Homélie du Cardinal Ivan Dias du 8 décembre 2007 à Lourdes

 

Voici l’intégralité du texte de l’homélie prononcée le 8 décembre 2007, fête de l’Immaculée Conception, par le Cardinal Ivan Dias, Préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, depuis la basilique Saint-Pie X, dans les Sanctuaires Notre-Dame de Lourdes, au cours de la messe internationale célébrée à l’occasion de l’ouverture solennelle du Jubilé du 150 ième anniversaire des apparitions. L’ensemble du texte est extrait des pages 12 et 13 du n° 156 de « Lourdes Magazine ».

C’est un document majeur pour notre sujet, car une grande partie des thèmes développés au cours de notre étude y sont admirablement réunis dans une synthèse dont la teneur est sans équivoque possible sur nos temps actuels.

Le Cardinal Dias a été spécialement mandaté par le Pape Benoît XVI, le chargeant de transmettre sa bénédiction apostolique, ce qui confère à ce texte, bien qu'appartenant par nature à la catégorie du Magistère ordinaire, une autorité toute particulière renforcée par le caractère solennel même de l'ouverture de l'année jubilaire :

« Nous voici rassemblés aux pieds de la Vierge Marie pour inaugurer l’Année Jubilaire en préparation pour le 150 ième anniversaire des ses apparitions en ce lieu béni. Je vous porte une salutation très cordiale de Sa Sainteté le Pape Benoît XVI qui m’a chargé de vous faire part de son amour et de sa sollicitude paternelle, de vous assurer de ses prières et de vous donner sa bénédiction apostolique. Comme pèlerins réunis dans l’amour du Christ, nous voulons rappeler avec gratitude et affection les apparitions qui ont eu lieu ici à Lourdes en 1858. Ensemble cherchons à sentir les palpitations du cœur maternel de notre chère Maman céleste, de rappeler ses paroles et d’écouter le message qu’elle nous propose encore aujourd’hui.

Nous connaissons bien l’histoire de ces apparitions. La Sainte Vierge est descendue du Ciel comme une mère très préoccupée pour ses fils et filles qui vivaient dans le péché, loin de son Fils Jésus. Elle est apparue à la Grotte de Massabielle, qui à l’époque était un marais où paissaient les cochons, et c’est précisément là qu’elle a voulu faire élever un sanctuaire, pour indiquer que la grâce et la miséricorde de Dieu doivent triompher sur le misérable marais des péchés humains. Tout près du lieu des apparitions, la Vierge a fait jaillir une source d’eau abondante et pure, que les pèlerins boivent et portent avec tant de dévotion dans le monde entier, signifiant le désir de notre Mère affectueuse de faire répandre son amour et le salut de son Fils jusqu’aux extrémités de la terre. Enfin, de cette Grotte bénie la Vierge Marie a lancé un appel pressant à tous pour prier et faire pénitence afin d’obtenir la conversion des pauvres pécheurs.

Le message de la Vierge aujourd’hui

On peut se demander : quelle signification peut avoir le message de Notre-Dame de Lourdes pour nous aujourd’hui ? J’aime situer ces apparitions dans le plus large contexte de la lutte permanente et féroce existant entre les forces du bien et du mal dès le commencement de l’histoire de l’humanité dans le Jardin du Paradis, et qui continuera jusqu’à la fin des temps. Les apparitions de Lourdes sont, en effet, parmi les premières de la longue chaîne des apparitions de Notre-Dame qui a commencé 28 ans auparavant, en 1830, à Rue du Bac, à Paris, annonçant l’entrée décisive de la Vierge Marie au cœur des hostilités entre elle et le diable, comme il est décrit dans la Bible, dans les livres de la Genèse et de l’Apocalypse. La Médaille, dite miraculeuse, que la Vierge fit graver en cette circonstance la représentait avec les bras ouverts d’où sortaient des rayons lumineux, signifiant les grâces qu’elle distribuait au monde entier.

Ses pieds reposaient sur le globe terrestre et écrasaient la tête du serpent, le diable, indiquant la victoire que la Vierge emportait sur le Malin et ses forces du mal. Autour de l’image on lisait l’invocation : “O Marie, conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous”.
Il est remarquable que cette grande vérité de la Conception Immaculée de Marie ait été affirmée ici 24 ans avant que le Pape Pie IX l’ait définie comme dogme de foi (1854) : quatre ans plus tard ici à Lourdes, Notre-Dame a voulu elle-même révéler à Bernadette qu’elle était l’Immaculée Conception.

Après les apparitions de Lourdes, la Sainte Vierge n’a pas cessé de manifester ses vives préoccupations maternelles pour le sort de l’humanité en ses diverses apparitions dans le monde entier. Partout, elle a demandé prières et pénitence pour la conversion des pécheurs, car elle prévoyait la ruine spirituelle de certains pays, les souffrances que le Saint Père aurait à subir, l’affaiblissement général de la foi chrétienne, les difficultés de l’Eglise, la montée de l’Antéchrist et ses tentatives pour remplacer Dieu dans la vie des hommes: tentatives qui, malgré leurs succès éclatants, seraient toutefois vouées à l’échec.

Ici, à Lourdes, comme partout dans le monde, la Vierge Marie est en train de tisser un immense réseau de ses fils et filles spirituels dans le monde entier pour lancer une forte offensive contre les forces du Malin, pour l’enfermer et préparer ainsi la victoire finale de son Fils divin, Jésus Christ.

La Vierge Marie nous invite encore une fois aujourd’hui à faire partie de sa légion de combat contre les forces du mal. Comme signe de notre participation à son offensive, elle demande, entre autres, la conversion du cœur, une grande dévotion à la Sainte Eucharistie, la récitation quotidienne du chapelet, la prière sans cesse et sans hypocrisie, l’acceptation des souffrances pour le salut du monde. Cela pourrait sembler être des petites choses, mais elles sont puissantes dans les mains de Dieu auquel rien n’est impossible. Comme le jeune David qui, avec une petite pierre et une fronde, a abattu le géant Goliath venu à sa rencontre armé d’une épée, d’une lance et d’un javelot (Cf. 1 Sam 17,4-51), nous aussi, avec les petits grains de notre chapelet, nous pourrons affronter héroïquement les assauts de notre adversaire redoutable et le vaincre.

Comme Bernadette et avec elle

La lutte entre Dieu et son ennemi fait toujours rage, encore plus aujourd’hui qu’au temps de Bernadette, il y a 150 ans. Car le monde se trouve terriblement englouti dans le marais d’un sécularisme qui veut créer un monde sans Dieu; d’un relativisme qui étouffe les valeurs permanentes et immuables de l’Evangile ; et d’une indifférence religieuse qui reste imperturbable face au bien supérieur des choses qui concernent Dieu et l’Eglise. Cette bataille fait d’innombrables victimes dans nos familles et parmi nos jeunes. Quelques mois avant qu’il ne devienne le Pape Jean Paul II (9 novembre 1976), le Cardinal Karol Wojtyla disait :

Nous sommes aujourd’hui face au plus grand combat que l’humanité ait jamais vu. Je ne pense pas que la communauté chrétienne l’ait compris totalement. Nous sommes aujourd’hui devant la lutte finale entre l’Eglise et l’Anti-Eglise, entre l’Evangile et l’Anti-Evangile”.

Une chose toutefois est certaine : la victoire finale est à Dieu et cela se vérifiera grâce à Marie, la Femme de la Genèse et de l’Apocalypse, qui combattra à la tête de l’armée de ses fils et filles contre les forces ennemies de Satan et écrasera la tête du serpent.

A la Grotte de Massabielle la Vierge Marie nous a enseigné que le vrai bonheur se trouvera uniquement au ciel. “Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse en ce monde, mais dans l’autre,” a-t-elle dit à Bernadette. Et la vie de Bernadette l’a illustré assez clairement : elle, qui avait eu le privilège singulier de voir la Sainte Vierge, a été profondément marquée par la croix de Jésus, fut entièrement consumée par la tuberculose, et est morte, jeune, à l’âge de 35 ans. En cette Année Jubilaire, remercions le Seigneur pour toutes les grâces corporelles et spirituelles qu’il a bien voulu concéder à tant de centaines de milliers de pèlerins en ce lieu saint, et par l’intercession de Sainte Bernadette, prions la Sainte Vierge pour nous fortifier dans le combat spirituel de chaque jour afin que nous puissions vivre en plénitude notre foi chrétienne en pratiquant les vertus qui distinguaient la Vierge Marie, fiat, magnificat et stabat: c’est-à-dire, une foi intrépide (fiat), une joie sans mesure (magnificat) et une fidélité sans compromis (stabat). O Marie, Notre-Dame de Lourdes, tu es bénie entre toutes les femmes et Jésus le fruit de tes entrailles est béni. Sainte Marie, Mère de Dieu, prie pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort. Amen.

Cardinal Ivan Dias ».

Je souligne à nouveau que le Cardinal Ivan Dias a été mandaté par le Saint Père Benoît XVI pour transmettre sa bénédiction apostolique. De ce fait l’homélie prononcée a une valeur extrêmement solennelle renforcée par l’ouverture de l’année jubilaire en présence des évêques venus du monde entier.

Cet enseignement aurait tout à fait pu être donné par le Saint Père lui-même, ayant bien à l’esprit que les deux hommes se sont assurément concertés sur le contenu des thèmes développés au cours de l’homélie.

C’est à mon sens le texte le plus admirable et le plus explicite quant à nos temps actuels de la part du Magistère de la Sainte Eglise.

Tous les thèmes abordés au cours de notre étude y sont merveilleusement réunis : « l’entrée décisive depuis 1830 de la Vierge Marie au cœur des hostilités entre elle et le diable, comme il est décrit dans la Bible, dans les livres de la Genèse et de l’Apocalypse », l’apostasie universelle par « l’affaiblissement général de la foi chrétienne », l’annonce voilée de la proche apparition de l’Antéchrist et de sa défaite par « la montée de l’Antéchrist et ses tentatives pour remplacer Dieu dans la vie des hommes: tentatives qui, malgré leurs succès éclatants, seraient toutefois vouées à l’échec », le déploiement actuel de l’armée de « la Vierge Marie pour lancer une forte offensive contre les forces du Malin, pour l’enfermer et préparer ainsi la victoire finale de son Fils divin, Jésus Christ » par les moyens ples plus humbles mais les plus efficaces, tel que le « chapelet » qui permet « daffronter héroïquement les assauts de notre adversaire redoutable et le vaincre ». Et au centre de cette fresque grandiose, nous est rappelée une citation inconnue pour la plupart d’entre nous du Cardinal Karol Wojtyla, qui n’en pas pour le moins d’une limpidité et d’une clarté de vue tout à fait remarquable : « Nous sommes aujourd’hui face au plus grand combat que l’humanité ait jamais vu. Je ne pense pas que la communauté chrétienne l’ait compris totalement. Nous sommes aujourd’hui devant la lutte finale entre l’Eglise et l’Anti-Eglise, entre l’Evangile et l’Anti-Evangile ».  

Bien entendu, cette dernière citation est choisie très intelligemment et n’a jamais été présentée auparavant, elle est donné par la Sainte Eglise au moment opportun afin de nous signifier la réalité de la bataille qui se joue entre ciel et terre ainsi que la proximité des évènements décisifs, préalables au Règne glorieux du Christ.