6.7.5 Marseille première ville au monde consacrée au Sacré-Cœur et la peste de 1720

De l’ouvrage « La Basilique du Sacré-Cœur du Prado à Marseille », pages 8 et 9 :

« Le développement du culte du Sacré-Cœur à Marseille est étroitement lié à sœur Anne-Madeleine Rémuzat (1696-1730), née à Marseille dans une famille de négociants, religieuse du premier monastère de la Visitation, qui exerce un fort rayonnement spirituel. C’est elle qui établit en 1717 dans son monastère l’association à l’adoration perpétuelle du Sacré-Cœur, largement ouverte aux fidèles. Elle rencontre vite un accueil favorable : l’évêque Henri de Belsunce est le premier membre inscrit à l’association lors de son établissement. La peste ayant atteint la ville, Mgr de Belsunce décide sur le conseil d’Anne-Madeleine Rémuzat d’établir la fête du Sacré-Cœur dans son diocèse à la date fixée par Marguerite-Marie et de consacrer le 1 er novembre 1720 la ville et le diocèse au Sacré-Cœur de Jésus au cours d’une cérémonie expiatoire célébrée sur le Cours […]. En mai 1722 un retour de peste permit à Mgr de Belsunce d’obtenir des échevins qu’ils fassent vœu d’assister chaque année au monastère de la Visitation à la messe du Sacré-Cœur et qu’ils offrent ‘en réparation des crimes de cette ville’ un cierge du poids de quatre livres au cours de la cérémonie. Cette cérémonie a eu lieu dans le premier monastère de la Visitation aussi longtemps qu’il a existé. Elle a été interrompue pendant la Révolution, a repris avec le rétablissement du monastère. Depuis sa fermeture en 1986, elle est célébrée chaque année dans l’église du Sacré-Cœur. Depuis le début de la 3 ième République, le cierge n’est plus offert par la municipalité, les républicains anticléricaux ayant refusé ce geste. C’est le président en exercice de la Chambre de Commerce qui le remet à l’archevêque ».  

De l’ouvrage « le Sacré Cœur et la grande guerre », page 29 à 31 :

« […] Le 17 octobre, Jésus lui fait connaître ses desseins[à Anne-Madeleine Rémuzat qui], reçoit pour mission de continuer l’œuvre de Paray, en avertit son évêque Mgr de Belsunce. Ayant guéri les migraines de la mère supérieure, sa hiérarchie accepte de faire tout ce qu’elle croira conforme aux désirs du Cœur de Jésus.

En juin 1716, l’évêque fait célébrer à Marseille la première messe du Sacré-Coeur. L’année suivante Anne-Madeleine fonde l’Archiconfrérie de l’adoration perpétuelle du Sacré-Coeur approuvée par Clément XI qui compte rapidement 30 000 adhérents.

Au cours du Carême de 1718, à l’église des Cordeliers, le visage du Christ apparaît dans l’hostie et les fidèles sont terrifiés. Avertie surnaturellement Sœur Rémuzat prévient Mgr de Belsunce : "si Marseille ne se convertit pas un terrible fléau ravagera la ville". Les édiles et le peuple ne tiennent aucun compte des avertissements de l’évêque.

Le 25 mai 1720 le navire "Grand Saint-Antoine"; venant de Sidon (Saïda au Liban) apporte la peste. Sur une population de 90 000 habitants Marseille, recense 40 000 décès.

Anne-Madeleine demande alors, comme Marguerite-Marie, l’institution de la fête solennelle du Sacré-Coeur au lendemain de l’octave du Saint-Sacrement. Sur ses insistances, Mgr de Belsunce établit le 20 octobre la fête du Sacré-Coeur dans son diocèse au jour fixé, fait placer sur les portes des habitations une image du Sacré-Cœur avec ces mots : "Arrête, le Cœur de Jésus est là". Les maisons ainsi marquées sont épargnées. Enfin le 2 novembre le prélat organise une procession expiatoire, il consacre la ville et le diocèse au Sacré-Coeur. Aussitôt il n’y a plus de morts à Marseille en raison de la peste.

Mais la dépravation des mœurs et les menées jansénistes reprennent et la peste reparaît en mai 1722. Mgr de Belsunce propose alors un vœu aux échevins de la ville : à cause des péchés des habitants de la ville, faire annuellement une procession réparatrice, au jour de la fête du Sacré-Cœur qu’il vient d’instituer.  

Les édiles reconnaissent le 22 mai "que tous les efforts des hommes sont vains contre le progrès de la contagion et que le fléau de la colère de Dieu ne peut être arrêté que par des actes de religion, en implorant le trésor des miséricordes". Ils font "vœu ferme, stable et irrévocable, à perpétuité, à aller toutes les années au jour de la fête du Sacré-Coeur de Jésus entendre la Sainte Messe dans l’église du premier monastère de la Visitation, y communier et à assister le soir à une procession d’action de grâces".

La peste disparaît définitivement de Marseille. Les contemporains en déduisent que la consécration au Sacré-Cœur est source de salut et nombre de diocèses de Provence adoptent le culte du Sacré-Cœur. Sœur Rémuzat, continuatrice de l’œuvre de Marguerite-Marie, meurt à 33 ans, comme le Christ.

Sous le règne de Louis XV (1710-1774) l’efficacité de la dévotion n’est donc plus à démontrer. La reine Marie Leckzinska suggère, en 1751, l’adoration perpétuelle du Sacré-Cœur dans le Saint Sacrement. Elle obtient du Pape Clément XIII la fête du Sacré-Cœur dans tous les diocèses de France le 17 juillet 1765.

Deux ans plus tard Mgr de Beaumont fait célébrer la fête du Sacré-Cœur dans le diocèse de Paris le dimanche après l’octave du Saint Sacrement.

Si la dévotion au Sacré-Cœur s’accomplit peu à peu, une lettre de la Mère Marie-Hélène Coing, supérieure de la Visitation de Paray-le-Monial, adressée à Mgr Languet (ancien aumônier de la mère du Roi) le 27 mars 1744 relance le message de 1689. En pleine guerre de Succession d’Autriche la mère Coing rappelle qu’une prédiction "assurait que les armées de France seraient victorieuses si Sa Majesté ordonnait de mettre dans ses drapeaux la représentation du divin Cœur de Jésus blessé".

Louis XV reste sourd au message mais son fils le dauphin Louis fait dédier, dans l’église du Château de Versailles, en 1773, une chapelle au Cœur de Jésus dans la tradition eudiste à laquelle la famille royale participe ».