur d’exercer à l’égard du Fils de Dieu en personne. L’accomplissement ou l’oubli de ce devoir sera la base de la sentence qui, au jugement dernier, réglera notre sort éternel.
(1) L’église de Sainte-Marthe perdit à la révolution une croix de cuivre h deux branches superposées, colle d'en haut plus étroite que colle d’en bas, dont on croit que sainte Marlho se servit quand elle prit la Tarasque. C’est ainsi qu’elle est mentionnée dans un inventaire do H87. Kilo était représentée dans les sculptures du portail qui date du douzièmo sifcclo. Cette croix servit do modèle à celle que portaient les chevaliers, los religieux et les religieuses de l’ordre du Saint-Esprit.
Eléments de cette biographie : Baron, an. 35; Raban Maur, Vit. B. Mariæ Mag., c.28; Barthélémy, Vie des SS. de France; deCambis./bmafe d'Avignon; Martyrol. Gallican.; Corn, a Lapid. in Joan. xi; Petrus de Natalib., Catalog. SS., lib. J, cap. 72 ; et lib. VI, c. 151 ; Cuvier., Recherches sur lus Fossiles, t. V, 2* part., p. 245,343; Zimmermann, Le monde avant la création de l’homme, liv. XXXII, p. 4, etc., etc.
6.1.8.4 Saint Lazare
6.1.8.5 Les deux Maries, Marie Salomé et Marie Jacobé