Père Patrick - Sponsalité 2007 - Notre Dame de Domanova 2005 (quatrième partie)

Samedi 19 novembre 2005
Veille de la fête du Christ Roi
L’incarnation de l’amour se vit jusqu’au terme, et c’est toujours par la cause finale que nous comprenons parfaitement : la perfection de l’amour spirituel et métaphysique relève de l’énergeïa, la cause finale. Dès qu’il s’agit de Dieu ou de l’image de Dieu qui est en nous, il faut toujours prendre par la fin. Si nous voulons comprendre qui nous sommes, pourquoi il nous arrive telle et telle chose, regardons la fin : nous serons glorifiés ; ce que nous vivons en ce moment est notre gloire, nous empochons un germe de gloire. Au ciel, nous serons parfaits, nous serons pleinement actués, et nous serons tout à fait miroir de Dieu.
Nous parlons de mariage, de sponsalité, homme-femme, masculin-féminin, et nous venons d’entendre dans l’Evangile de saint Luc la question des Saducéens qui croyaient à la réincarnation, qui pensaient qu’il n’y avait pas de résurrection. Jésus répond magistralement que la réincarnation n’existe pas : le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu qui nous a créés est le Dieu des vivants ; Abraham, Isaac et Jacob ne se sont pas réincarnés. L’homme est créé une fois par Dieu, puis il meurt, puis il y a un jugement.
Dieu nous a fait un corps dans lequel nous avons été créés à l’image et ressemblance de Dieu pour toute la vie présente, pour l’immortalité et pour l’éternité. Et il se trouve que notre corps est masculin ou féminin. Jésus répond aux Saducéens que les enfants du Royaume de Dieu sont comme les anges dans le ciel : ils ne se marient pas. Il n’y a pas de messe sponsale au ciel, parce que la messe sponsale est le renouvellement du sacrement de mariage, sacrement qui est pour la vie présente, pas pour la vie immortelle ni pour la vie éternelle.
Tous les sacrements sont sur la terre pour permettre à notre corps de lumière et d’amour d’atteindre la perfection de ses capacités d’aimer spirituellement, d’aimer surnaturellement, d’aimer divinement et d’aimer glorieusement. Une fois que nous sommes dans cet amour plénier, il n’y a plus besoin de sacrement, il n’y a plus de perfection supplémentaire à atteindre : nous sommes en acte.
Saint Thomas d’Aquin explique ce qui se passe dans les corps glorieux : quand les corps ressuscitent, ils sont agiles, subtils, lumineux, impassibles et entièrement rassasiés, comblés de gloire, pleinement eux-mêmes, au comble de la vie corporelle. Le comble du corps est la gloire de la résurrection : il est pleinement image et ressemblance de Dieu, glorieusement.
Que deviennent nos yeux, notre ouïe, notre foie, notre pancréas, notre vessie, les organes de notre masculinité ou de notre féminité ? C’est bien notre corps qui ressuscite tel qu’il est. Saint Thomas explique qu’au ciel le corps sera pleinement accompli dans le rassasiement, dans la fruition, la jouissance : Dieu, la gloire visible de la résurrection, sera notre nourriture et elle nous rassasiera, elle crépitera, elle aura une saveur, un écoulement ; l’estomac sera pleinement lui-même. Dieu dira : « Ils se sont privés de nourriture par amour pour Moi, à Moi de Me donner sans mesure en rassasiement ». Et quand Dieu se donne en rassasiement sous forme de gloire, n’ayez pas peur, vous ne vous demandez pas ce que vous mangerez au prochain repas.
C’est pareil pour toutes les autres dispositions de la vie corporelle, et en particulier bien entendu pour l’homme et pour la femme. Il est bien évident que la sponsalité, la nudité sponsale, la mise à nu par la gloire féminine ou masculine est tellement mise à nu qu’elle expire dans le rassasiement de toutes les fonctions organiques masculines et féminines qui disparaissent dans cette ébullition extraordinaire de la gloire, la victoire de l’amour sur la différenciation sexuelle.
Du coup, tous les organismes de l’ éros, du phylos (l’amour), du sentiment, de l’affectivité, sont complètement dans la résurrection. Le Christ s’est englouti dans la résurrection du Verbe. Marie s’est engloutie dans la gloire du Père à travers Jésus ressuscité. C’est autant le masculin que le féminin qui l’un dans l’autre disparaissent dans le rassasiement mutuel au-delà de tout, et nous sommes comme les anges de Dieu. Nous sommes dans l’unité sponsale parfaite, accomplie, et au-delà. C’est pour cela que nous n’avons pas à nous poser la question de savoir si nous serons mariés avec Iphigénie, Dorothée ou Pénélope. C’est ce que dit Jésus aux Saducéens : nous sommes mariés avec Dieu et nous vivons pour Dieu. Et nous passons par des actes, nous prenons nos mains, nous passons dans cette conjonction sponsale sur la terre, pour que notre soif de ferveur et d’amour (qui passe par les pieds et nous fait courir vers l’amour) atteigne cette perfection, l’énergeïa de l’amour de Dieu. A ce moment-là notre fruition, notre passivité substantielle du corps masculin ou féminin s’extasie tellement que nous sortons de nous-mêmes dans le rassasiement de l’autre qui est Dieu dans la résurrection. Voilà pourquoi Jésus dit qu’au Ciel, dans le Royaume de Dieu, il n’y a plus ni masculin ni féminin. Le masculin et le féminin sont des puissances, et au ciel, nous sommes dans l’acte de la perfection, nous ne sommes plus en puissance d’une perfection future.
C’est l’Esprit Saint qui exprime la victoire de l’amour sur tout de manière personnelle en Dieu. Et pour nous, c’est l’au-delà du masculin et du féminin dans l’unité sponsale glorifiée qui est la manifestation de cette perfection de notre différenciation sexuelle dans l’acte de la gloire de Dieu.
Voilà pour l’Evangile de saint Luc sur les Saducéens, que nous venons de lire. Quelque part, il y a une réincarnation dans l’au-delà de notre corps dans la gloire de la résurrection qui est dans ce corps glorieux du corps spirituel de toutes les unités sponsales conglomérées dans le Christ, dans la Jérusalem céleste. Ce sera plus notre corps que notre corps masculin ou féminin. C’est pour cela que, dans l’exercice de l’amour masculin et féminin, nous sommes déjà plus portés à contempler la perfection de ce que nous vivons dans l’amour mutuel dans ce troisième, cette incarnation future de la couleur verte de l’unité sponsale toute glorifiée.
Dans la signification de l’unité de l’amour entre l’homme et la femme, il faut être extraordinairement attentifs et assimilés à ce troisième, et se laisser illuminer par la couleur de ce troisième qui vient du mélange et de la disparition des deux dans l’unité des deux pour faire émaner une lumière nouvelle du monde physique de notre humanité commune.
Nous avions essayé la dernière fois de regarder ce qu’est la nudité, avec le Livre de Tobie et l’Ange Raphaël. Pour vivre de la nudité, il faut évidemment être revêtu du sacrement.
Le Livre de Genèse nous dit qu’après le péché originel, c’est Dieu Lui-même qui voyant qu’Adam a honte d’être nu, lui coud un vêtement avec des feuilles de figuier et le lui donne pour cacher la signification inversée, extérieure, de la nudité sponsale. Après le péché originel, lorsque nous sommes en présence de Dieu, la nudité extérieure n’existe plus : nous sommes revêtus d’un vêtement de feuilles de figuier. Cela veut dire que le Ciel n’est pas un camp de nudistes glorieux : nous ne sommes plus jamais nus et nous ne voyons plus jamais la nudité extérieure.
C’était possible dans le jardin du Paradis originel dans la grâce d’origine, parce que l’innocence divine d’origine était plénière. Il n’y avait aucun hiatus entre la nudité intérieure et la nudité extérieure. La nudité extérieure ne se voyait pas, puisqu’on ne voyait que la nudité intérieure. Mais à partir du moment où il y a eu cette petite blessure, cette séquelle, cette concupiscence, cet orgueil, cette vanité, ce regard sur le secondaire, cette mise en dehors de la vision de Dieu et de notre propre innocence jusque sur le plan du corps, nous sommes complètement déséquilibrés (et Freud peut arriver avec ses pantalonnades).
Dieu coud donc un vêtement avec des feuilles de figuier. Dans les Targum, dans la tradition des Juifs d’Israël, le figuier est l’endroit où s’assied le Hokmei Ha Talmud, le Docteur de la Loi, le Naci d’Israël, pour prier en présence du Messie d’Israël, comme Abraham, Isaïe, Nathanaël que Jésus a vu au pied du figuier (et c’est dit de manière telle que cela veut dire : « Tu m’as vu quand tu étais au pied du figuier »). Ces Hokmei Ha Talmud, comme Hillel, Johannan ben Zakaï, Siméon surtout (le Naci d’Israël dans toute sa splendeur), étaient des Docteurs mystiques, des Docteurs divins, des Docteurs surnaturellement habités par la présence intime, par communion, avec le Messie d’Israël. Regardez Moïse : croyez-vous qu’il soit resté extérieur au Buisson ardent ? Non, Moïse a assimilé l’Immaculée Conception qui faisait surgir le Verbe de Dieu dans la fécondité du Buisson ardent. C’était tout intérieur, et c’est pourquoi Moïse resplendissait.
En hébreu, « être sous le figuier » veut dire resplendir de la lumière du Messie, voir le Messie qui se manifeste à la fois à l’intérieur et à l’extérieur. Le Naci d’Israël vit tellement du Messie, du Christ avant qu’Il ne vienne, il Le contemple d’une manière tellement intime, avec la grâce du Saint Esprit qui fait surgir en lui quelque chose de très fort, qu’il enseigne à ses disciples ce qu’il est en train de vivre : il leur communique le trop-plein de sa contemplation actuelle. S’il ne le fait pas, il n’est pas hilléliste, il est saducéen, shamaïste. Il y a deux écoles en Israël : les Pharisiens (qui sont doux, mystiques, spirituels, messianiques et qui croient en la résurrection) et les Saducéens (qui ont tellement tout découpé dans des cases qu’ils sont devenus presque bouddhistes, puisqu’ils croient en la réincarnation : sans amour, on finit toujours par tomber dans des découpages et dans la division).
Voilà ce dont le figuier est le symbole, et Dieu cache la signification extérieure de la masculinité et de la féminité par des feuilles de figuiers. Tous les Juifs savent ce que cela veut dire, mais pour les Goïm c’est autre chose. Avec Jésus, nous sommes tous Juifs, nous avons le Sang de Jésus dans les veines, bien plus qu’un Juif qui est parfois pire qu’un Goïm ; du point de vue du sang, pas du point de vue de son origine, de sa dignité, ni de son acte (c’est-à- dire sa perfection finale).
Désormais, nous ne vivrons de la nudité qu’à travers le voile contemplatif de la présence intérieure et extérieure de Jésus, Messie d’Israël, onction de son Corps mystique tout entier dans la communication de la lumière.
Voyez comme le Livre de Tobie est beau. L’Archange Raphaël dit à Tobie qu’une fois que les parents se sont retirés (les parents sont l’origine de la conception, de l’innocence originelle, c’est dès l’origine que vous êtes faits l’un pour l’autre), quand Tobie et Sara sont nus dans le lit, il faut guérir le péché originel en se levant pour prier ensemble, avec l’odeur du foie et du cœur du poisson qui grillent sur le charbon d’encens : la liturgie sacramentelle commence. Il n’y a pas de nudité possible sans le revêtement du sacrement : il faut voir le sacrement plus que notre nudité (Allez dire cela à la télévision française ! Lara Morgane est charmante, mais elle s’est trompée.)
Dans le mariage, il n’y a pas de nudité, il y a un vêtement : les feuilles de figuier du Christ ressuscité d’entre les morts, qu’Il nous donne sous forme de sacrement. Il y a donc l’unité sponsale, et il y a en plus un sacrement qui voile notre honteuse nudité et qui vient la transpercer, la transfigurer, la surnaturaliser, la diviniser, la réparer, l’indulgencier, l’intérioriser. Le Messie est là, présent dans le sacrement, et nous célébrons la messe sponsale, et nous ne retrouvons la nudité qu’une fois qu’elle a disparu dans la Transactuation surnaturelle sponsale du sacrement.
Je vous disais la dernière fois que si nous voulions faire une comparaison entre les canons de la messe eucharistique et le canon de la messe sponsale, la nudité se retrouve à l’état intérieur et extérieur (sans discontinuité entre les deux), après le canon : « Par Lui, avec Lui et en Lui ». Après, il y a la communion, et après, l’action de grâce, dans laquelle le figuier donne tout son fruit : tout est déchiré puisqu’il n’y a plus ni homme ni femme, et ce sont des torrents qui sortent pour le monde entier, parce que le sacrement de mariage est le sacrement de la guérison, fait pour réparer tout ce qui est malade dans le monde entier. L’Archange Raphaël est « Dieu guérit », la guérison de la chair, la guérison du corps, la guérison de l’amour, la guérison de la lumière, la guérison de l’unité, la transfiguration. Les feuilles de figuier sont très liées à la transfiguration.
Quand vous êtes sous le figuier, il y a vraiment une transfiguration. Vous communiquez, le Messie est là dedans vous, et vous le voyez. Jésus vous dit : « Tu M’as vu sous le figuier », et vous traduisez : « C’est Moi que tu as vu sous le figuier ».
Nathanaël, qui avait dit juste avant : « Qu’est-ce qui peut sortir de Nazareth, du carrefour des peuples, de Galilée ? », se jette à Ses pieds en disant : « Mon Seigneur et mon Dieu, Tu es le Fils du Dieu vivant. » Comme quoi les Hockmei Ha Talmud savaient très bien que le Messie était Dieu, le Fils du Dieu vivant. Comme Siméon, Nathanaël était Hockmei Ha Talmud et il enseignait la tradition de Moïse. Il faut rétablir la vérité : tous les Juifs le savaient, c’est dans les textes de la Synagogue ancienne, dans les textes de l’Evangile, et dans l’évidence. Tous les Juifs savaient qu’il y avait la Très Sainte Trinité, que le Fils unique de Dieu était l’hypostase du Messie qui devait s’incarner et se donner en nourriture.
C’était donc sous mode de transfiguration, et pas dans un corps spirituel de résurrection, que la perfection de cette communion avec le Messie s’opérait. C’est pour cela que Jésus lui dit : « Parce que Je te dis que c’est Moi que tu as vu, tu crois, mais tu verras beaucoup plus encore : tu verras le Fils de l’homme, avec les anges qui montent et qui descendent ; tu verras le miracle des trois éléments, tous les anges glorieux dans la signification sponsale du Corps glorieux du Messie, pleine image et ressemblance de l’amour masculin et féminin disparaissant dans l’unité des deux pour la procession du Saint Esprit dans l’Epoux et l’Epouse, le Père et le Verbe, se manifester dans toute la gloire de la Jérusalem céleste. Nul n’est monté au Ciel, sinon Celui qui est descendu du Ciel. » Quand Jésus dit cela, c’est masculin et féminin. La réponse aux Saducéens est qu’il n’y a plus de masculin et de féminin, d’accord, mais il n’y a plus d’anges non plus. Les anges prennent un mode de gloire humain dans le Christ, dans la gloire de la Résurrection.
Saint Thomas d’Aquin n’a pas expliqué cela dans la Somme, parce qu’il répondait aux questions, et au Moyen Age on ne pensait pas à la sponsalité.
Vous comprenez que la nudité est quelque chose de très beau, et c’est pourquoi cela demande du temps. La petite fiancée du Rabbi Akiba lui disait : « Quand tu connaîtras parfaitement toute la Torah, nous pourrons nous marier. » Par amour pour sa fiancée, pendant dix ou douze ans, il a appris de manière contemplative et vivante, à l’ombre de Johannan ben Zakaï, la Torah, l’impératif de l’amour de Dieu et du prochain en un seul acte. Vous vous rappelez que Rabbi Akiba est le père du Cantique des Cantiques en ce sens que c’est lui qui l’a fait inscrire au Canon des Ecritures lors du concile juif de Japhné.
La nudité s’exprime dans un rythme humain qu’expriment la signification sponsale de la nudité du corps féminin et la signification sponsale de la nudité du corps masculin. Le corps masculin, contrairement à ce qu’on croit, n’est pas fait pour se précipiter tel la bête (quand j’étais étudiant, un camarade de chambre suivait toute une stratégie enveloppante et ce qu’il faisait était très juste). Toute la signification sponsale du corps est faite pour attendre tranquillement que s’installe en lui sa masculinité d’unification, de commotion, d’intégration de toutes ses puissances masculines dans les énergies de la sève de la virilité, et pour cela il faut du temps, ça ne se fait pas en un quart d’heure.
Par contre la passoire ou la serpillière, tu peux le faire sans problème en cinq minutes, mais c’est sans intérêt, c’est idiot, et en plus ça fait une déchirure. Quand une fermeture éclair se déchire, il faut la remonter grain à grain, et il est beaucoup plus facile de la déchirer que de la remonter. Mais ne vous inquiétez pas, ça se remet. Les médecins disent d’une jeune fille ou d’une femme qui a perdu sa virginité, que si elle retrouve une nouvelle virginité (vous vous rappelez du mystère de la Transfiguration de Jésus : la nouvelle virginité de Marie révélée à travers la Transfiguration de Jésus), son hymen se reforme même physiquement. Le corps met un certain temps à se refaire spirituellement et physiquement dans la signification sponsale, dans la plénitude des capacités de son amour.


Nous avions pris la dernière la dernière fois la prière eucharistique numéro 2. Pour ‘enfoncer le clou’, nous pourrions prendre la prière eucharistique numéro 4 : elle est plus longue, c’est plus lent, plus tranquille. Mais il faut prier avec ferveur, et avec l’incarnation de l’amour intérieur (avec les mains). C’est extraordinaire, quand les époux disent d’une seule bouche intérieure :
« Père très saint, nous proclamons que tu es grand et que tu as créé toutes choses avec sagesse et par amour : tu as créé l’homme à ton image, et tu lui as confié l’univers, afin qu’en te servant, toi son Créateur, il règne sur la création toute entière [ce n’est ni l’homme ni la femme qui règne, mais l’unité sponsale, l’humanité intégrale]. Comme il avait perdu ton amitié en se détournant de toi [ce que nous ne faisons pas parce que nous sommes revêtus du figuier], tu ne l’as pas abandonné au pouvoir de la mort. Dans ta miséricorde tu es venu en aide à tous les hommes pour qu’ils te cherchent et puissent te trouver. Tu as multiplié les alliances avec eux, et tu les as formés, par les prophètes, dans l’espérance du salut. »
Chaque parole a une consonance dans le vibratoire féminin surnaturalisé, et dans le vibratoire masculin virilisé, illuminé, transfiguré. La conjonction se fait par inspiration instinctive et divine, à l’épiclèse, sans qu’on s’en rende compte. C’est la puissance centuplée de la différenciation sexuelle. Dans le Royaume de Dieu il n’y a plus ni homme ni femme : il n’y a plus que l’unité des deux. Ou alors Jésus a dû se tromper ! (exégèse historico-critique : « Il faut couper ce passage qui est incompréhensible, qui est certainement un ajout postérieur. »).
Avec sainte Hildegarde, Ruysbroeck et Swedenborg
Dans la nudité, il n’y a pas que les capacités réceptives. Dans le corps de la femme, tout pourrait extérieurement paraître féminin. Nous avions vu les très belles symboliques avec la glaire, avec le sang, avec le rythme, avec les capacités d’accueil double, avec cette fécondité lunaire, avec toute cette intériorité de l’ éros, avec le lait (comme le dit le Cantique des Cantiques : « les brebis qui courent sur les collines de Galaad ») : c’est l’intérieur, ce ne sont pas des mensurations, et le lait représente la vie à l’état de fécondité pure, l’intériorité à l’état de fécondité pure, parce que la femme est le lieu de la fécondité de l’amour à l’état pur. C’est la femme qui féconde la signification sponsale du corps masculin. Si elle n’est pas pure, elle féconde dans l’homme quelque chose de désolant. Tant pis pour ceux qui s’y habituent.
Tout est féminin, tout est masculin : le regard, la manière d’écouter, la manière de sentir, la manière de nouer les harmonies. Ce serait bien de regarder cela un petit peu aujourd’hui. Dans le petit document de 1992 sur la sponsalité : Sponsalité, jalons, que vous pourrez lire, nous avions évoqué comment Dieu révèle les correspondances du corps à un monde féminin, sainte Hildegarde : elle explique que toutes ces parties du corps, l’ouïe, le regard, le goût, le sens du toucher, la respiration, etc, correspondent à des saisons, des mois, des rythmes de la vie végétative et animale . Or, vous vous rappelez que nous avions vu que le corps féminin est dans l’union de complémentarité celui qui apporte l’éternité dans le temps et le temps à l’éternité, l’immortalité et la perpétuité, la durée dans le rythme, un rythme de gratuité, d’inutilité immédiate.
La symbolique transmise par quelqu’un de masculin ne correspond pas à une rythmique, par rapport au temps, à l’instant, à l’immortalité, à l’éternité, au lunaire. Je vais vous lire un petit texte de Ruysbroeck l’Admirable, qui est un mystique hollandais de l’époque d’Angèle de Foligno, de sainte Catherine de Sienne, des Béguines. Tout un courrant mystique est apparu à cette époque-là, dont je n’ai pas tellement envie de vous parler aujourd’hui. Simplement, nous pouvons dire que Ruysbroeck l’admirable est le Docteur de l’image et ressemblance de Dieu : il explique comment les missions invisible du Saint Esprit et les missions invisibles du Verbe de Dieu s’épanouissent dans l’incarnation de notre transfiguration en prière. Or il se trouve que dans la nudité de la messe sponsale, il faut vivre de cela. Alors je vais vous lire un passage, pour vous donner envie de lire Ruysbroeck l’Admirable (il serait désolant que vous n’ayez jamais lu Ruysbroeck l’Admirable, mais c’est une désolation qui trouvera sa compensation au Ciel) :
« Pour que l’esprit contemple Dieu par Dieu, sans intermédiaire, en cette lumière divine, il faut nécessairement trois choses. Premièrement, il faut premièrement que l’homme soit bien réglé au-dehors en toutes les vertus »
Virginité, pureté, chasteté, tranquillité, patience, délicatesse. Il faudrait donner un jour toutes les vertus nécessaires à l’homme, toutes les vertus nécessaires à la femme, toutes les vertus nécessaires à l’unité des deux, et tous les vices contraires qui viennent saccager cela.
« et sans obstacle au-dedans [grâce aux feuilles de figuier] et vide de toute œuvre extérieure [pas de marteau-piqueur], comme s’il n’agissait pas, car si son oisiveté est troublée au-dedans par quelque acte de vertu, il a des images, et tant qu’elles durent en lui, il ne peut contempler. »
La signification inversée de l’extériorité du corps excite l’imaginaire, donc le monde psychique, qui inverse la signification spirituelle et sexuelle du corps. Il faut donc que l’homme ait les vertus pour être dans un état de contemplation.
« En deuxième lieu, il doit intérieurement adhérer à Dieu, par la jonction de l’intention d’y adhérer et l’amour de l’unité avec Dieu, comme un feu flamboyant, qui ne peut jamais plus être éteint. Au moment où il se sent dans cet état, il peut contempler. »
Nous retrouvons Tobie : « Levons-nous ma sœur » !
« En troisième lieu, il doit s’être perdu en une absence de mode et dans une ténèbre [l’extase, le ravissement, la commotion, la tardéma, le sommeil de la masculinité, dans un éblouissement] où tous les contemplateurs se sont égarés en jouissant, et ne peuvent jamais plus se retrouver selon le mode des créatures. En l’abîme de cette ténèbre [dans ce sommeil, dans cette tardéma] où l’esprit aimant est mort à lui-même, commencent la manifestation de Dieu et la vie de la grâce sanctifiante, la vie éternelle. Car en cette ténèbre naît et resplendit une incompréhensible lumière, qui est le Fils de Dieu, en qui l’on voit la vie éternelle [surgissant du milieu de nous]. Et en cette lumière, on devient voyant ; et cette lumière divine est donnée à la vision toute éveillée de l’esprit [incarné de l’homme], où l’esprit reçoit la clarté, qui est Dieu même [en cette clarté il communie à Dieu Lui-même], au-dessus de tous les dons et au-dessus de toutes les œuvres des créatures, en la vacuité oisive de l’esprit [c’est Dieu qui s’écoule délicieusement en lui, l’envahit, le glorifie : l’homme est vraiment le lieu de Dieu, voilà ce que la femme ouvre], où il s’est égaré par l’amour jouissant et où il reçoit la clarté de Dieu, sans intermédiaire, »
Voilà ce qui ce passe quand il assume la signification sponsale de la solitude de la femme du-dedans de la signification sponsale de sa solitude : l’unité apparaît et Dieu est présent sans intermédiaire, l’amour de l’homme et de la femme est sacré par nature et par grâce.
« et il devient et sans interruption cette clarté même qu’il reçoit. »
L’unité sponsale est liée à la transfiguration. Saint Luc explique que quand les bergers arrivent à Bethléem, ils pensent voir un enfant, et en fait ils voient l’unité sponsale de Marie et Joseph : « To Joseph, Ta Maria » : Marie en plénitude, c’est-à-dire Joseph en plénitude dans l’unité des deux, et dans le nid de cette transfiguration mutuelle, Jésus est né : la naissance de Jésus à Noël s’est réalisée dans une transfiguration sponsale.
« Voyez : cette occulte clarté, en laquelle on contemple tout ce qu’on désire, d’après l’oisiveté de l’esprit, cette clarté est si grande que l’amant contemplateur, en son fonds où il repose, ne voit et n’éprouve qu’une incompréhensible lumière, et selon la nudité simple qui enveloppe toutes choses, il se voit et se sent la même lumière, par laquelle il voit, et rien d’autre. Et voilà la première condition pour devenir voyant dans la lumière divine. Bienheureux les yeux qui voient ainsi, car ils possèdent la grâce et la vie éternelle. »
Et nous pouvons ajouter : la capacité de réaliser l’unité dans la nudité.
Puisqu’il ne faut pas être trop mystique, puisque beaucoup de personnes disent : « Si c’est trop mystique, c’est trop fort pour moi, donc je n’écoute pas, je préfère rester dans ma grotte avec les copains », je vais encore descendre d’un cran et vous lire cet autre passage, écrit aussi par un homme. Je change complètement de chapitre, mais je vous l’ai annoncé, je suis passé par Ruysbroeck l’Admirable pour redescendre. Nous passons du corps à l’image et ressemblance de Dieu, nous ne changeons évidemment pas de sujet, mais cela nous permet de voir le contraste avec ce que présente sainte Hildegarde : le rythme, la gratuité, l’inutilité, la durée, l’abandon.
« D’après la divine miséricorde du Seigneur, voici ce qui a été observé à l’égard des esprits angéliques qui nous sont envoyés [Raphaël, Michaël, Gabriel, nos anges gardiens, ceux qui montent et qui descendent au-dessus du fils de l’homme]. Ceux qui apparaissent au-dessus et près de la tête sont ceux qui instruisent, et aussi se laissent facilement instruire ; sous l’occiput apparaissent ceux qui agissent en secret et avec prudence ; par derrière la tête et près du dos, ceux qui agissent pareillement, mais avec différence [avec distinction] ; vers le thorax ou la poitrine ceux qui sont dans la charité [les séraphins] ; vers les lombes, ceux qui sont dans l’amour conjugal ; vers les pieds, ceux qui sont simples et naturels ; et vers les plantes des pieds, les plus grossiers de ce genre [les anges inférieurs, qui sont spirituellement plus qu’un homme : si nous ne commençons pas par la plante des pieds, par la ferveur, nous ne pouvons pas monter] ; quant à ceux qui apparaissent vers le visage, ils sont de différente nature selon les sens [externes et sensibles qui animent le corps] ; par exemple, vers les narines apparaissent ceux qui brillent par la perception ; vers les oreilles, ceux qui obéissent ; vers les yeux ceux qui sont intelligents et sages ; et ainsi du reste.
Les sens externes, qui sont au nombre de cinq, à savoir le toucher, le goût, l’odorat, l’ouïe et la vue, ont chacun une correspondance avec les sens internes. »
Il est beau de savoir qu’il y a dans la grâce cinq manières de se dépasser dans la virilité, dans l’unité des deux, dans la lumière du corps, pour voir, pour entendre, pour sentir, pour avoir le goût de Dieu dans l’unité des deux.
« Mais aujourd’hui ces correspondances sont à peine connues, parce qu’on ne sait pas qu’il y a ces correspondances. »
Cette remarque est très juste. A cause de Platon, à cause de Descartes, à cause de beaucoup d’idéologies, on a séparé le corps et l’âme, alors que les deux ne sont qu’un, et du coup, on ne voit plus les correspondances. On a séparé Dieu et l’homme ; on a séparé l’esprit pur du monde angélique et l’esprit incarné de l’homme ; on a séparé l’homme et la femme ; on a séparé le ciel et la terre ; on a fait des couples ; on a fait des yin et des yang ; on a fait de l’anti-Christ ; on a fait le mâle et la femelle ; on a fait les homosexuels ; etc.
« On ne sait pas qu’il y a ces correspondances, ni, à plus forte raison, qu’il y a correspondance entre les spirituels et les naturels, ou, en d’autres termes, correspondances des choses qui appartiennent à l’homme interne avec celles qui appartiennent à l’homme externe. »
Il n’y a pas de différence, et nous n’accédons à l’unité de l’intérieur et de l’extérieur qu’en donnant le privilège à l’intérieur. N’essayons pas d’allumer le filament de l’ampoule par l’extérieur, parce qu’il faut un fil qui rentre à l’intérieur et qui donne l’énergie au filament pour éclairer l’intérieur et l’extérieur. Nous devons privilégier l’intérieur pour qu’il n’y ait plus de différence entre l’intérieur et l’extérieur dans la pureté diaphane du corps.
« Quant à ce qui concerne les correspondances de la sensibilité, le sens du toucher en général correspond à l’amour de ce qui est bon, de ce qui est bien ; le sens du goût à l’amour du savoir [de la connaissance, de la doctrine] ; le sens de l’odorat à l’amour de la perception [des choses de Dieu] ; le sens de l’ouïe à l’amour de l’apprentissage [de l’expérience, de la croissance], puis à l’obéissance [l’ouïe nous met en présence d’un autre, alors nous allons au-devant de cette présence, nous obéissons] ; et le sens de la vue, à l’amour de comprendre et de la saveur de la sagesse.
Si le sens de la vue correspond à l’amour de comprendre et de cette croissance dans la sagesse, c’est parce que la vue du corps correspond entièrement à la vue spirituelle, ainsi qu’à la compréhension intérieure des choses : en effet, il y a deux lumières, l’une qui appartient au monde vient du soleil, l’autre qui appartient au Ciel vient du Seigneur ; dans la lumière du monde, il n’y a rien de l’intelligence de Dieu, mais dans la lumière du Ciel, il y a l’intelligence ; de là, autant chez l’homme les choses qui appartiennent à la lumière du monde sont éclairées par celles qui appartiennent à la lumière du Ciel, autant l’homme comprend et devient sage ; ainsi, en tant que ces choses correspondent. [Dans l’amour de l’homme et de la femme, une unité se fait].
Comme la vue de l’œil correspond à l’entendement [nous commençons à entendre les choses, à les découvrir, à les assimiler], c’est pour cela aussi qu’à l’entendement il est attribué une vue, et qu’elle est appelée vue intellectuelle [nous voyons, nous comprenons] ; les choses dont l’homme a l’aperception sont aussi appelées objet de cette vue ; et même, dans le langage ordinaire, les choses qu’on comprend, on dit qu’on les voit : lumière et illumination, et par suite clarté, et de l’autre côté, ombre et ténèbres, et par suite obscurité, se disent aussi de l’entendement [obscurité et lumière, autant pour les choses de l’œil que pour les choses de la compréhension profonde de l’autre] ; ces expressions et d’autres semblables sont venues en usage dans le langage chez l’homme par cela qu’elles correspondent ; car son esprit est dans la lumière du Ciel, et son corps dans la lumière du monde, et c’est l’esprit qui vit dans le corps, et aussi qui pense ; de là plusieurs choses, qui sont intérieures, sont ainsi tombées dans [la manière même de les exprimer par] les mots.
L’œil est l’organe le plus noble du visage, et il communique avec la compréhension d’une manière plus immédiate que les autres organes sensoriels de l’homme ; il est même modifié par une atmosphère plus subtile que celle de l’oreille. »
C’est pour cela que la vue pénètre profondément de manière plus subtile dans les réalités humaines qui sont établies dans la main de Dieu, et dans la subtilité de l’intériorité divine.
Nous voyons la différence entre la manière dont Dieu fait s’exprimer une femme, sainte Hildegarde, sur les correspondances des puissances externes avec les choses du temps, des saisons, des rythmes, et la manière dont le sage ordonne les mêmes correspondances. Nous sentons que dans l’homme c’est la force de Dieu, la lumière, qui domine selon ces cinq modes différents, et qui effectivement transpose l’extériorité de son corps dans l’intériorité et lui donne sa virilité, laquelle disparaît dans la lumière de Dieu, qui elle-même l’établit fermement dans l’unité sponsale dans le dépassement de la nudité.
Alors un don est fait à l’homme et à la femme : le don de l’unité sans mélange entre l’amour de Dieu et l’amour de l’homme et de la femme.
Nous avons donc l’explication : avec le Livre de la Genèse, le Pape Karol a bien expliqué que nous faisons d’abord l’expérience de la solitude, plénitude du cœur sponsal, puis de l’unité, et après de la nudité qui elle-même se dépasse dans le don. Cette conjonction du temps et de l’éternité pour le féminin, de l’extérieur et de l’intérieur pour le


masculin, fait que nous sommes au-delà de l’espace et du temps dans l’unité sponsale, et nous ne nous rendons même pas compte qu’il y a eu compénétration à un moment donné.
Grâce originelle et grâce sanctifiante
Si nous voulons être illuminés de l’intérieur pour comprendre dans notre entendement, pour vivre au rythme de notre sexualité retrouvée dans la lumière, il convient de nous situer dans l’unité sponsale, dans le corps, sur une ligne de crête : à gauche, la vie de la grâce originelle, l’innocence originelle perdue de la signification sponsale du corps, et à droite, la vie de la grâce sanctifiante.
Autant qu’il est possible, il faut que nous vivions dans la signification de notre innocence originelle, dans l’aspect transfiguration de notre corps lorsqu’il vit pleinement, mystiquement, en présence ou en dehors de la présence de notre moitié sponsale, au plus de la liberté de l’innocence originelle de notre corps, dans la mesure où nous arrivons à faire en sorte que la blessure ne vienne pas la perturber par l’imaginaire ou par la libido. Et pour sacraliser notre imaginaire et bétonner notre libido, nous prenons Jésus et la grâce sanctifiante, le sacrement.
Le Pape Karol nous l’a dit :
« Ceux qui ont vocation à l’amour doivent se situer sur un seuil entre l’innocence originelle et la Rédemption du Seigneur. »
Pour pouvoir vivre de cette Rédemption, de cette guérison chrétienne de la vie divine de la grâce qui s’incarne, rayonne et transforme notre corps en lui donnant une virginité, une virilité, et une splendeur, une puissance dans l’accueil et le don de la féminité et de la masculinité sans pareilles, il faut que nous contemplions, que nous regardions, méditions, saisissions, vivions, revivions avec Jésus ce qu’Il a vécu dans la plénitude de Sa grâce capitale comme Fils de l’homme, et avec Marie comme Immaculée, femme accomplie.
Je proposerai assez volontiers à ceux qui ont vocation à l’amour, c’est-à-dire à nous tous, de demander au Saint Esprit, qui est l’unité du Père et du Verbe, de l’Epoux et de l’Epouse, de nous faire revivre dans notre chair par communion de sainteté du corps mystique de Jésus, tout ce que Jésus et Marie ont vécu. Nous verrons aussi la prochaine fois la question des blessures, des échecs, des trahisons, des adultères, des divorces, des impossibilités, des blocages, tous les problèmes qui se posent dans l’ordinaire de la vie humaine et chrétienne. Mais aujourd’hui je propose au contraire que nous allions regarder ce qui vient guérir toutes ces blessures par miséricorde prévenante, avant qu’elles n’arrivent (évidemment, si comme Freud nous prenons un peu de cocaïne, nous aurons le courage de dire des bêtises, ou d’en faire, comme prendre la voiture et foncer dans le mur à 200 km à l’heure).
Je propose donc de regarder en particulier la Flagellation, sans nous contenter de la regarder de l’extérieur (comme si nous la regardions extérieurement dans le film de Mel Gibson), mais en la vivant de l’intérieur de nous, comme Marie l’a fait en la vivant dans sa propre chair, en se laissant masharer cruellement par cette flagellation, pour que ce soit l’unité sponsale de Jésus et de Maire qui vive la Flagellation. Si ce n’est pas dans l’unité des deux qu’elle s’est réalisée, la Flagellation n’a aucune signification. Il nous faut donc vivre, contempler, regarder en face ce qui s’est passé dans l’unité sponsale de Jésus et de Marie à la Flagellation . Après avoir lu cela, nous pouvons regarder le film de Mel Gibson, pour voir l’amour intérieur et la présence physique de Marie dans la Flagellation de Jésus. Sans cette présence par laquelle Jésus était régénéré dans son unité sponsale avec Marie, il eut été strictement impossible à Jésus de se relever trois fois. La Flagellation est une réparation, un recentrage, un redirectionnement de la signification sponsale normale de l’homme et de la femme dans l’unité des deux.
Je propose aussi de regarder les Noces de Cana, deuxième mystère lumineux, et la Transfiguration de Jésus sur le Thabor, qui est un mystère sponsal par excellence. Il faut regarder cela, le saisir, l’entendre, en jouir, le savourer, le comprendre, et à force de contempler, les choses se remettent en place. A la Nativité, il s’est passé quelque chose dans l’unité sponsale entre Marie et Joseph, et aussi au sein de la Sainte Famille, dans le cinquième mystère joyeux. L’Eglise a fait de la Résurrection de Jésus un mystère du Rosaire, elle est donc un mystère de Marie.
La femme est la source de la pureté de l’unité des deux, c’est pourquoi Jésus s’est toujours mis en dessous de Marie pour se laisser féconder dans quelque chose qui le dépasse dans l’humanité intégrale. La splendeur de la femme magnifie la vérité de l’homme dans l’au-delà de l’unité des deux.


notes :
Pour rester sur la ligne de crête, il nous faut donc :
Retrouver, d’une part, le versant de l’unité du corps, de l’âme et de l’esprit (puisque l’esprit et le corps sont divisés), en comprenant comment se réalise cette unité de l’esprit et du corps. Sinon, ce ne sont pas les anges qui montent et qui descendent, mais Lucifer qui mène le jeu par l’imaginaire et par la libido, en utilisant des techniques d’excitation sexuelle passant par l’imaginaire, le métapsychique et les énergies. Chez les rosicruciens, les martinistes, à partir du 25e degré des ateliers, Asmodée a toute sa place et il est ingarrottable : il faut un exorcisme.
Il faut donc comprendre comment va se réaliser cette reconquête de la signification sponsale pour que le corps puisse rayonner à l’extérieur ce qu’il vit à l’intérieur.
Incarner, d’autre part, les mystères du Christ en les vivant avec Jésus et Marie.
Avec ces deux contemplations, nous assimilons ce qu’il nous faut pour être tout à fait en dehors des séquelles du péché originel dans la grâce du mariage.
Nous sommes à la veille de la fête du Christ Roi : dans le Royaume de Dieu, nous sommes dans le miracle des trois éléments : Dieu, l’ange et l’homme dans une seule perfection. La porte, la voie d’accès à ce miracle est le fruit du sacrement de mariage. Même le sacrement de l’Eucharistie ne réalise pas cela, parce qu’il touche la substance, l’ousia, et pas l’énergeïa : la Transubstantiation est une lumière qui nous fait pénétrer dans Jésus immolé et ressuscité, alors que la Transactuation est l’Acte final, si nous allons jusqu’au bout.
La feuille n’est pas le fruit. La feuille, qui fait le vêtement, est un appel au sacrement, pour vivre du fruit du sacrement. Et nous verrons comment cueillir tous les fruits du sacrement de mariage, au-delà des blessures et des réparations.


Samedi 26 novembre 2005
Je vous souhaite une bonne fin d’année liturgique, et surtout, que les deux années à venir soient des années d’épanouissement, de lumière et d’amour. Nous terminons l’année A et nous commençons demain l’année B (ce n’est pas très poétique) : le Aleph est une année d’adoration, d’admiration, et le Beit est plutôt une année d’intériorisation, de clôture de l’intimité pour nous ouvrir à des espaces dont l’ouverture dépend de la profondeur de notre intimité. Il y a alors un repos dans le combat parce que tout s’ouvre sans arrêt dans la grâce, dans la vie divine, dans la présence de Dieu. La troisième année est une année d’humilité, une année d’espérance : nous descendons de notre chameau, comme Rébecca est descendue de son chameau et a pu vivre une grâce nouvelle : elle a été la mère d’Israël.
Mais que cela ne nous empêche pas de continuer notre méditation sur la sponsalité.
La lecture que nous venons d’entendre nous présente cette bête effroyable qui écrase tout avec ses dents de fer et de bronze. Les qualités de cette bête sont ses habitus, son habileté extrême. Les dents représentent les vertus : le sourire de Marie et le sourire de Jésus sont extraordinaires ; ou à l’inverse les vices, car on peut avoir une dentition très harmonieuse dans le mal et être très aiguisé dans la cruauté, dans l’hypocrisie. Cette bête à dix royaumes domine toute la terre, tous les vices de destruction, pour broyer, écraser l’humain, écraser le divin, écraser les sacrements, écraser tout ce que Jésus a apporté. La génération du Christ se termine sur la terre par une catastrophe que nous commençons à voir. Ce n’est pas un secret, Jésus n’a jamais dit qu’il terminerait la génération du christianisme par une splendeur, une charité, une foi ardente, un amour, une unité, une sainteté extraordinaire. Non, et pour Jésus c’est un bon signe : lorsque le mal apparaît dans toute sa splendeur, dans toute sa cruauté, dans toute sa puissance, lorsque la faiblesse se trouve là à l’état pur, victime, qu’il n’y a plus d’hommes forts, que tout le monde est sous la main de l’Anti-Christ qui est représenté par cette petite corne qui remplace trois autres (cela veut dire que l’Anti-Christ a toute puissance contre les trois premiers commandements : tout ce qui concerne Dieu, tout ce qui concerne l’image et ressemblance de Dieu dans l’être humain), à ce moment-là c’est un jour de grandeur pour nous.
Mais l’évangile nous dit que ce n’est évidemment pas le moment de s’alourdir dans la débauche, l’ivrognerie et les soucis de la vie : tout ce qui nous ramène à nous, ce souci de sécurité pour soi, alors que l’homme est créé pour être tout entier démuni de soi-même par l’amour. Le fait qu’il soit masculin ou féminin inscrit cet appel dans son corps. Dès qu’il découvre spirituellement, métaphysiquement, et dans la lumière aussi ce dynamisme, cette force, cette puissance inscrite à l’intérieur de son corps, il découvre qu’il est fait pour être démuni et se retrouver avec une aide qui est toute démunie aussi. Tous les deux font la force de l’image ressemblance de Dieu dans l’unité sponsale. Nous arrivons jusqu’à cette nudité mutuelle, par un miracle il faut bien le dire, parce que nous sommes avec nos défauts qui consistent à toujours essayer de se retrouver soi-même, se réaliser, se trouver une compensation. Nous n’y pouvons rien, parce que nous avons été blessés et nous avons besoin de nous retrouver dans ces dérapages par rapport à l’affectivité, à la sexualité, à l’amour, à la lumière, à la vérité et à la vie éternelle, par rapport aussi à notre vocation immortelle et à notre corps.
En hébreu, la nudité se dit au pluriel : aruvim : les nudités de l’homme sont tout ce qui représente la limite, la trahison, l’échec, la blessure, le dépouillement, l’insatisfaction, les pauvretés. Un des grands avantages du mariage est que si nous vivons la nudité mutuelle dans l’amour, dans l’unité et dans la lumière de Dieu, toutes nos nudités intérieures sont mises à nu. C’est dans la prière mutuelle, tandis que se réalise le profond abandon dans l’amour mutuel, que nous découvrons les pauvretés, les limites, les trahisons et les blessures qui font qu’il est si peu facile d’atteindre la perfection dans la transformation totale de l’amour avec la médiation de toute notre personne. Dès qu’il s’agit de la communion des personnes, Dieu est impliqué, la lumière qui illumine la vie éternelle est impliquée, le cœur est impliqué, le corps est impliqué, et la différenciation sexuelle en particulier : tout est impliqué et le corps sert d’instrument, la foi et l’espérance servent de ressort, et la charité sert de carburant.
Quand un époux et une épouse s’habituent à prier ensemble, surtout dans les moments de plus grande intimité, il n’y a plus aucune difficulté pour qu’il y ait miséricorde, pardon, amour, surabondance, bienveillance et complaisance, ce qui manque ordinairement. S’il n’y a pas la mise à nu de toutes leurs pauvretés, de leurs limites, de leurs blessures, il ne peut pas y avoir miséricorde, il ne peut pas y avoir cet enrichissement dans l’accomplissement de l’humanité intégrale qui se découvre être sans péché parce qu’elle est le nid de la perfection de Dieu. Il est curieux que l’union sexuelle vécue spirituellement, mystiquement, vraiment, totalement, permette précisément une introduction dans l’amour irréformable de Dieu et l’irréformable de nos désirs. C’est pour cela que lorsque nous préparons des jeunes au mariage, nous leur disons toujours : « Il ne faudra pas vous aimer parce que vous êtes amoureux, parce que c’est un amour capricieux, mais il faudra vous aimer parce que vous êtes miséricordieux. Il faudra vous aimer parce que vous avez cette capacité de puiser dans l’unité des deux ce qui vient compléter les défaillances de l’autre et vos propres défaillances. »
Dans la liqueur de l’unité sponsale, il y a toutes les réparations, toutes les rédemptions. Le salut n’est ni dans l’homme ni dans la femme, mais c’est à partir de l’unité de l’homme et de la femme qu’il y a une puissance


obédientielle, c’est-à-dire une capacité, une ouverture à venir puiser dans l’humanité intégrale non blessée de quoi nous ouvrir à toutes les formes de la consolation, de la rédemption, de la miséricorde, de la surabondance, de la transformation. Le sacrement de mariage sert à cela, bien-sûr, parce que cette rédemption est là à l’état pur dans la présence vive, lumineuse, réelle du sacrement de mariage, qui ne se réalise qu’à partir du moment où les deux ne font qu’un dans l’intention du sacrement.
Nous avions vu les fois précédentes comment à partir de la nudité faire pénétrer le sacrement qui irrigue et répare. La sponsalité est très belle : elle est ce fait que nous soyons époux ou épouse, que nous soyons perdu dans ce qui dépasse et l’époux et l’épouse dans l’unité des deux, et que nous découvrions notre nudité mutuelle dans le sacrement. En dehors du sacrement, par les lois naturelles, il est strictement impossible de découvrir la nudité mutuelle, à cause des feuilles de figuier. Mais avec le sacrement, cette prise de conscience devient possible.
Mais le mariage n’est quand même pas le paradis, tout n’est pas idyllique, ce serait plutôt le Golgotha, la descente aux enfers. Pas tout le temps ! Pas pour vous ! Mais pour les autres, c’est très difficile, crucifiant : il y a des échecs, des désespoirs, on a toujours l’impression qu’on ne va pas y arriver : « J’ai tellement donné, mais je ne peux plus, je sens mes limites, j’ai pardonné, mais là je ne peux plus, j’ai aimé, résisté, patienté, mais je me passionne pour quelque chose d’autre, pour quelqu’un d’autre ». Alors il y a des infidélités, et des compensations : puisque je ne me sens pas capable de recevoir la pureté de l’amour de l’autre, je vais chercher des compensations, je vais rentrer dans l’ivrognerie, je vais avoir le souci de rechercher le plaisir, même avec mon conjoint, et il y a une réduction à l’objet de l’autre pour réaliser une troisième réalité qui relève d’une bête avec des dents de bronze et de fer qui broie tout.
Quand on se marie, on se met dans l’unité sponsale devant Jésus, devant l’Immaculée, devant toute la Jérusalem céleste, le ciel est ouvert, qui fait descendre en nous une alliance pour qu’on ne tombe jamais dans cet échec total, et on se promet fidélité, unité, indissolubilité, fécondité, sacramentalité. C’est très beau, parce qu’on sait très bien qu’on restera fidèle jusqu’au bout, même si on sait très bien que ce ne sera pas toujours commode dans le temps, parce que la cruauté revient vite : une femme féroce est horrible, et un homme violent et destructeur est terrible aussi. Mais on se le promet quand même, et Jésus donne dans le sacrement de quoi réparer tout le temps à sa source tout ce qui pourrait faire venir ce genre de drames, de destructions, de fêlures, et élargir les abîmes de la séparation.
J’aurais aimé que le Seigneur nous aide aujourd’hui à comprendre que quand on se marie, quand on aime et qu’on est aimé, quand on s’est unis et que Dieu s’est engagé, cet amour-là est indissoluble, indestructible. Il peut y avoir des destructions sur le plan psychique, sur le plan sensible, sur le plan du ressenti : ce n’est pas grave. Mais sur le plan du cœur, sur le plan du don et de l’accueil du don dans l’unité des deux en Dieu, l’amour est indestructible et on peut le retrouver tout le temps. C’est pour cela que ceux qui sont mariés dans un sacrement (les chrétiens par exemple) ont beaucoup de chance, parce qu’ils peuvent dès qu’ils le veulent retrouver cette indissolubilité, cette indestructibilité et la faire descendre dans toutes les parties de leur unité profonde d’homme et de femme dans la communion des deux. C’est très efficace.
Un mariage célébré à la synagogue réalise aussi une union indissoluble dans la grâce messianique et en Dieu. Les mariés peuvent toujours trouver dans cette union dans la grâce messianique, dans la Mère divine qui est dans la Jérusalem d’en haut (cela fait partie du mystère d’Israël et de la foi d’Israël), de quoi nourrir, bétonner, réparer, miséricordier, relever, transformer, toutes ces tendances que nos blessures font surgir au fur et à mesure et au long des jours.
Ces blessures que nous avons vis-à-vis de notre moitié sponsale, de notre époux, de notre épouse ou de l’unité des deux s’originent dans l’enfance
Il est extraordinaire de saisir cette loi de la nature :
Quand nous assumons entièrement de l’intérieur la solitude habitée, vivante, spirituelle et divine de l’autre, dans notre solitude vivante, spirituelle et divine assumée, en nous-même, lorsque les deux solitudes habitées s’assument l’une l’autre dans une unité, une profonde communion des personnes, nous passons de l’âge adulte à une redécouverte de notre jeunesse, de nos désirs d’adolescents. Lorqu’un petit ménage de soixante-dix ans se retrouve dans cette assomption de cette solitude vivante habitée de l’autre en Dieu, il se retrouve à l’état de pure jeunesse. La solitude est liée à l’état adulte : la responsabilité vis-à-vis de la création du monde et de Dieu ; et l’unité est liée à la découverte et à la formation de la signification sponsale du corps dans son extériorité et dans son intériorité, pendant la période de l’adolescence et de la puberté. Si nous allons à ce moment-là jusqu’au bout de l’obéissance, de la lumière, de la conscience de raison, de la conscience spirituelle, de la liberté, nous nous retrouvons spirituellement et mystiquement très proches de l’état de l’enfant. Et si nous allons jusqu’au bout du sacrement, nous nous retrouvons à l’état originel. C’est un processus de maturation de l’unité des deux.
A cause de ce phénomène, nous expérimentons que plus nous grandissons, plus nous mûrissons dans l’amour, plus il y a abandon et interdépendance : l’enfance apparaît, nous sommes conçus comme un être nouveau, nous sommes au terme, au sommet ou au centre de cet état où nous sommes en conjonction avec le Créateur, où nous
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devenons donc pro-créateurs, et nous pouvons concevoir un quatrième être : nous deux avons conçu un troisième être dans l’unité des deux, et quand nous revenons dans cet état extraordinaire que donne la grâce, que donne l’unité sponsale, que donne l’innocence dans la nudité et la pauvreté, dans le dénuement, dans ce caractère complètement instrumental où il n’y a que l’amour qui nous meut, à ce moment-là il n’y a plus que Dieu qui nous meut, et il y a la possibilité de la procréation et la fécondité.
Mais nous voyons bien que toutes les étapes de la vie humaine : la conception, la naissance, l’enfance, l’adolescence, la puberté et l’âge adulte, se retrouvent dans l’unité sponsale, et toutes les blessures qui ont été traversées depuis la conception vont réapparaître dans le rapport mutuel de l’unité des deux. Il va y avoir des frigidités, des glaciations, des violences, des pulsions, des compulsivités, des fantasmes, le ‘vélo’, le cheval qui galope. Ça arrive d’un seul coup, sans que nous nous y attendions. Le sacrement de mariage est aussi là pour réparer toutes les blessures infligées à l’amour au cours de la croissance du corps et de la signification sponsale du corps masculin et féminin depuis la conception. Il ne faut pas avoir peur des épreuves, parce qu’elles viennent peut-être un peu de l’autre, elles viennent certainement de nous-même, mais elles ne viennent pas de l’unité des deux : elles viennent des blessures qui sont infligées et que nous portons dans notre mémoire sponsale au cours de notre formation, cette libération des libertés masculines et féminines qui ne se sont pas faites quand nous étions enfant.
Quand nous sommes amoureux, c’est-à-dire quand nous avons bloqué notre développement masculin ou féminin à l’adolescence dans la contre-dépendance, nous avons du mal à dépasser le douzième degré de l’amour entre l’homme et la femme et nous restons à un amour psychologique de type passionnel. Si nous grandissons, si nous creusons, si nous persévérons, si nous patientons, nous allons peut-être aller au treizième ou quatorzième degré : la colère, la haine, et nous allons croire que l’amour n’existe plus, parce que la haine passionnelle est une forme de l’amour qui exprime un désarroi de l’unité sponsale parce que l’unité ne s’exprime pas spirituellement par la sexualité dans la signification sponsale du corps. La tristesse domine alors la relation pendant une période deux, trois ou quatre ans, puis après ce sera la fuite passionnelle, et même quelquefois la haine, qui est la haine de cet amour humain auquel nous aspirons pour avoir la plénitude de l’union sexuelle spirituelle, de l’union conjugale, de l’union sponsale, de l’union avec l’amour inépuisable de Dieu, avec l’alliance de l’amour de l’instant présent et l’amour éternel du ciel à la terre. Nous ne serions pas féminin ou masculin si nous n’aspirions pas à cela.
Nous ne pouvons pas non plus refouler la sexualité en disant que c’est trop difficile. J’ai demandé un jour à un ami comment il avait fait pour réussir HEC, et il m’a répondu : « C’est très facile, à quinze ans, j’ai pris un sabre [ne faites pas pareil !] et je me suis coupé ici [sous la poitrine, comme un saucisson] en disant : maintenant, je ne vivrai que d’ici jusqu’à là-haut, et tout le bas, rien. Et effectivement, à partir du moment où j’ai fait cela résolument, j’étais libre pour réussir. » Oui, il a réussi au niveau professionnel, mais il faut voir l’épouvantable répercussion sur son ménage, sur l’enfant. Je crois que je n’ai jamais vu pire, et pourtant on en voit des horreurs ! Nous ne refoulons pas cet appel à l’amour, nous n’avons pas peur d’aimer, nous n’avons pas peur d’être à nu, nous n’avons pas peur de nos faiblesses, nous n’avons pas peur de nous perdre.
Que se passe-t-il quand nous n’avons pas aimé pendant une période de notre vie ?
Par exemple, si on m’a dit à partir de l’âge de quinze ans : « Il faut que tu travailles, il faut que tu réussisses tes études », si pendant sept ans je n’ai jamais regardé personne pour réussir [je ne veux pas dire qu’il faut se jeter sur le premier venu], si ensuite je tombe amoureux (me disant : « Finalement j’ai bien fait de préparer le terrain pour que nous puissions vivre ensemble quelque chose de beau, de grand, mais de stable aussi ; j’ai préparé cela par amour), si je me marrie à l’âge de 28 ans avec une femme magnifique, parfaitement accordée, avec la grâce de Dieu, et que nous vivons ce mariage de la façon la plus forte possible, comme c’est curieux, au bout d’un certain temps d’unité, d’intimité, de prière commune, je rencontre une jeune fille de dix-neuf ou vingt ans sur laquelle je fais une fixation affective. Que m’arrive-t-il ? J’en pince pour Iphigénie, elle me rafraîchit le cœur ! (pour une jeune femme ou une jeune fille, ce sera de croire que finalement c’est celui-là qu’elle aime et qu’elle n’a jamais aimé mon mari).
Ce phénomène est très curieux : je vais faire des fixations affectives sur des personnes qui étaient pleinement réveillées dans leur affectivité, de manière ordinairement assez saine, à l’âge où j’étais complètement refoulé : cette personne-là réveille mon cœur qui n’aimait pas quand j’avais vingt ans. Si je rencontre quelqu’un qui réveille un amour pur, je vais forcément faire des fixations affectives et croire que je suis amoureux, parce que j’ai eu des blessures (en étant un refoulé ou au contraire un corrompu, dans les deux cas j’ai tout détruit). En fait je ne tombe pas amoureux, mais je découvre au contact de cette personne-là que j’ai un cœur de vingt ans que je n’avais encore jamais connu. Maintenant j’ai trente ans, ou quarante, ou cinquante (le démon de midi existe : en plein soleil, les hommes de cinquante ans font des fixations affectives de tous les côtés, c’est merveilleux).
Il ne serait pas très intelligent de la part de l’épouse de dire à ce moment-là : « C’est terrible ! Et moi, de quoi ai-je l’air dans cette histoire ? ». Faire des fixations affectives est très bon : cela prouve que notre cœur cherche la guérison. Si de l’âge de quinze à vingt-deux ans, mon épouse s’est elle aussi complètement coincée pour pouvoir réussir, son cœur de quinze à vingt-deux ans ne m’aime pas, et je ne l’aime pas avec mon cœur de quinze à vingt-deux ans. Or nous devons nous aimer avec tout notre cœur, toute notre vie, toutes nos puissances.
Et je rencontre Iphigénie : « Quelle déesse, quelle pureté ! ». Lors des préparation au mariage, nous prévenons toujours les fiancés : « Ça va vous arriver au moins quatre ou cinq fois (sinon, il y a un problème), mais quand ça va vous arriver, ne prenez pas le marteau-piqueur pour approfondir : laissez-vous découvrir que vous avez un cœur de vingt ans nouveau. Une fois que cet amour amoureux sensible vous aura réveillé dans quelque chose qui avait été massacré, le soir, avec ce cœur réveillé par Iphigénie, tournez-vous vers Caroline votre épouse pour lui dire : « C’est Caroline que je préfère ». C’est grâce à Iphigénie que vous allez aimer Caroline d’un amour toujours plus nouveau, toujours plus jeune. »
Je passerai sur les détails concernant les conseils que nous donnons sur le type de fixations affectives : certaines fixations affectives ne doivent pas durer plus de deux jours sans faire un acte de recentrage dans l’unité sponsale ; d’autres ne doivent pas durer plus de vingt-deux jours ; et d’autres enfin, plus de neuf mois (elles ne sont pas de même nature, mais ce n’est pas ici le sujet).
Prenons un exemple : un prêtre de paroisse est dans le célibat, il s’offre dans l’amour sponsal du Verbe incarné, la féminité de la grâce incarnée presque visible à ses yeux, sensible. Depuis qu’il a l’âge de cinq, six ou sept ans, il veut être prêtre, alors il a fait très attention, il a été parfaitement chaste, ce qui est très bien parce que sa virilité se met en place de manière forte et pressante, c’est un homme viril (malheureusement nous ne sommes pas tous comme cela, mais la grâce aidant ça devrait être cela). Et parmi les paroissiennes, une reine est là, il y est sensible. Le soir, pendant sa prière : « Dieu viens à mon aide, Seigneur à notre secours. Gloire au Père, au Fils et au Saint Esprit », il a le fantasme d’Iphigénie dans sa tête. Ces fixations affectives sont un très bon carburant, elles ne sont pas des tentations (ce n’est pas le démon qui provoque cela). Du coup le soir, quand il dit la messe, quand il réalise que son cœur s’est réveillé, que son corps s’est rafraîchi, que son affectivité s’est ouverte, il dit : « Merci Seigneur, mais c’est Toi que je préfère ». Du coup son amour pour Jésus ne cesse de se rajeunir et de se viriliser. Il est terrible pour des prêtres ou pour des maris de ne pas être virils (je parle de virilité affective). Il ne faut pas prendre tout ce qui nous arrive comme des tentations, comme des fautes qui culpabilisent, comme des trahisons insupportables, mais comme un carburant.
Quand dans la nudité mutuelle des blessures se mettent à jour : une exaspération, une distance, un rejet, une incapacité à continuer, une colère irrationnelle. mais ça ne va pas toujours jusque là, pas besoin que ce soit un dragon avec des dents et avec des cornes ! : quand nous ne sommes pas entièrement dans l’extase, quand nous ne sommes pas emportés dans le ravissement surnaturel, quand nous ne sommes pas emportés dans la Jérusalem spirituelle sur la base de l’unité dans laquelle nous nous sommes écoulés délicieusement dans l’unité des deux, quand un égoïsme apparaît, ou une petite peur, ou une angoisse, il faut comprendre que c’est tant mieux, parce que si nous arrivons à assumer ces peurs, cette angoisse, cette distance, cette exaspération, cette colère irrationnelle (toutes choses qui sont toujours perceptibles à l’autre, qui s’expriment toujours dans l’unité des deux grâce à la nudité, parce que le corps parle toujours très fort), si nous la retrouvons, si nous la reprenons en main, nous vivons un événement analogique, nous revivons un manque d’amour qui nous a blessé, qui nous a arrêté et qui nous a fait dévier de la voie libre vers l’amour sans obstacle, une blessure qui date ou de notre adolescence, ou de notre enfance ou de notre conception.
Il va falloir apprendre à vivre cela dans l’unité sponsale, dans le sacrement, en présence de Jésus, en présence de Marie, en présence de la Jérusalem céleste, en présence du Père : « Celui qui a le Père a le Fils, celui qui a l’Epoux a l’Epouse ». Et si nous vivons cela à travers la grâce en retrouvant notre Mère, en retrouvant la femme, en retrouvant la grâce à l’état pur, à l’état parfait, en retrouvant la Jérusalem spirituelle vers laquelle nous courons tous les deux, pour nous en abreuver, pour l’offrir, pour nous plonger dedans, pour nous écouler délicieusement en notre blessure dedans cette grâce de la Transactuation surnaturelle sponsale, nous trouvons une guérison de notre blessure d’origine, et toutes les blessures d’origine touchent l’identité masculine ou l’identité féminine, l’identité tout court.
L’introduction générale est terminée !
Si nous voulons être clairs, il faudrait reprendre le déroulement de la vie. Grâce au mariage, nous redescendons jusqu’à Dieu dans notre origine, et c’est par la cause finale que nous allons redescendre dans notre origine et que nous allons traverser toutes les blessures d’amour, tous les manques d’amour, pour retrouver la plénitude de l’amour dans l’unité des deux. Le sacrement de mariage est très fort pour cela. Ne faites surtout jamais de psychothérapie ! Dans l’unité sponsale, c’est une Agape-thérapie, et les choses sont à nu : Avourim.
Question : « En dehors du sacrement de mariage, comment guérir de ces blessures ? ».

  1. Je suis célibataire, je n’ai pas le sacrement de mariage, mais je sais que le sacrement de mariage existe, et je vis du fruit du sacrement de mariage. Une fois que nous aurons bien vu le sacrement de mariage, nous verrons comment le sacrement de mariage offre sur un plat de diamant, d’or et de lumière le fruit du sacrement à tous les autres, pour qu’ils en vivent dans la signification sponsale de leur corps, car toute vie humaine a heureusement une dimension sponsale.

La manière dont l’homme et la femme dans l’unité sponsale ont présidé dans la liberté originelle d’innocence divine à la conception de leur enfant va conditionner le climat de l’identité de l’enfant.
C’est bien dans l’unité des deux qu’il va y avoir, lorsque l’homme et la femme se disjoignent, une unité symbiotique entre la mémoire d’amour de l’époux et la mémoire d’amour de l’épouse à travers cette tension intergamétique dans le ventre maternel, jusqu’à ce que se réalise le début de la fécondation. Cette tension intergamétique de l’amour de l’époux et de l’amour de l’épouse sous un mode de mémoire biologique porté par la présence attentive de la Sagesse créatrice de Dieu, va aboutir au bout de dix-neuf heures - traduisez sous l’ombre de saint Joseph, de la paternité de Dieu - à la création de l’être nouveau dès qu’apparaît le génome. Bien-sûr que le conditionnement d’amour de l’époux et de l’épouse qui reste dans cette tension intergamétique gardée par la paternité de Sagesse divine de Dieu qui va créer, porte cet enfant à une certaine capacité d’amour qui sera plus ou moins grande. Il n’y aura jamais de blessure dans une conception, même en cas de viol, même s’il y a beaucoup d’amour de l’épouse et moins d’amour de l’époux, et c’est cette somme d’amour portée par la présence créatrice de Dieu qui va présider au climat de la création d’amour sans limite de Dieu dans le génome. L’amour symbiotique sera parfait, parce que dans la tension intergamétique il n’y a plus ni la signification sponsale de l’homme, ni la signification sponsale de la femme : il n’y a plus que la signification sponsale de l’unité des deux, mais il y aura plus ou moins d’amour dans cette tension intergamétique de l’unité sponsale pendant les dix-neuf heures de fécondation.
Notre vie va donc être consacrée par ce conditionnement qui vient aussi du péché originel. Le péché originel vient de ce qu’il n’y a pas une plénitude d’amour de l’image et ressemblance de Dieu dans l’amour créateur de Dieu : il y a une perfection d’amour, mais une insuffisance dans cette quantité amoureuse. Il n’y a pas de manque dans la conception parce que Dieu remplit tout (sinon il n’y aurait pas de liberté originelle), mais du côté des parents oui, il y a toujours un manque, et c’est ce qui conditionne, dans notre participation au péché originel, notre tendance à aller chercher ce qu’il aurait pu y avoir de l’amour de l’homme et de la femme dans ce qui a présidé à la conception.
Aussitôt créé, l’enfant va multiplier ses cellules à une vitesse considérable, se transformer en cosmonaute, et arriver au bout de huit jours dans la paroi utérine. Ce moment est très beau ! Quand il arrive sur la paroi utérine, il est organisé dans la présence du DNA du père et de la mère et de son propre DNA à lui. Sa mère reconnaît que ce n’est pas son propre DNA à l’état pur, donc elle essaie de détruire cet enfant qui se pose sur sa muqueuse utérine, mais l’enfant sécrète un message à sa mère : « C’est ta moitié sponsale et toi-même qui êtes là », défendant l’unité sponsale en frappant à la porte. S’il y a un minimum d’amour de la femme pour cette unité sponsale, elle s’ouvre, et l’œuf descend dans la paroi utérine. Mais beaucoup d’œufs disparaissent à ce moment-là, parce que la mère n’aime pas d’un instinct divin métaphysique : elle n’a aucun amour dans l’unité sponsale, elle se ferme et l’œuf ne rentre pas.
Il y a une première séparation pour rentrer dans la muqueuse utérine, puis quatorze jours après une seconde séparation pour que cet œuf se libère à nouveau et rentre dans la muqueuse amniotique. Au long du processus de la formation de l’enfant dans le sein maternel, il va y avoir sans arrêt séparation, attachement, nouvelle séparation, nouvel attachement, mais à chaque fois avec un enrichissement nouveau. La séparation est liée au père. Au huitième jour, j’arrive sur la muqueuse utérine et ma mère me dit non parce qu’il y a le père. Le père est toujours à l’origine d’une réaction de séparation, le père me sépare toujours du fusionnel avec le père et la mère pour pouvoir rentrer profondément mais moi-même, ayant fait ce que je devais être : j’ai aimé mon père, je l’ai défendu, et ma mère m’a accueilli dans son unité sponsale. Et tous les phénomènes biologiques sont liés à une activité spirituelle. Il ne faut pas dire que l’enfant, dès le premier jour, n’a pas de liberté. Il a une conscience d’amour très forte et perçoit donc très bien le manque d’amour. Il perçoit aussi très bien cet amour qu’il est dans l’acte créateur de Dieu.
Toute séparation est pour une réintroduction, un nouvel attachement plus grand, plus profond, qui lui-même va engendrer une nouvelle séparation (liquide amniotique) pour une unité plus grande et une formation plus grande. Un moment très important est celui où l’enfant commence à entendre la présence du père par le sens de l’ouïe, à la huitième semaine, avant la fin du deuxième mois. Si le père et la mère ne se respectent pas, l’enfant l’entend très bien, cette fois-ci avec ses sens externes. Mais le plus souvent, cela produit beaucoup d’amour, parce qu’entendant la voix de son père, et il commence à bouger pour aller du côté de son père, se séparant de sa mère dans le ventre. Toutes les femmes qui ont été enceintes le savent bien : le père parle à l’enfant d’un côté, puis il sort du lit, se met de l’autre côté, appelle l’enfant : « c’est papa, je suis là » et l’enfant bouge, il commence à prendre ce sens d’être lui-même dans la séparation de la mère puisqu’il sortira un jour.
La séparation de la naissance est une souffrance, mais une souffrance qui est vécue dans la présence d’amour de Dieu, la présence de Noël par exemple : quand Jésus est né, l’amour entre Joseph et Marie est tellement fort qu’ils ont été physiquement transfigurés et que Jésus est né à travers eux, comme Il est passé à travers les portes du Cénacle, sans abîmer. Mais si la séparation n’a pas lieu dans cette plénitude d’amour, dans cette unité sponsale transfigurée, la souffrance de la naissance sera plus grande. En tous cas, cette séparation de la mère dans la naissance est faite pour retrouver la mère corps à corps, extériorité à intériorité.
De la conception jusqu’au huitième mois environ après la naissance, il y a une phase symbiotique : l’enfant est en symbiose avec la mère, et cette symbiose est conditionnée par l’intensité d’amour qu’elle peut avoir avec le père. Cette symbiose sera plus ou moins bien vécue selon qu’il y a eu affection, attention, admiration, sacrifice, présence mutuelle, prière. Il est bien évident que quand nous nous retrouvons dans le sacrement et que nous vivons pleinement, mystiquement et sensiblement de l’unité des deux en Dieu, nous réparons toutes ces blessures-là qui sont évidemment les plus difficiles à atteindre, parce que nous ne nous en souvenons pas.
Pendant la phase symbiotique, l’unité n’est pas fusionnelle : l’unité est amoureuse, personnelle, mystique et biologique en même temps. Le fusionnel est purement métapsychique : pour me calmer et me déresponsabiliser, je rentre dans une unité fusionnelle avec quelqu’un d’autre. Le fusionnel est psychologique, un amour de similitude, tandis que tous les amours naturels de l’enfant, de l’homme et la femme sont des amours d’ordre sponsal. Ils impliquent donc une séparation et une unité avec quelque chose qui exprime toujours l’altérité (je suis quelqu’un d’autre).
Après la phase symbiotique, vient la phase dépressive. L’enfant sort de cette symbiose avec la mère et à travers la mère ce rappel de l’unité que lui-même lui a induit avec son père dans toute sa peau, dans toute sa chair de femme. C’est le moment où l’enfant ne veut pas aller dans les bras de quelqu’un d’autre, et où il fait ses premières maladies. Si pendant la phase dépressive l’enfant est systématiquement mis entre les bras d’une nourrice, du voisin ou de la voisine, il va y avoir des difficultés qui vont rejaillir dans le mariage futur de l’enfant.
Après la phase de dépendance, il va y avoir d’un seul coup la phase de contre-dépendance, jusqu’à l’âge de deux ou trois ans :
« Maintenant, pour faire plaisir à ta maman, tu vas bien manger ta soupe. - Non !
« Tu ne touches pas à cela ». (... et aussitôt l’enfant y touche)
« Fais un gros baiser à oncle Patrick. - Non !
Cette contre-dépendance signifie que je ne peux pas être tout le temps dépendant de mon père et de ma mère, et à travers ma mère de mon père. Si l’amour grandit dans la phase de dépendance et de contre-dépendance, je grandis spirituellement, je commence à me voir dans le miroir. Avant cette maturité d’amour dans la phase de dépendance, je n’arrive pas à m’aimer moi-même, à me voir moi-même, puisque je me vois toujours en phase de dépendance ou en phase d’amour symbiotique, je me vois toujours à travers l’amour des parents. Tandis que là, c’est à travers l’amour des parents que je peux me voir moi-même, comme un reflet de moi-même où je peux me voir. Je me souviens que quand j’avais un an et demi, un peu avant deux ans, mes parents s’amusaient beaucoup à me mettre devant un miroir et je disais toujours : « oh, Bruno ! », parce que j’ai un jumeau. Je ne me voyais pas moi.
Or il faut que je puisse me voir avec beaucoup d’amour. Si je n’ai pas été aimé par mon père, par ma mère, si je n’étais pas engendré, enveloppé, irrigué par l’amour mutuel des deux lorsqu’ils me faisaient manger, boire, dormir. je vais bien me reconnaître dans un miroir, mais pas avec admiration, l’amour ne va pas grandir, il y aura des blessures de non-amour dans ma découverte de moi-même.
La phase de contre-dépendance est très belle. L’enfant dit non. Le piège est de lui demander de dire non, alors l’enfant ne sait plus quoi faire : « Si je dis non, je dis ce qu’il m’a dit de dire, et si je dis oui, je dis justement ce que je ne veux pas dire. » Mais si vous voulez le piéger, piégez-le avec beaucoup d’amour, et pas trop vite, sinon vous le désarçonnez. Et si vous le désarçonnez pendant cette phase de contre-dépendance, attention à l’adolescence ! Si vous ne vivez pas avec cet enfant cette phase de contre-dépendance avec beaucoup d’amour, beaucoup de découverte, beaucoup d’admiration, il faudra beaucoup plus d’amour entre vous, les parents, pour arriver à aider, à protéger, à relever le cœur de votre adolescent lorsqu’il part dans un phénomène névrotique, quelquefois psychotique, terrible.
Quand le bébé commence pour la première fois à dire : « Papa », ou « Shm’a » (le premier mot qu’un fils d’Israël doit prononcer), vous êtes dans l’admiration : « ça y est, mon tout petit a prononcé Shm’a : écoute Israël, Shm’em : me voici. » Il passe de la conscience mystique à la conscience religieuse. Comme il a une conscience religieuse, la signification sponsale de sa solitude commence, et en même temps, du coup, il n’est plus en symbiose, il est différent, il est déjà en relation avec sa future moitié sponsale, avec la signification sponsale de son unité avec Dieu, avec Jésus. Il va donc dire non à la symbiose.
Quand le bébé marche pour la première fois, tu es admiratif : « Oh tu as marché, bravo ! », et quand il commence à marcher dans la prise de conscience de sa solitude, il faut lui dire bravo aussi. Ou alors tu as été blessé dans ton enfance, ta moitié sponsale ne supporte pas les réactions d’adolescent que tu as quelquefois (celui qui n’a pas résolu son problème d’adolescence est capricieux : « Moi j’ai envie de ça. mais ça, j’ai pas envie » :
« Il faudrait quand même que nous puissions nous retrouver dans l’unité sponsale.

  1. J’ai pas envie.

Ça n’a rien à voir avec l’envie : c’est nécessaire, c’est une vocation, ce qui est tout à fait différent. C’est comme si j’arrivais le dimanche devant les paroissiens et que je leur disais :
« J’ai pas envie de dire la messe.

  1. Mon Père, est-ce que vous voulez bien me confesser ?
  2. J’ai pas envie.

Remarquez, je demande parfois aux paroissiens :
« Mais pourquoi ne vous confessez-vous pas ?

  1. J’ai pas envie.

Réaction d’adolescent ! Souvent les parents blessés dans leur adolescence n’ont pas reçu cet amour qui permet de voir que quelqu’un existe, qu’il grandit. Il se sépare, mais il veut montrer qu’il existe, qu’il est grand, qu’il n’est plus bébé. Alors les parents ne vont plus dire : « Bébé a dit non », mais : « Tu as dit non, c’est bien, ça y est, tu fais ta phase de contre-dépendance, c’est bien, continue comme ça. Allez, maintenant tu vas manger le yaourt. - Non ! On va laisser vivre cette phase de contre-dépendance, on va laisser dire « je », ce n’est plus bébé, c’est « je », « tu », « lui » : il devient un enfant, il est lié à Dieu, il peut prier consciemment, librement. Il est passé de la conscience mystique à la conscience religieuse, quelque chose de très fort se passe à ce moment-là.
Si cette phase est vécue avec beaucoup d’amour, d’admiration, de satisfaction de la part des parents, les parents ne vont pas le laisser faire trop son caprice, et après lui avoir montré qu’ils sont très contents parce que c’est « je », ils le piègent un peu : « Maintenant que ce n’est plus bébé, maintenant que c’est toi, dis non ». A un moment- donné, il faut lui faire sentir la limite de la contre-dépendance, et il va apparaître dans son autonomie de présence de Dieu cette volonté de Dieu dans la sienne, il va y avoir la découverte de la loi, la découverte de la limite à ne pas franchir. Ses parents vont le laisser faire un maximum de choses, lui montrant que sa contre-dépendance est libre, mais ils restent dans un regard d’amour vis-à-vis de lui et ils le protègent pour qu’il ne se tue pas (c’est le rôle du père). Ils le laissent aller vers différents dangers en lui donnant des limites à ne pas franchir, et ils ne restent pas dans la phase symbiotique en le faisant vite rentrer dans le sein maternel pour qu’il soit en sécurité. L’enfant va donc avoir le sens de la loi, le sens de la règle, le sens des limites à ne pas franchir, grâce à quoi, si cette phase est bien vécue, il ne fera plus désormais ses caprices avec son corps, avec sa sexualité, ni avec son irascible, même dans l’adolescence.
Si je vis très mal cette phase de contre-dépendance avec mes parents, même si j’ai soixante ans (ça date de cinquante-huit ans), c’est loin tout ça ! mais. je le retrouve dans l’unité sponsale. J’ai vécu un non-amour, mes parents ne m’ont pas reconnu, ils n’ont pas voulu que je sois moi-même, et du coup, deux types de réactions possibles : je me suis écrasé et je suis resté dans une relation de similitude (c’est la base de l’homosexualité) ou j’ai écrasé les autres sous mes caprices.
Derrière cela, il y a un manque d’amour, un manque de sécurité des parents eux-mêmes qui ont pris l’habitude de faire uniquement ce qu’ils ont envie quand ils ont envie. Alors ils ne font pas un homme ou une femme, un jeune homme ou une jeune fille, mais ils font des homosexuels, pas plus. Il y a beaucoup de divorces : 80% des divorces sont demandés par la femme ; dans trois cas sur quatre, l’enfant est confié à la mère, et dans deux cas sur trois, il ne voit pratiquement plus son père. C’est lié à ce fait : « J’ai envie » ou « j’ai pas envie ». Il faut quand même faire attention ! Il faut beaucoup d’amour. Un père, une mère donnent leur vie.
Dans la phase symbiotique, l’enfant a des besoins, et il ne faut pas dire que ce sont des caprices : il n’y a pas de caprices dans la phase symbiotique. L’enfant a besoin de lait, il a besoin de la voix de sa mère la nuit, il a besoin d’une présence, c’est un besoin d’amour qui s’exprime à travers un besoin de se nourrir, un besoin de lait, un besoin d’entendre. Cependant, si le besoin est trop fort, le père joue un rôle très important, surtout au bout d’environ neuf mois, quand arrive la phase dépressive : « Il ne faut pas réveiller maman, elle est fatiguée, alors je te donne le biberon maintenant » (et une petite tape sur les fesses), et d’un seul coup l’enfant dort sans plus réveiller personne. Le père joue un rôle d’amour séparant pour un attachement plus grand. L’enfant se sent alors un peu abandonné, d’où la phase dépressive.
Le rôle de complémentarité de l’époux et de l’épouse est très fort. S’ils s’aiment mutuellement, ils n’ont pas besoin de connaître tout cela. S’il y a pleine masculinité et pleine féminité dans l’unité sponsale lorsqu’ils font l’amour en Dieu dans la nudité et dans la mystique, quand la plénitude de la présence de Dieu est invitée en plénitude à vivre ce sacrement dans la mission invisible des personnes divines dans leur unité de corps, d’âme et d’esprit,


croyez bien que la mise en place de la signification sponsale du corps se fait instinctivement dans l’enfant quand il a deux ans ou quand il en a quatre. A quatre ans, tout est pratiquement joué au niveau du conditionnement.
Notes :
Après la phase de contre-dépendance, il va y avoir une période au cours de laquelle l’enfant va prendre de plus en plus conscience de la prière, de son autonomie. Le silence de l’enfant pendant cette phase veut dire que ses parents n’expriment pas assez leur amour mutuel en la présence de l’enfant.
A sept ans, l’enfant découvre sa vocation. Il fait la première expérience consciente que Dieu l’aime. Il sent qu’il peut aider ses parents. Cette phase d’interdépendance dure jusqu’à onze ans.
Pendant la phase d’identification, l’enfant se découvre et s’aime comme petit garçon ou petite fille. Il s’identifie par l’avoir du père ou de la mère. La petite fille prend par exemple les pantoufles de son papa, et le petit garçon le soutien gorge de sa maman. L’enfant s’identifie dans l’unité sponsale seulement si chacun de ses parents magnifie l’autre : la maman admire son mari et elle le dit à l’enfant : « Pape ne te parle pas beaucoup mais il fait beaucoup et il t’aime beaucoup » (un midrash rabbinique dit d’ailleurs au sujet de la parole qu’une part a été donnée à l’homme et sept à la femme).
Il faut que la mère laisse la place à l’amour séparant, laisse le père séparer l’enfant d’elle pour que l’enfant trouve l’amour de Dieu.
Je connais un petit garçon qui a demandé à sa cousine de lui montrer ses tétés. Sa tante lui a dit d’aller demander cela à sa mère, ce qu’il a fait, et il a reçu une bonne gifle. Plutôt que de gifler l’enfant, il vaut mieux lui dire de demander la permission à son père, ou lui dire que le sein de sa mère l’a allaité mais qu’il n’est plus pour lui.
Il faut laisser le maximum de place à l’autre face à l’enfant, sinon il aura un problème d’identité. 80% des gens ont aujourd’hui un problème d’identité et sont homophiles. Ils se marient sans unité sponsale. Il faut réparer ces problèmes d’identité et ces blessures dans le mariage, à condition d’aller toujours au-delà de ses caprices dans la présence de Dieu pour retrouver l’odeur de l’amour à travers son corps par les sens externes (symbiose).
Si la contre-dépendance a été mal vécue à trois ans, ce sera terrible à treize ans. L’amour des parents dans l’unité sponsale doit être très fort, sinon l’adolescent vivra un écrasement de soi (une démission) ou bien un écrasement des autres. Dans l’amour, nous ne vivons pas nos caprices mais nos désirs profonds : désirs d’être guéris et que l’amour sponsal puisse prendre toute la place.
Je passe glorieusement l’enfance par la foi (à travers l’enfant indépendant en Dieu je trouve la foi), l’âge de l’obéissance à sept ans, l’adolescence avec la période de contre-dépendance (à travers l’adolescent qui aide ses parents je trouve l’espérance). Sinon, le sacrement de mariage permet l’effusion de l’amour de Jésus, de l’Immaculée, dans le peu d’amour pour ma moitié sponsale, pour retrouver l’espérance, en choisissant d’avoir toujours confiance. Je retrouve l’espérance en m’écoulant dans l’amour de Dieu, je ne fais plus mes caprices, et je ne me laisse plus écraser par les caprices des autres. De là je vis tout en Dieu pour réparer les blessures des périodes symbiotiques et suivantes. Je retrouve le désir non rempli de non-amour, je me rapproche de l’origine béatifiante.
Les trahisons, les difficultés, les infidélités (que j’appelle fixations affectives) sont des carburants. Ces fixations sur autre chose que l’amour des deux en un sont nécessaires, sinon l’amour ne rajeunit pas. Quand l’amour rajeunit, nous retrouvons physiquement le dépassement du temps et de l’espace : de l’extériorité et de l’intériorité (espace), du temps et de l’éternité (temps). Nous faisons alliance dans l’unité sponsale, alors apparaît la possibilité de la transfiguration. Au sein de la Sainte Famille, les séparations ont été fréquentes, permettant des circulations d’amour de plus en plus sensibles dans le Père, le Fils et le Saint Esprit, et la transfiguration de la nativité a été alors possible. Dans le mariage, il faut découvrir Marie qui a mis au monde l’enfant nouveau que je suis, l’enfant nouveau qu’est ma moitié sponsale et l’enfant nouveau que nous sommes ensemble. Joseph est resté silencieux, caché à l’intérieur de Marie. Dans la transactuation surnaturelle sponsale du sacrement, il y a la Présence réelle, dans notre présence réelle mutuelle, dans notre unité physique, sexuelle, surnaturelle. Elle s’incarne dans notre unité de chair et d’esprit. Alors l’obstacle devient un bras de levier pour entrer dans l’unité sponsale.
Entre l’homme et la femme, un problème risque de surgir : s’il y a régression métapsychique, si l’un ou l’autre fuit son corps, l’unité de l’esprit et du corps n’est plus là et l’amour sera destructible. Dans un corps régressé psychiquement, l’esprit ne peut produire son œuvre d’amour séparant. Quand je fais des harmonisations, de l’auto­hypnose et autres pratiques métapsychiques, l’espace rendu libre dans mon intériorité est un espace d’amour de similitude, et il faut alors retrouver l’unité sponsale. A force d’adoration, la prise de conscience de la Présence réelle dans le sacrement, par l’amour de Dieu, par l’espérance, par la foi, ... je vais récupérer les espaces perdus par le métapsychisme. L’unité sponsale exige la communion des personnes. Un amour fluidique ou para-normal est un
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amour de similitude, avec les puissances intermédiaires. Il faut reprendre conscience, célébrer la messe sponsale, profiter de la présence du Christ et de l’Immaculée qui se trouve dans le sacrement de mariage pour faire un exorcisme et une prière de délivrance. Et demander pardon quand il y a dislocation du corps, de l’âme et de l’esprit.
La guérison totale est inscrite dans le sacrement de mariage qui reprend l’homme et la femme jusqu’à l’origine. Ce sacrement contient une puissance d’exorcisme, une puissance de délivrance, une puissance de guérison des blessures, une puissance de transformation des obstacles en carburant. Le sacrement de mariage rentre dans l’unité sponsale, dans l’amour personnel entre les deux. En cas d’immaturité, s’il n’y a aucune maturité de personne à cause du métapsychique, si des phases n’ont pas été vécues en plénitude, le sacrement de mariage ne donne pas d’abord son fruit, mais la guérison, la transformation, la réparation, la rédemption, la délivrance, pour ressusciter féminin et masculin dans son corps de chair. Alors nous sommes XX ou XY.
Nous passons la période d’avant l’enfant par l’union mystique à Dieu, la période de l’enfant par la foi, la période de l’adolescence par l’espérance et la période adulte par la charité.
L’homme est la lumière, la protection, et la femme est le désert, le désir de l’homme. Elle suscite le silence en l’homme quand elle l’éclaire. Lorsqu’elle pénètre biologiquement à travers l’unité sponsale, elle réveille et fait découvrir à l’homme qu’il a aussi un X : l’homme a alors plus de tendresse, de douceur, d’adaptation dans sa réponse silencieuse. Mais si nous attendons de l’autre la même chose, il y a un problème d’homosexualité. L’amour est sponsal. Nous faisons l’expérience du non-amour, de la croix, et nous remplissons le vase du non-amour d’amour nuptial. Il faut dépasser et utiliser le non-amour. Ce non-amour n’existe pas mais il faut être deux à en prendre conscience.
Je conseille à un chrétien de se marier avec une chrétienne (et réciproquement !), sinon le chrétien doit trouver la grâce tout seul, et c’est mieux quand ce sont deux spirations actives.
Une femme qui reste dans son imaginaire croit être femme, mais elle n’est rien du tout. Il nous faut retrouver la réalité de notre corps féminin, ou masculin. Quand nous sommes dans le faux, nous sommes écorchés vifs. Mais dès que c’est physique, corporel et spirituel, nous rentrons dans le ravissement, dans l’extase.
Le mariage produit un fruit, des réalités sensibles, spirituelles et surnaturelles à la disposition de tous les chrétiens : une huile s’écoule, que nous pouvons recueillir même si nous ne sommes pas mariés.


Voir en annexe l’extrait du livre de sainte Hildegarde cité dans le livret blanc : Sponsalité, Jalons.
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Si vous ne savez pas où nourrir votre contemplation intérieure de la Flagellation, tout un groupe a médité les Mystères du Rosaire à Notre Dame de Domanova : vous les trouverez sur le site catholiquedu.net, rubrique « Mystères du Rosaire ».
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